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Pierre-Emmanuel Grange, parmi les dix meilleurs innovateurs de France

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Pierre-Emmanuel Grange : Des micro-dons quotidiens pour augmenter le financement des ONG avec son entreprise microDON.

Lorsque la caissière du supermarché termina de passer les achats de ce jeune « gringo » au lecteur, elle lui posa une question à laquelle il ne comprit rien. Après avoir hésité un instant entre les trois mots qu’il savait dire en espagnol : « oui », « bière » et « bisou », il opta pour celui qui lui paraissait le plus convenable.

En répondant par l’affirmative, les premières provisions que Pierre-Emmanuel Grange acheta en arrivant au Mexique lui coûtèrent quelques centimes de plus que ce qu’il avait prévu, mais en parallèle, ce geste en fit involontairement le « micro-bienfaiteur » d’une ONG locale. En effet, Grange avait accepté de lui donner une petite somme d’argent : l’arrondi du montant de son panier.

« J’ai adoré cette idée et je ne comprenais pas pourquoi elle n’existait pas dans d’autres pays où j’avais séjourné », reconnaît ce jeune expert en technologies de la communication, titulaire d’un master de l’école de commerce EMLYON (France). Dès lors, Grange commença à sortir du magasin de son quartier avec autre chose que du lait et des légumes. Avec son ticket de caisse, il repartait également avec la satisfaction d’avoir contribué à une cause sociale (par exemple, équiper l’école du quartier en ordinateurs) et tout cela, grâce à un apport minime mais significatif.

Au Mexique, Grange découvrit l’embryon d’une idée et le désir profond de la mettre en pratique. En 2008, il quitta son emploi au sein de l’unité des services financiers du groupe General Electric, où il occupait un poste de chef de projet du réseau d’infrastructures et de télécommunications, et entama une période d’incubation de six mois avec PlaNet Finance, une organisation internationale à but non lucratif visant à développer le microcrédit. En 2009, il créa microDON et réussit à convaincre son ancien supérieur de GE de le rejoindre en tant que co-fondateur et directeur général.

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D’après Grange, l’objectif est d’utiliser l’innovation sociale pour abattre une barrière culturelle encore présente en France, un pays où on estime que c’est l’État qui doit soutenir financièrement la prestation des services sociaux et où les citoyens ne sont pas habitués à faire de dons privés aux organismes de bienfaisance. « 50 % de la population française ne donne pas d’argent aux ONG, elle offre du temps, de la nourriture, mais pas d’argent », explique Grange. « Nous, nous pensons que nous pouvons contribuer au développement d’une société plus altruiste grâce à un ensemble d’outils de générosité intégrés aux gestes du quotidien », ajoute le jeune Français.

Pour le moment, microDON a déployé deux types d’outils afin de structurer cette générosité : le don sur salaire et les cartes de don dans les supermarchés, des petits coupons que les ONG peuvent utiliser pour réaliser des campagnes ponctuelles de collecte de fonds dans ces établissements.

Pour mettre en place son outil de don sur salaire, Grange et son équipe ont persuadé la multinationale ADP, spécialiste de la gestion des paies et d’autres services administratifs, qu’ils pouvaient intégrer son système sans interférer dans les processus critiques gérés par ADP. « En France, le paiement de 10 % des salaires est assuré par ADP et de nombreuses ONG avaient essayé en vain de les convaincre d’incorporer des dons dans leur système », explique Grange. « Nous, nous avons gagné leur confiance car, après avoir passé 7 ans à développer des technologies de l’information chez GE, nous parlons la même langue », affirme le jeune entrepreneur.

La proposition de microDON, aujourd’hui implantée dans dix entreprises françaises (dont Accenture et Nyse Euronext), consiste à intégrer la possibilité de réaliser des micro-dons sur une plateforme à laquelle chaque employé a accès grâce à son compte de messagerie d’entreprise. Il s’agit d’une interface similaire à celle d’un site de financement collectif (crowdfunding) sur laquelle le donateur peut voir des informations sur la mission, la localisation et les objectifs de financement de diverses ONG. « Contrairement au crowdfunding traditionnel, l’utilisateur de ce système ne peut pas faire de don avec sa carte de crédit, mais sélectionne, par le biais d’abonnements, les organismes auxquels il souhaite verser l’arrondi de son salaire, ainsi qu’une petite somme supplémentaire », explique Grange.

microDON utilise un second outil : les cartes de don proposées dans « leur première version ». Comme l’explique Grange, il s’agit de coupons munis d’un code-barres que les sympathisants d’une ONG locale distribuent dans les centres commerciaux et les supermarchés de leur quartier pour encourager les clients à les intégrer à leur panier d’achat. Lorsque le code est passé au lecteur, la somme d’argent indiquée sur la carte est reversée à l’ONG concernée. « Ces campagnes ont trois impacts importants : la possibilité de collecter des fonds, améliorer la visibilité de l’ONG et créer des liens. Cela peut par exemple permettre à une ONG d’identifier de nouveaux bénéficiaires ou d’attirer des bénévoles », affirme Grange, qui estime que cet outil a permis de collecter 140 000 euros et d’aider 30 associations.

Grâce à la mise en place de ces deux systèmes, microDON a gagné la confiance de différents acteurs locaux et tissé un réseau de contacts qui lui a permis de préparer le lancement imminent de son outil le plus ambitieux : le système d’arrondi dans les supermarchés, inspiré de l’expérience de Grange au Mexique. « Nous allons le lancer dans les six prochains mois chez trois grands détaillants, et par la suite, nous inviterons le reste des distributeurs à participer à cette initiative » explique le jeune Français.

D’après Alfredo Colombano, directeur technique de l’innovation chez Alma Consulting Group et membre du jury des prix MIT Technology Review Innovateurs de moins de 35 ans France, ce jeune innovateur social associe « expérience professionnelle, formation universitaire et esprit d’entreprise », qualités qu’il a consacrées au développement d’outils ayant de grandes chances d’avoir « un impact global sur les personnes qui en ont le plus besoin ». 

www.microdon.org

Article réalisé par Elena Zafra / © MIT Technology review mars 2013

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