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La révolution nécessaire du plastique : Quelles solutions pour en réduire l’impact ?

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Comment et peut-on se débarrasser du plastique ? Pour répondre, il y a une bonne et une mauvaise nouvelle. La mauvaise est que nous ne pouvons pas nous passer du plastique, nous y sommes accros. La bonne nouvelle est qu’il y a des alternatives et des innovations qui permettent de se passer des énergies fossiles pour fabriquer le plastique. Un rapport d’information instructif vient de sortir, co-signé par trois experts scientifiques de renom international. C’est une compilation de données et de chiffres faisant un état des lieux édifiant de la consommation et des besoins en plastique dans le monde. Mais c’est aussi une identification du niveau de développement de la filière bioplastiques qui met en lumière les avantages, les contraintes et les leviers relatifs à son déploiement.  Ce rapport permettra-t-il de faire avancer la gestion de nos déchets ?
 
Le plastique est devenu un matériau incontournable dans l’économie moderne. Il constitue un élément clé pour des secteurs aussi variés que les emballages, la construction, le transport, la santé ou l’électronique. Il représente par exemple environ 15 % du poids d’une voiture et environ 50 % d’un Boeing Dreamliner (1).  La production mondiale de plastiques a été multipliée par vingt au cours du dernier demi-siècle, passant de 15 millions de tonnes en 1964 à 311 millions de tonnes en 2014. Selon la Fondation Ellen MacArthur, elle devrait encore doubler dans les vingt prochaines années et presque quadrupler d’ici à 2050 (1). Elle a atteint 320 millions de tonnes en 2015, 335 millions de tonnes en 2016 et 348 millions de tonnes en 2017.
Le plastique est devenu une source de richesse (27,5 milliards d’euros de contribution aux finances publiques dans les pays européens) et d’emplois (plus de 1,5 million d’emplois en Europe) (2).
Principale application, les emballages plastiques représentent 26 % du volume total des plastiques produits (1). Peu chers, légers et dotés de performances élevées, « les emballages plastiques peuvent en outre avoir un effet positif sur l’environnement : leur faible poids permet en effet de diminuer la consommation de carburant nécessaire au transport et ses propriétés protectrices permettent une meilleure conservation des aliments, ce qui réduit le gaspillage alimentaire », souligne la Fondation Ellen MacArthur, qui s’est donné pour mission d’accélérer la transition vers l’économie circulaire.
«L’emballage plastique constitue l’élément essentiel de prévention des contaminations extérieures (chimiques ou microbiennes), de préservation de la qualité, de traçabilité des produits et de réduction des pertes et gaspillages en protégeant les aliments », constate également Nathalie Gontard, directrice de recherche à l’INRA (2).
 
Résultat : les plastiques remplacent de plus en plus tous les autres matériaux d’emballage. Entre 2000 et 2015, ils sont ainsi passés de 17 % à 25 % du volume total des emballages, du fait d’une forte croissance du marché mondial des emballages plastiques de 5 % par an. En 2013, le secteur a mis sur le marché 78 millions de tonnes d’emballages plastiques. Un volume qui devrait continuer à progresser fortement selon la Fondation Ellen MacArthur, doublant dans les quinze prochaines années et plus que quadruplant d’ici à 2050, pour atteindre 318 millions de tonnes par an – plus que l’ensemble du secteur des plastiques aujourd’hui (1).
 
Alors on fait quoi ? Évoluant avec les avancées de la recherche et de l’innovation, le sujet fait intervenir des notions relativement complexes sur lesquelles des confusions sont possibles. C’est aussi un sujet sur lequel circulent bon nombre d’a priori, d’idées reçues ou d’opinions plus ou moins fondées.
Dans ce contexte, un rapport d’information a été conmandité auprès de trois scientifiques indépendants (3) par deux entreprises industrielles (4) avec pour objectif de dresser un état des lieux des connaissances scientifiques sur les bioplastiques biosourcés, biodégradables et compostables, et d’expliquer en quoi ces nouveaux matériaux représentent une solution alternative au plastique conventionnel, plus respectueuse de l’environnement et améliorant significativement notre gestion des déchets. 
 

A la veille de la présentation du projet de loi relatif à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire en conseil des ministres le mercredi 10 juillet, ce rapport ne devrait pas manquer d’interroger nos responsables politiques …
 
 

Extraire, fabriquer, jeter …

C’est le triptyque de la chaîne de valeur linéaire sur laquelle repose l’économie actuelle des plastiques. Ce qui – on ne le sait que trop – présente d’importants inconvénients économiques et environnementaux. Dans le monde, seuls 14 % des emballages plastiques sont collectés pour être recyclés. Mais la majorité de ceux-ci sont transformés dans des applications de moindre valeur et ne sont pas recyclables après usage. Au final, si l’on intègre les pertes occasionnées lors du tri et du retraitement, seuls 5 % de la valeur des matériaux sont conservés pour un usage ultérieur (1). Après un premier cycle d’utilisation de courte durée, 95 % de la valeur des matériaux d’emballages plastiques sont donc perdus chaque année, ce qui représente 80 à 120 milliards de dollars, estime la Fondation Ellen MacArthur.
 
De plus, selon le Programme des Nations unies pour l’Environnement, les emballages plastiques engendrent d’importantes externalités négatives, estimées à 40 milliards de dollars par an – un montant supérieur aux profits de l’industrie des emballages plastiques dans son ensemble. Ces impacts négatifs sur l’environnement concernent principalement la dégradation des systèmes naturels liée aux fuites d’emballages plastiques, en particulier dans les océans, et les émissions de gaz à effet de serre lors de la production des plastiques et de l’incinération des déchets.
 

Des solutions actuelles insuffisantes

 
Projet Manta – Photo © THE SEA CLEANERS
 
Nettoyer les océans ? Illusoire !
Bon nombre d’initiatives ont vu le jour pour nettoyer les mers et les océans des déchets plastiques, comme le projet Manta du navigateur franco-suisse Yvan Bourgnon, qui, à l’instar des raies Manta qui filtrent l’eau pour se nourrir, collecte les déchets plastiques dans les océans via un quadrimaran géant : « On va essayer de faire le boulot de quelques milliers de raies Manta » explique Yvan Bourgnon… Ou encore le projet « Plastic Odyssey », des jeunes Français Simon Bernard et Alexandre Dechelotte, qui mise, lui, sur un catamaran écologique qui transforme le plastique en carburant grâce à un pyrolyseur et se propulse grâce aux déchets plastiques. Le bateau peut produire en une heure 3 litres de carburant à partir de 5 kilos de déchets. Autre projet, « The Ocean Cleanup » imaginé par Boyan Slat, un jeune Néerlandais de 22 ans, parti à l’été 2018, après avoir levé 30 millions d’euros, pour nettoyer le gyre du Pacifique Nord (« le 7e continent ») avec un barrage flottant de 120 mètres de long qui récupère les déchets… Avant de s’attaquer à d’autres zones d’accumulation identifiées dans les océans. Malheureusement, fin décembre 2018, une partie de la barrière flottante du projet Ocean Cleanup s’est rompue, obligeant l’équipe à en ramener les morceaux à Hawaï.
« Cela revient à ratisser une superficie qui fait six fois la France avec un râteau de 120 mètres, constate Jean-François Ghiglione. Quand l’expédition sera de retour en 2025, les océans auront accumulé 400 fois plus de plastique que ce qui aura été récolté. De plus, cette initiative ne récolte que les macro-déchets de surface, qui ne représentent que 1 % du plastique total présent en mer ». (5)
 
Tous ces projets ont le mérite de sensibiliser l’opinion mondiale au problème de la pollution des océans par les plastiques et à la nécessité d’agir. Ils mettent également en avant des innovations technologiques intéressantes… Mais ils ne permettront pas de « nettoyer les océans ».
 
 
Se passer de plastique ? Trop d’inconvénients !
Un monde sans plastique est-il aujourd’hui possible ? Non, répond Stéphane Bruzaud : « Ces matériaux sont souvent critiqués mais ils restent incontournables car ils présentent de réelles qualités (résistance, légèreté, prix, etc.). Aujourd’hui, on ne peut pas se passer de plastique car ce matériau reste indispensable pour de nombreux secteurs industriels comme le biomédical, l’automobile, l’aéronautique ou le bâtiment. » (6).
Dans le domaine des emballages, il n’est pas évident de remplacer ce matériau car les alternatives au plastique présentent de nombreux inconvénients. Les sacs en papier, par exemple, ne peuvent pas être autant compactés que les sacs en plastique. On estime ainsi que pour un même nombre d’emballages, il faut environ cinq fois plus de camions pour transporter les emballages en papier que les emballages en plastique. Les sacs en papier offrent également des capacités nettement moindres en termes de résistance et de volume transporté. Sans parler de leur sensibilité à l’humidité, à la pluie, et à tout liquide qui peut s’écouler à l’intérieur de l’emballage, ni de son bilan écologique qui n’est pas des plus flatteurs malgré certains a priori.
 
 
Réduire leur utilisation ?
La réduction à la source de l’utilisation des emballages plastiques à usage unique est l’un des objectifs de plusieurs lois récentes et en particulier de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte.
Aujourd’hui, les sacs plastiques à usage unique distribués en caisse sont interdits. Pour les autres sacs distribués sur les lieux de vente (au rayon fruits et légumes, fromagerie ou boucherie par exemple), seuls restent autorisés les sacs biosourcés (avec une teneur minimale en matière végétale de 40 % en 2018-2019, de 50 % en 2020 et de 60 % en 2025) et compostables en compostage domestique. La vaisselle en plastique jetable (gobelets, verres, etc.) sera soumise aux mêmes conditions à partir de 2020.
Interdits également par la loi pour la reconquête de la biodiversité : les gommages exfoliants contenant des microbilles de plastique (depuis 2018) et les cotons-tiges en plastique (à partir de 2020). La liste des ustensiles plastiques interdits (à partir de 2020) s’allonge également avec la loi EGAlim et la loi Pacte : pailles, assiettes jetables, couverts, bâtonnets mélangeurs pour boissons, plateaux-repas, pots à glace, piques à steak, couvercles à verre jetables… Tandis que la directive européenne Single-Use Plastics (SUP) prévoit de son côté l’interdiction de huit produits à usage unique pour lesquels des alternatives existent : bâtonnets de coton, couverts, assiettes, pailles, contenants alimentaires et gobelets en PSE, touillettes et tiges pour ballons en plastique.
Le « suremballage », souvent motivé par des raisons marketing, peut également être réduit. Dans son plaidoyer pour une « Nouvelle Économie des plastiques », la Fondation Ellen MacArthur préconise également, entre autres, de « renforcer l’adoption d’emballages réutilisables, en priorité dans les applications professionnelles, mais également dans certaines applications ciblées pour les consommateurs, telles que les sacs plastiques », estimant que « la réutilisation constitue une opportunité économique intéressante pour au moins 20 % des emballages plastiques. » (1)
 
Œuvre de Ghislaine Letourneur « Déchets plastiques valorisation PET – Fleur plastique bleue et rose » – Objet Art Création recyclage Waste plastic
 
Le recyclage ? Des atouts mais aussi des limites
« 100 % des plastiques recyclés à l’horizon 2025 » : tel est l’objectif ambitieux que s’est fixé la France lors de la présentation de son « Plan Climat » en juillet 2017. Dans une perspective d’économie circulaire, on considère généralement que, lorsque cela est possible, le recyclage matière est préférable au recyclage organique (compostage ou méthanisation), car le premier garde les matériaux dans l’économie, alors qu’avec le second, le plastique se décompose en éléments de moindre valeur, tels que l’eau et le CO2.
 
Mais la pratique n’est pas aussi simple que la théorie. Par exemple, seuls les plastiques de type bouteilles en PET – qui représentent moins de 10 % des plastiques consommés – peuvent se plier aux contraintes du recyclage en boucle fermée et être régénérés pour une utilisation identique. De plus, aujourd’hui, en Europe, seule la moitié du PET est collectée pour être recyclée, et 7 % seulement sont recyclés de bouteille à bouteille (7).
 
« Pour des raisons de sécurité du consommateur (risque de contamination) et technologiques (propriétés différentes du polymère vierge), le taux de recyclage en boucle fermée s’avère ainsi extrêmement faible ; il peut théoriquement atteindre un maximum de 5 % des plastiques usagés, explique Nathalie Gontard. Soulignons ici que le recyclage d’une matière ne s’inscrit dans un principe d’économie circulaire que si la boucle peut être reproduite à l’infini, ce qui est quasiment le cas pour le verre ou le métal. Les matériaux biodégradables se situent naturellement dans le cycle biologique de la matière organique, qui leur assure un renouvellement illimité (à condition cependant que la vitesse de consommation reste compatible avec celle de production). Le recyclage du plastique n’est donc pas un sésame pour épargner à notre écosystème terrestre les méfaits potentiels de ses déchets, même s’il peut modestement contribuer à les retarder. Ne nous laissons pas aveugler par le mirage du tout-recyclage, qui ne peut résoudre à lui seul le gros problème de gestion post-usage des déchets plastiques. » (2)
 
En Europe, le taux de recyclage des emballages plastiques a atteint 40,8 % en 2016 selon le rapport annuel de Plastics Europe, la France faisant figure de mauvaise élève, puisqu’elle pointe au 29e rang sur 30 pays, avec un taux de recyclage de 26,2 %. En France, seuls les bouteilles et les flacons en plastique (PET et PEHD) étaient jusqu’ici recyclables. En 2016, le taux de recyclage français était de 26 % pour l’ensemble des emballages plastiques, atteignant 55 % pour les bouteilles, mais seulement 1 % pour les pots et barquettes ou pour les films, selon les chiffres du Comité technique pour le recyclage des emballages plastiques (Cotrep).
L’organisme de collecte Citeo a prévu de généraliser progressivement le tri à l’ensemble des emballages plastiques, dont les pots, barquettes et films plastiques, d’ici 2022. Fin 2016, un quart des Français était en mesure de recycler l’ensemble des plastiques, soit plus de 15 millions de personnes contre 3,7 millions en 2014, selon le Cotrep.
 

Des solutions d’avenir : les « bioplastiques » biosourcés et biodégradables ?

Malgré toutes les actions menées pour améliorer les infrastructures de collecte et de traitement, les fuites d’emballages plastiques dans l’environnement ne pourront pas être complètement éliminées – et même avec un taux de fuite de seulement 1 %, environ un million de tonnes d’emballages plastiques sortiraient du système de collecte et seraient déversés dans la nature chaque année.
Il faut donc absolument réduire l’impact environnemental négatif des emballages plastiques qui échappent aux systèmes de collecte et de traitement soit par l’absence de tri, soit par des fuites accidentelles dans l’environnement. Et donc investir dans la création de nouveaux emballages inoffensifs pour l’environnement. Des plastiques qui, dans l’idéal, seraient biodégradables en conditions naturelles dans les sols et les milieux aquatiques (mers et rivières).
 

« L’idée est de fabriquer des plastiques avec une autre ressource que le pétrole, des coproduits végétaux par exemple, et qui, en fin de vie, sont biodégradables, c’est-à-dire capables de se décomposer naturellement, sans persister des années et des décennies dans l’environnement », explique Stéphane Bruzaud (7). Autrement dit, des plastiques à la fois « biosourcés » et « biodégradables ».
De plus, l’utilisation de matières premières renouvelables permet à la fois de préserver les ressources fossiles et de réduire les émissions de carbone à la fois durant la phase d’utilisation, mais également durant la phase de production.
 
Qu’apelle-t-on plastiques biosourcés ? Ce sont des plastiques issus de ressources biologiques renouvelables, le plus souvent végétales. Les sources de matières premières sont très variées : l’amidon et les sucres sont extraits de la pomme de terre, de la canne à sucre, de la betterave, du maïs, du blé, du riz, etc. Quant aux huiles végétales, elles peuvent provenir par exemple du tournesol, du lin, du soja, voire du palmier ou de l’olivier. Des fibres naturelles, telles que le coton, le jute, le chanvre et le bois, peuvent également être utilisées pour fabriquer des plastiques biosourcés, ainsi que des protéines et des lipides provenant du monde animal, comme la caséine, le lactosérum, les matières grasses ou la gélatine.
La fabrication des plastiques à partir de matières premières végétales est réalisée en utilisant soit des processus chimiques (hydrolyse, déshydratation, etc.), soit des processus bio-technologiques (fermentation, extraction, etc.). Certains polymères, comme les PHA, sont ainsi produits à partir de ressources végétales par des bactéries.
Certains polymères biosourcés possèdent une structure identique à celle des polymères d’origine fossile (comme le PE et le PET issus de la canne à sucre par exemple) tandis que d’autres ont une structure innovante, différente de celles des polymères pétrochimiques existants (comme le PLA issu d’amidon) (8). 
 
Ces bioplastiques biosourcés et biodégradables font l’objet de nombreuses recherches. Si aujourd’hui, la loi fixe la teneur biosourcée minimale des sacs plastique à usage unique (30 % à partir du 1er janvier 2017, 40 % à partir du 1er janvier 2018, 50 % à partir du 1er janvier 2020 et 60 % à partir du 1er janvier 2025), elle vise à concevoir des bioplastiques 100 % biosourcés et biodégradables. Ces matériaux trouvent aujourd’hui des applications industrielles. Ils représentent en particulier une solution intéressante pour le recyclage organique des biodéchets.
 
Mais attention ! Le terme de « bioplastique » peut prêter à confusion car il désigne des matériaux de nature et de propriétés différentes. Le préfixe « bio » peut en effet faire référence soit à l’origine biologique du plastique (« biosourcé ») soit à sa fin de vie (« biodégradable ») – et même parfois à son utilisation dans le domaine médical (« biomédical », « biocompatible »).
Or, certains plastiques biosourcés, c’est-à-dire fabriqués à partir de ressources biologiques renouvelables – le plus souvent végétales – ne sont pas biodégradables, c’est-à-dire assimilables par les micro-organismes. Et inversement, certains plastiques issus de la pétrochimie (donc non biosourcés) sont biodégradables.
Enfin, une troisième catégorie de plastiques cumule les deux propriétés et sont à la fois biosourcés et biodégradables, comme les polymères à base de fécule de pommes de terre, d’amidon ou de cellulose, le PLA (acide polylactique), les PHA (polyhydroxy-alcanoates) ou le bio-PBS (poly(butylène succinate). Ce sont bien sûr les plus intéressants. D’ailleurs la définition française, parue au Journal officiel du 22 décembre 2016, réserve le terme de « bioplastique » à ces matériaux à la fois biosourcés et biodégradables.
Les « bioplastiques » regroupent donc un grand nombre de matériaux qui sont soit biosourcés, soit biodégradables, soit les deux. C’est pour cette raison que le terme de « bioplastique » ne peut se suffire à lui-même et qu’il convient de préciser, à chaque fois que l’on utilise ce mot, quelle est l’origine (biosourcé ou non) et la fin de vie (biodégradable ou non) du plastique.
 
Les bioplastiques compostables, circulaires par nature
Les bioplastiques compostables s’inscrivent dans une logique de disparition des déchets. Nathalie Gontard précise : « Pour répondre aux enjeux environnementaux, il n’y a pas une solution, mais des solutions, les bioplastiques compostables en sont une. Ils se situent naturellement dans le cycle biologique de la matière organique, qui leur assure un renouvellement illimité (à condition que la vitesse de consommation reste compatible avec la vitesse de production). C’est parfaitement circulaire. »
 
Les bioplastiques compostables, un soutien au développement de la collecte des biodéchets
Les emballages conçus dans ces matériaux peuvent constituer une aide précieuse dans la mise en place de la collecte des biodéchets encouragée par la Loi relative à la Transition énergétique pour la Croissance verte. Ainsi, « pour être concret, un emballage de repas livré à domicile peut être jeté avec les restes du repas dans une poubelle à biodéchets en vue d’un compostage industriel par une collectivité » explique Nathalie Gontard. Autre exemple, un sac en bioplastique compostable peut servir à collecter des déchets de cuisine et déchets végétaux et être valorisé par compostage industriel ou domestique en fonction du système de collecte mis en place par la collectivité locale.
 
Les bioplastiques compostables, une fin de vie organique
« Le challenge consiste à faire disparaître ce que la nature met des décennies ou des siècles à éliminer », souligne Stéphane Bruzaud.
« Les matériaux biodégradables ouvrent de nouvelles options de fin de vie comme la biodégradabilité, la compostabilité ou encore la digestion anaérobie (méthanisation)”, ajoute Nathalie Gontard. Les polymères biosourcés et biodégradables en conditions naturelles (amidon, PHA, etc.), sont des matériaux qui garantissent dès leur conception (éco-conception), qu’ils seront biodégradés comme de la matière organique dans un laps de temps compatible avec les activités humaines. »
La valorisation organique des bioplastiques biosourcés et biodégradables est donc une solution qui peut parfaitement s’intégrer, aux côtés du recyclage et de la réutilisation, dans la nouvelle économie de fin de vie des plastiques que la Fondation Ellen MacArthur, par exemple, appelle de ses vœux.
 

Quels sont les intérêts des bioplastiques biosourcés et biodégradables ?

Le premier intérêt des bioplastiques biodégradables est bien sûr de limiter l’empreinte écologique des matériaux. Il concerne tout particulièrement les objets à usage unique, dont la durée d’utilisation est très courte (parfois quelques minutes), mais dont la durée de vie avant biodégradation est très longue (au moins plusieurs décennies, voire plusieurs siècles). Des objets qui font également partie de ceux qui ont le plus de chances de finir leur vie dans les océans et d’avoir des effets néfastes sur l’environnement. L’emballage et les sacs plastiques figurent donc en première ligne.
 
 
Les matériaux compostables revêtent également un intérêt pour les emballages plastiques qui ne peuvent être ni réutilisés ni recyclés. Cette catégorie représente au moins la moitié des emballages plastiques et près de 30 % du marché total (1). C’est le cas notamment des emballages de petit format (environ 10 % du marché, et de 35 à 50 % de la quantité totale des emballages), comme les sachets, les pellicules détachables, les couvercles, les emballages des pailles, les papiers de bonbons et les petits pots, qui échappent souvent aux systèmes de collecte ou de tri et ne suivent pas un parcours de réutilisation ou de recyclage.
C’est le cas également des emballages « multi-matériaux » (environ 13 % du marché) et bien sûr des emballages contaminés par des nutriments « en vue de restituer des matières organiques à la terre et de favoriser la conservation du capital naturel » (1). Par exemple, les emballages de fast-food en matériaux compostables pourraient être jetés, avec le contenu restant, dans une poubelle organique. Cela augmenterait le volume de matières organiques valorisables par le compostage ou la méthanisation. Les matériaux compostables pourraient aussi contribuer à limiter l’impact des fuites involontaires dans l’environnement.
 
Les matériaux biodégradables peuvent également apporter des solutions dans le domaine des films pour paillage agricole et les autres produits pour l’agriculture, l’horticulture et la foresterie (ficelle, clips, etc.). Des produits qui sont également à usage unique et à courte durée d’utilisation, mais difficiles et coûteux à collecter dans les champs, puis à transporter vers les usines de recyclage. Résultat : aujourd’hui, beaucoup d’objets plastiques, utilisés en quantité non négligeable dans le milieu agricole, finissent leur vie en terre.
 
Photo ©WWF
Stéphane Bruzaud souligne aussi l’intérêt des bioplastiques biodégradables en milieu marin, comme les PHA, pour tous les produits susceptibles de se retrouver dans la mer, comme les filets de pêche, le fil de pêche, les casiers, etc. « Nous travaillons actuellement sur des plastiques biodégradables qui seraient directement utilisés pour des applications de pêche susceptibles d’être perdues en mer », précise le chercheur (9).
Pour Stéphane Bruzaud, tout ce qui touche à la formulation d’ingrédients liquides (cosmétiques, détergents, lessive, etc.) représente également un domaine d’application pour les bioplastiques biodégradables. Car il y a, à l’intérieur de ces produits, de nombreux polymères qui sont évacués par les eaux usées, ne sont pas filtrés par les stations d’épuration, et contaminent durablement nos mers et nos océans. Cela concerne par exemple les microparticules exfoliantes, désormais interdites à la vente si elles ne sont pas biosourcées et biodégradables (9).

 
« Mais il ne s’agit pas pour autant de faire preuve d’angélisme ou d’affirmer que les bioplastiques biodégradables vont permettre de résoudre le problème de la pollution des océans par les plastiques, souligne Stéphane Bruzaud. Car celle-ci est due avant tout à un manque de citoyenneté. C’est d’abord un problème de comportement et de collecte des déchets. Et ce ne sont évidemment pas les bioplastiques biodégradables qui vont résoudre ce problème de comportement. Il faudra en particulier lever la confusion existant dans l’esprit de nombreux consommateurs, qui peuvent se dire : “ C’est un plastique biodégradable, donc je peux m’en débarrasser sans me soucier de son tri “. Car s’il est abandonné dans la nature, même un sac biodégradable, dont la durée de dégradation est drastiquement raccourcie par rapport à celle d’un sac plastique traditionnel, ne va pas se biodégrader instantanément et aura largement le temps d’avoir des effets néfastes sur l’environnement, en particulier sur les oiseaux et les animaux marins. » (9)

 

Pour conclure, l’importance du comportement et de l’information du consommateur/ consom’acteur est essentielle.  Le WWF alerte : si nous continuons ainsi,« il y aura deux fois plus de déchets plastiques dans les océans d’ici 2030. » 
Ne pas jeter, réduire, réutiliser, recycler, composter… Comme pour les autres matériaux, toutes les solutions envisagées pour réduire la pollution plastique reposent également sur l’adoption de comportement vertueux. La sensibilisation, l’éducation et l’information des citoyens doivent donc être au cœur de toutes les politiques menées pour mieux gérer la fin de vie des plastiques, et en particulier pour optimiser le tri à la source et la collecte des emballages.
C’est un élément clé en particulier pour le développement des « bioplastiques » biosourcés et biodégradables, dont la fin de vie la plus pertinente est le compostage domestique ou industriel.
 
I ne faut pas oublier non plus la nécessité d’organiser des filières de tri, de collecte et de valorisation, en particulier pour les biodéchets.
Le succès des stratégies de valorisation, qu’elle soit matière (recyclage), organique (compostage précédé ou non de méthanisation) ou énergétique (incinération avec production d’énergie), dépend en premier lieu de la qualité du tri et de la collecte. Les citoyens doivent en effet pouvoir disposer de filières efficaces.
C’est le cas en particulier pour les biodéchets, qui peuvent être collectés avec leur emballage biodégradable, comme c’est le cas dans de nombreuses villes européennes et dans certaines villes françaises, malheureusement, à ce jour, trop peu nombreuses.
 
 
(1) Fondation Ellen MacArthur, Pour une nouvelle économie des plastiques, rapport présenté au Forum économique mondial en 2016.
(2) Nathalie Gontard, Déchets plastiques : la dangereuse illusion du tout-recyclage, The conversation, 28 janvier 2018.
(3) Les scientifiques indépendants :
– Nathalie Gontard est directrice de recherche INRA à l’unité « Ingénierie des agropolymères et technologies émergentes » de Montpellier. Elle est également spécialiste des sciences de l’aliment et de l’emballage. Elle a été distinguée par le trophée des Étoiles de l’Europe dans la catégorie « Environnement, changement climatique » en 2015 et a reçu le Laurier Défi scientifique 2017 de l’Inra pour ses travaux sur la fabrication d’emballages alimentaires bio-dégradables à partir de sous-produits des industries agro-alimentaires. Elle coordonne actuellement le projet européen « No Agro-Waste » (NOAW 2020), « zéro gaspillage en agriculture », un projet soutenu par l’Union européenne et associant 32 pays, dont la Chine, qui vise à valoriser les agrodéchets en bioénergie, biofertilisants et bioplastiques biodégradables (PHA).
– Stéphane Bruzaud est professeur à l’Université Bretagne Sud et chercheur à l’Institut de Recher- che Dupuy de Lôme (IRDL), spécialisé dans l’ingénierie des matériaux. Basé à Lorient, il coordonne des recherches sur l’ingénierie des biopolymères et sur la fabrication de bioplastiques à partir de procédés biotechno-logiques.  Il développe également des recherches sur l’évaluation de la pollution de l’environnement par les plastiques et a participé à l’étude scientifique de Tara Méditerranée, visant à mieux comprendre les impacts du plastique sur l’écosystème méditerranéen.
Il pilote par ailleurs le projet BlueEcoPHA, soutenu par l’ADEME et associant des industriels du Grand Ouest, qui vise à produire un bioplastique biosourcé et biodégradable (PHA) à l’échelle locale à partir de coproduits des industries agroalimentaires et en utilisant des bactéries marines.
– Jean-François Ghiglione est directeur de recherche CNRS à l’Observatoire Océanologique de Banyuls. Il coordonne l’équipeÉcotoxicologie et ingénierie méta-bolique microbienne marine au sein du laboratoire d’Océanographie Microbienne (LOMIC, UMR 7621). Il est membre du comité de direction du GDR Polymères et Océans et cofondateur de la société Plastic@Sea.
Il est coordinateur de plusieurs programmes scientifiques sur le devenir, la biodégradation et la toxicité des plastiques en milieu marin et il est responsable scientifique de la mission Tara Microplastiques 2019.
 
(4) Deux industriels commanditaires du rapport : 
– Groupe SPHERE : groupe familial français fondé en 1976, SPHERE est leader européen des emballages ménagers, et présent sur trois marchés : grand public, professionnel et collectivités. Le groupe est aussi un des plus importants producteurs mondiaux de résines biodégradables et compostables. Ses objectifs : Réduire le volume de matières plastiques vierges utilisées dans ses produits et les remplacer par des matières recyclées issues de l’économie circulaire ; utiliser des matières premières biosourcées ; et développer de nouvelles matières biodégradables et compostables. Le groupe commercialise et produit : sacs-poubelle, sacs fruits et légumes, sacs congélation, films et papiers pour le contact alimentaire, barquettes et rouleaux en aluminium, etc.
– KANEKA BELGIUM NV est une filiale de KANEKA CORPORATION, une entreprise de la chimie de pointe axée sur la technologie, dont les sièges sociaux sont situés à Osaka et Tokyo, au Japon. KANEKA propose une large gamme de produits et possède sa propre organisation mondiale de production et de commercialisation. Les activités commerciales couvrent un large éventail de marchés, allant des produits chimiques, des plastiques fonctionnels, des produits alimentaires, des produits de santé, des fibres synthétiques aux matériaux électriques et électroniques.
 
(5) Jean-François Ghiglione, Pollution plastique des océans : comment inverser la donne ? Observatoire Océanologique de Banyuls-sur-Mer, 5 décembre 2018 (vidéoconférence).
(6) Stéphane Bruzaud, Des matériaux innovants pour limiter l’impact des plastiques sur l’environnement marin, La Maison de la mer, Lorient, 28 mai 2018 (vidéoconférence).
(7) Nathalie Gontard, Valérie Guillard, Sébastien Gaucel, Claudio Fornaciari, Hélène Angellier-Coussy, Patrice Buche, The Next Generation of Sustainable Food Packaging to Preserve Our Environment in a Circular Economy Context, Frontiers in Nutrition, 4 décembre 2018.
(8) ADEME, Les plastiques biosourcés, Les Fiches techniques de l’ADEME, septembre 2013.

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(9) Stéphane Bruzaud, interview réalisée pour la rédaction de ce rapport d’information, 27 février 2019.
 

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Nous promettons de vous tenir informés des mesures que nous prenons pour nous responsabiliser à ce moment décisif de notre vie. La désinformation sur le climat étant monnaie courante, et jamais plus dangereuse qu’aujourd’hui, il est essentiel que UP’ Magazine publie des rapports précis et relaye des informations faisant autorité – et nous ne resterons pas silencieux.

Notre indépendance éditoriale signifie que nous sommes libres d’enquêter et de contester l’inaction de ceux qui sont au pouvoir. Nous informerons nos lecteurs des menaces qui pèsent sur l’environnement en nous fondant sur des faits scientifiques et non sur des intérêts commerciaux ou politiques. Et nous avons apporté plusieurs modifications importantes à notre expression éditoriale pour que le langage que nous utilisons reflète fidèlement, mais sans catastrophisme, l’urgence écologique.

UP’ Magazine estime que les problèmes auxquels nous sommes confrontés dans le cadre de la crise climatique sont systémiques et qu’un changement sociétal fondamental est nécessaire. Nous continuerons à rendre compte des efforts des individus et des communautés du monde entier qui prennent courageusement position pour les générations futures et la préservation de la vie humaine sur terre. Nous voulons que leurs histoires inspirent l’espoir.

Nous espérons que vous envisagerez de nous soutenir aujourd’hui. Nous avons besoin de votre soutien pour continuer à offrir un journalisme de qualité, ouvert et indépendant. Chaque abonnement des lecteurs, quelle que soit sa taille, est précieux. Soutenez UP’ Magazine à partir d’1.90 € par semaine seulement – et cela ne prend qu’une minute. Merci de votre soutien.

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