Defence Airbus and Space, The Forest Trust (TFT) et SarVision ont développé conjointement un service innovant qui permet aux entreprises de l’agroalimentaire de fournir des preuves de la mise en œuvre de leurs engagements en matière de protection de l’environnement et plus particulièrement de lutte contre la déforestation. Après 14 mois de développement, cette technologie est en service auprès de deux clients pilotes, Ferrero et Nestlé, et sera commercialisée début 2017. Pour la première fois, ce type de technologie sera mis à la disposition des entreprises pour les aider à prendre les bonnes décisions et à respecter les promesses énoncées dans leurs politiques de conservation des forêts.
Le service est appelé Starling et utilise une combinaison d’images satellitaires optiques et radar de haute résolution. Nestlé et Ferrero, deux géants de l’industrie agroalimentaire, ont accepté d’être les « clients pilotes » de cette innovation technologique afin de prouver leurs engagements dans le contrôle de leur chaîne d’approvisionnement et de traçabilité, et ce, en luttant contre la déforestation.
Ce service mis au point par Airbus Defence and Space, SarVision et The Forest Trust, appelé Starling, allie imagerie satellite optique haute résolution et radar pour fournir une observation objective de l’évolution du couvert forestier. Avec ce satellite, Nestlé et Ferrero peuvent suivre la chaîne alimentaire, notamment les plantations d’huile de palme dont la demande croit au rythme de 3% par an, ses propriétés techniques la rendant indispensable dans de nombreux produits transformés : lait infantile, soupes, savons, détergents, etc. Un engouement qui a pour corollaire une exploitation parfois irresponsable, source de déforestation.
Le partenariat entre Airbus Defence et les spécialistes de la télédétection spatiale, TFT et radar SarVision a débuté en 2015. Airbus Defense and Space est chargé d’activer ses satellites, de prétraiter l’imagerie et de distribuer le service dans le monde entier. L’expérience de TFT en matière d’aménagement du territoire et de foresterie et l’expertise de SarVision en analyse d’images radar complètent la conception de la solution. Les données satellitaires complexes et expertes sont transformées en informations qui peuvent être directement utilisées et comprises par les agro-industries.
80 % de la déforestation est due à l’agriculture. Mais de 2010 à 2015, la superficie des forêts (naturelles et plantées) a régressé chaque année de 0,08 %, contre 0,18 % entre 1990 et 2000, selon un rapport quinquennal sur l’état des forêt de la FAO, notant ainsi un ralentissement du rythme de la déforestation depuis vingt-cinq ans : « Même si à l’échelle mondiale, l’étendue des forêts continue de diminuer alors que la croissance démographique et l’intensification de la demande en nourriture et en terres se poursuivent, le taux de perte nette de forêts a chuté de plus de 50 % », indique l’étude publiée tous les cinq ans. « Cependant, cette tendance positive doit être consolidée, surtout dans les pays qui accusent un retard. » (Source Le Monde).
La déforestation est loin d’être une solution pour nourrir l’humanité. Au contraire, le déboisement risque de mettre à mal l’agriculture à long terme, puisque les forêts sont des éléments naturellement utiles aux cultures environnantes.
Même si les surfaces cultivables sont de plus en plus restreintes, la solution n’est pas de créer de la place en défrichant le couvert forestier, mais d’optimiser cette place pour en assurer les rendements.
En ligne de mire, l’agro-industrie, particulièrement florissante en Amérique latine et en Asie du Sud-Est, qui alimente depuis plusieurs décennies le marché mondial en maïs et en soja (brésilien, argentin…) pour l’élevage européen, en viande pour les fast-foods nord-américains, en huile de palme (indonésienne, malaise, nigériane…) pour l’industrie alimentaire et cosmétique, en pâte de bois et en cellulose pour la fabrication du papier, etc. L’expansion de l’ensemble du secteur – et par conséquent la pression sur les forêts – est boostée aujourd’hui par la montée en puissance de la demande en agro carburants, dérivés eux-mêmes, dans leurs différentes formes, de la plupart de ces cultures intensives, qu’elles soient oléifères (soja, palmiers à huile…), riches en sucre (maïs, canne…) ou autres encore (cellulose…). Le World Rainforest Movement, principale coalition mondiale d’organisations mobilisées contre la déforestation, parle à juste titre de la création de « déserts verts » à propos de l’extension de ce type de production à haute rentabilité, mais dont les externalités négatives, en termes de pollution, d’épuisement des terres, de consommation en eau, de contamination des nappes phréatiques et de la chaîne alimentaire…, font au mieux l’objet de compensations symboliques de la part des grands noms de l’agrobusiness (Source : cetri.be).
Si cette industrie génère d’importants bénéfices pour les Etats producteurs et les grands groupes nationaux et transnationaux de l’agrobusiness, la logique et les effets de son mode de production dominant ouvrent sur de sérieuses impasses. Des impasses qui débordent la seule problématique de la déforestation, pour embrasser notamment celle de la sécurité alimentaire.
Mette Loyche Wilkie, chargée de la mise en œuvre des politiques environnementales au Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE), reconnaît que « les multinationales s’engagent de plus en plus à ne vendre que des produits qui ne sont pas liés de près ou de loin à la déforestation, elles savent que c’est un risque de plus en plus important pour leur réputation ». Comme Unilever et Cargill qui ont été les premiers à s’engager, rejoints par de nombreuses multinationales comme L’Oréal, ou le géant de l’huile de palme Wilmar.
Alors comment progresser sur le chemin vers le « zéro déforestation » ? Pour Héloïse d’Huart, chef de projet de l’association The Forest Trust, il faut «inciter les acteurs de la filière à prendre des engagements. Comme l’a fait Ferrero avec sa Charte. Puis accompagner les fournisseurs et producteurs sur le terrain pour trouver avec eux des solutions pragmatiques et économiquement viables, et mettre en place des plans d’action pour aller vers des pratiques responsables ».
C’est la démarche choisie par Ferrero pour Nutella. Au nom d’une conception élargie de la qualité. « La qualité ce n’est pas seulement le goût, la fraîcheur et la sécurité alimentaire. C’est aussi l’impact de nos produits sur l’environnement et les communautés locales. Chez Ferrero, nous sommes historiquement très vigilants sur la traçabilité de nos approvisionnements, c’est dans notre ADN. C’est ce qui nous a conduit à lancer, dès 2005, notre démarche pour une huile de palme durable » a témoigné Aldo Cristiano, Directeur des Achats des Matières Premières pour Ferrero.
Une démarche qui s’est déployée en plusieurs étapes : adhésion à la RSPO, choix du niveau le plus élevé de certification RSPO (huile de palme ségrégée), lancement de la charte Nutella et du partenariat avec The Forest Trust, participation au POIG. « Aujourd’hui nos 22 sites industriels sont approvisionnés à 100% en huile de palme ségrégée RSPO » a confirmé Aldo Cristiano.
Mais le label RSPO n’est-il pas discutable, puisqu’il ne prend en compte que la destruction des forêts primaires ? Et pourquoi devrait-on encore déforester puisqu’il existe d’importantes réserves de terre dégradées pour planter ? En réponse à ces remarques légitimes de Pierric Jammes, le responsable des approvisionnements de Ferrero, a rappelé que Nutella allait plus loin que le standard RSPO depuis 2013. « Notre charte couvre dix engagements qui sont autant d’exigences environnementales et sociales. Nous sommes allés les expliquer à nos fournisseurs – planteurs, moulins, raffineries – pour qu’elles guident dorénavant leurs pratiques. Nous entretenons un dialogue permanent avec eux et nous mettons en place des actions correctives lorsque des problèmes sont identifiés » a-t-il expliqué.
La charte Nutella s’appuie sur l’approche multi-critères High Carbone Stock, qui fait aujourd’hui référence pour définir les forêts qui doivent être protégées, pour leur richesse en carbone et leur biodiversité notamment, et celles qui peuvent être converties en un autre usage, agricole notamment, parce qu’elles n’ont pas la capacité de se régénérer. Pour assurer le déploiement de sa charte jusqu’aux plantations, Ferrero s’appuie sur l’association The Forest Trust dont les acteurs de terrain accompagnent les parties prenantes de sa chaîne d’approvisionnement dans cette transformation.
Inciter les fournisseurs à adopter des pratiques responsables et les épauler dans cette mise en œuvre est indispensable. Mais encore faut-il pouvoir vérifier que les engagements sont tenus. Ce qui suppose de savoir ce qui se passe sur le terrain en temps quasi réel.
« C’est la prochaine étape de la démarche pour une huile de palme durable de Nutella », a annoncé Aldo Cristiano. Elle va s’appuyer sur un outil très novateur : Starling. Les avantages de cet outil sont nombreux si l’on en croit les explications fournies par Patrick Houdry : «les images satellites ne trichent pas. Ce sont des données objectives qui permettent d’établir des comparaisons dans le temps et l’espace. Elles montrent les évolutions du couvert forestier, permettent de faire réfléchir ensemble les parties prenantes à partir d’un constat partagé. Elles captent les signes précurseurs de détérioration des espaces naturels, à l’échelle d’une plantation, du bassin d’approvisionnement d’un moulin à huile ou d’une raffinerie ». L’outil est flexible : la fréquence du monitoring peut être adaptée aux enjeux de chaque zone géographique, de chaque plantation.
« Nous nous positionnons en éclaireur et lorsque nous faisons évoluer les pratiques de nos fournisseurs, nous pensons que cette transformation impactera l’ensemble de leur production » déclare Aldo Cristiano.
« Starling est un service révolutionnaire », a déclaré Bastien Sachet, Directeur de l’organisation à but non lucratif TFT qui se consacre aux enjeux sociaux et environnementaux mondiaux. « Il fournit non seulement une précision inédite grâce à l’association des images SPOT d’une résolution de 1,5 m et des données radar indépendantes de la couverture nuageuse, mais il va également plus loin que le concept traditionnel ‘d’’audit « .
Jusqu’ici, les marques et les producteurs n’avaient pas d’autre choix que de recourir à des cabinets d’audit, explique Airbus Defense and Space, pour vérifier leurs engagements « zéro déforestation ». Mais ces derniers n’avaient pas toujours la possibilité d’avoir accès à toutes les zones forestières.
C’est la première fois qu’une technologie de ce type est mise à la disposition des entreprises, des producteurs aux grandes marques internationales, pour les aider à prendre les bonnes décisions et à tenir les promesses formulées dans leurs politiques de préservation des forêts. Avec ce satellite, Nestlé et Ferrero peuvent désormais surveiller l’évolution des plantations qui leur fournissent de l’huile de palme, grâce à des zooms jusqu’à un mètre et demi du sol.
Bernhard Brenner, Responsable du Business Intelligence Group chez Airbus Defence and Space a précisé : « La plupart des entreprises s’efforcent de faire ce qu’il faut, et Starling a pour but de leur donner la véritable capacité de le faire. Notre constellation de satellites leur offre un outil fiable pour suivre et vérifier leurs actions et mieux protéger les ressources mondiales. »
Toutefois, les auditeurs n’ont pas la possibilité d’obtenir une vision globale de la situation car ils n’ont pas accès à toutes les zones forestières et ne passent qu’un nombre limité de jours sur le terrain. L’imagerie spatiale est une alternative performante qui fournit en temps réel des informations complètes, impartiales et économiques et permet de distinguer aisément replantation et déforestation. Elle permet aux entreprises de mieux gérer leurs activités, de prendre des décisions en toute connaissance de cause et de prouver à leurs acheteurs et consommateurs qu’elles respectent leurs engagements.
Malgré l’innovation de taille que représente la capacité de vérifier le respect des engagements zéro déforestation par satellite et radar avec le projet Starling, à notre échelle individuelle, lutter contre la déforestation peut revenir à réévaluer nos modes de consommation : une grande majorité des produits que l’on utilise au quotidien contiennent des matériaux directement issus de l’exploitation des forêts. Il faut donc être attentif à ce que contiennent les produits que l’on acquiert, pour ne pas être acteurs de ce fléau.
Pour en savoir plus sur Starling : www.intelligence-airbusds.com/starling
Pour aller plus loin : Article « DÉFORESTATION : À QUI PROFITE LE DÉSASTRE ? »
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