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Paris capitale de l’art africain ?

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Quinze ans après l’ouverture, sous l’impulsion de l’ancien président de la République Jacques Chirac, du musée du Quai Branly en France, l’art africain s’impose à Paris. Les galeries fleurissent dans la capitale, qui exposent de jeunes artistes à l’assaut de la France… et du monde.

La France et l’Afrique : une longue histoire de l’art

La France et l’Afrique entretiennent des relations proches d’un point de vue historique, mais également esthétique. Comme ancienne puissance coloniale, et bien que son passé lui soit abondamment reproché à cet égard, la France porte un regard affûté sur l’art africain. C’est pendant la Grande Guerre, en 1917, que sous l’influence d’Apollinaire, le célèbre galeriste parisien Paul Guillaume publie son « Premier album de sculptures nègres », serti de nombreuses photographies d’objets émanant des collections privées de ses clients.

Pionnière dans la détection d’un art africain qu’elle a très tôt jugé digne d’intérêt en lui-même, la France est aujourd’hui à la tête des pays qui se sont engagés dans un processus de restitution des œuvres d’art à leurs pays d’origine. Et si, pour Patrick Couzinet, expert et collectionneur d’art contemporain lui-même, « Paris ne tient pas encore tout à fait le rang de Dakar, Londres ou Marrakech », elle se défend particulièrement bien. C’est ce que soutient notamment le philosophe Babacar Mbaye Diop, qui s’est exprimé en ce sens dans les colonnes du journal Le Monde.

Paris, capitale d’un art africain en quête d’ancrage

C’est bien le paradoxe de l’art africain contemporain ! Un art profondément lié à ses origines, qui s’exporte de mieux en mieux mais qui d’après ses artistes, aspire au retour à la terre… natale. Traversés par des conflits de loyauté complexes, pris entre leur désir de succès et de fidélité à leurs pays les jeunes artistes africains n’en sont pas moins porteurs de voies universelles.

Né à Kinto M’Vuila, à quelques dizaines de kilomètres de la capitale de la République démocratique du Congo, Chéri Samba est exposé à la galerie MAGNIN-A à Paris jusqu’au 11 septembre. Son fondateur décrit l’œuvre du peintre comme celle d’un homme qui interroge perpétuellement la place de l’Afrique et de ses pays dans le monde, et témoigne d’un regard africain sur un monde incertain. Chéri Samba, venu à Paris avec une « valise pleine d’idées », pour reprendre ses propos tenus il y a quelques années maintenant, défend une vision politique et militante de la peinture congolaise, désormais capable de rivaliser avec celle de grands maîtres occidentaux dans les musées nationaux.

Les enjeux d’une conquête sous Covid

Pour Cécile Fakhoury, à la tête d’une galerie dans le sixième arrondissement de la capitale, « Paris est un point névralgique en Europe, un lieu de passage pour des collectionneurs qui ne viendraient pas en Afrique et un point de rencontre avec les institutions et curateurs que nous souhaitons toucher ». Mais depuis mars 2020, la tendance est plutôt aux fermetures qu’aux ouvertures. Tout l’enjeu est alors de trouver des voies nouvelles pour laisser libre cours à l’expression des artistes, qui tablaient sur une nette augmentation de leurs ventes dans les cinq années à venir.

« La France doit absolument défendre sa place sur ce marché », martèle Patrick Couzinet. « Il y a un véritable enjeu de détection des collectionneurs privés, qui détiennent des œuvres méconnues et qu’il faut absolument mettre au jour. » Ainsi va de la Belgique, où les collections privées sont mieux répertoriées. Mais c’est en France que les maisons de vente sont susceptibles de mieux tirer leur épingle du jeu face à la crise : elles dépendent en effet du ministère de la Justice, et sont plus armées que ne le sont les petites galeries d’art pour résister à ses effets délétères.

Pari en ligne ?

Face au double enjeu de la concurrence internationale et de la continuité du fonctionnement du marché de l’art, l’Institut des Cultures d’Islam de Paris a pris les devants. Il présente une exposition originale, « Zone franche », qui veut explorer les notions de frontière, de mondialisation et de connexions. Lancée dans le cadre d’un partenariat inédit avec Think Tanger au Maroc, et Doual’art au Cameroun, cette exposition est étrangère aux canons du marché de l’art, « mais elle a quelque chose à nous apprendre : une forme d’audace qui peut faire défaut, au moment précis où il en faut », ajoute encore Patrick Couzinet. C’est dans le cadre de la Saison Africa 2020 qu’a lieu cette exposition dématérialisée, accessible en ligne pour « regarder et comprendre le monde d’un point de vue africain », d’après les mots de N’Goné Fall, commissaire générale de la saison 2020.
Une invitation au voyage ?

Eric Antoine, ancien officier du Génie – Chargé de mission pour le programme alimentaire mondial dans plusieurs pays africains sur des dossiers d’aide au développement

Image d’en-tête : Œuvre de Chéri Samba, « Le chieur dans le ventilateur« 

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