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L’eau que nous buvons est multimillénaire mais vulnérable

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Elle s’est infiltrée dans le sol quand les mammouths peuplaient encore la Terre. L’eau que nous utilisons aujourd’hui est bien souvent multimillénaire, souligne une étude, qui met en garde contre les risques de pollution de ces précieuses réserves.
 
Sous terre, les nappes profondes sont largement nourries d’eau issue de précipitations datant d’il y a plus de 12.000 ans, avant l’époque géologique actuelle, selon ces travaux présentés mardi à Vienne devant l’Union européenne des sciences de la terre.
Cette équipe scientifique internationale a passé en revue 6.500 aquifères, en Europe et aux Etats-Unis mais aussi notamment au Japon, en Inde, au Sénégal, usant de méthodes de datation par le radiocarbone (l’eau plus « jeune » en étant plus chargée, de par son exposition récente à l’atmosphère et aux sols).
 
Une large part (42 à 85%) de l’eau dans le premier km de la croûte terrestre a plus de 12.000 ans (la part se réduit à 10-63% quand l’aquifère est à moins de 100 m de profondeur), selon l’étude parue dans Nature Geoscience. « Une part substantielle de l’eau douce dans le monde est d’âge fossile » résume l’auteur principal, Scott Jasechko, de l’Université de Calgary. « Seule une petite portion des eaux souterraines est récente, quelques années ou quelques décennies ».
 
« Cette eau remonte à l’époque des mammouths ! », appuie James Kirchner, de l’Ecole polytechnique de Zurich (ETH). Globalement, elle représente « à peu près deux fois le volume d’eau moderne situé sous nos pieds. Quant aux puits descendant au-delà de 250 m, ils pompent essentiellement de l’eau fossile ».

Pas renouvelables

Mais cette ressource ancienne, qui aujourd’hui fournit de l’eau potable ou permet d’irriguer les champs de Californie (via notamment un aquifère à – 260 m) ou de la grande plaine de Chine du nord, est fragile.
« On croit souvent ces eaux non touchées par les contaminations modernes », soulignent les auteurs. Il n’en est rien : « Les eaux de puits fossiles sont plus vulnérables que nous ne le pensions jusqu’ici ».
 
Car dans la moitié des nappes contenant de l’eau « ancienne », les chercheurs ont aussi décelé la présence d’eaux de pluie ou de neige des 50 dernières années infiltrées via des zones plus perméables ou encore des fuites sur les puits. Une source potentielle de pollution des eaux fossiles, par exemple par des pesticides, des engrais, des substances industrielles…
« Il faut veiller à la qualité des ressources souterraines anciennes, et aussi les gérer de manière durable », insistent les chercheurs. Face aux sécheresses, au déclin de nappes proches de la surface, aux nouvelles techniques de forage, le recours aux eaux profondes tend en effet à s’accélérer.
 
Les réserves souterraines sont immenses, constituant 99% de l’eau douce sur Terre (calottes polaires non inclues). Mais elles ont mis longtemps à se constituer, et mettront du temps à se recharger. Beaucoup « ne sont sans doute pas renouvelables à l’échelle d’une vie humaine », souligne M. Kirchner.
 
Il en va ainsi de l’aquifère des hautes plaines qui irrigue le centre des Etats-Unis, formé par des précipitations datant de la dernière période glaciaire. Une fois épuisé, il faudra 6.000 ans pour le remplir, selon les experts.
En Libye, le Bassin de Nubie fournit 6 millions de m3 d’eau par jour, pompée par 1.300 puits descendant jusqu’à – 500m. « C’est le projet de Grande rivière artificielle de Kadhafi », souligne M. Kirchner. Mais le bassin s’est constitué quand le pays était vert et humide. Aujourd’hui, la pluviométrie moyenne y est de seulement 30 mm par an, dont l’essentiel s’évapore. Le Bassin « n’est pas près de se reconstituer », note le scientifique américain.
 
Source  : AFP
 

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