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Sida Info Service: un exemple des difficultés de l’Etat à financer l’ESS

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Le réseau Sida-Info-Service (SIS) est dans la tourmente financière. Sa situation résulte d’un vrai problème de société : le retrait de l’Etat par le biais des réductions drastiques de subventions aux associations. Comment faire face aux manquements et obligations d’un Etat en déroute financière, alors que le pays a tant besoin de l’économie sociale et solidaire ? 
 
« Le mouvement associatif doit se réveiller » déclarait ce matin Patrice Gaudineau, Directeur général du Réseau SIS, lors de la conférence de presse qu’il donnait avec son Président, Gérard Desborde. Conférence de presse pour expliquer la déclaration de cessation des paiements et la demande de mise en redressement judiciaire de l’association pour bénéficier d’une procédure collective afin de préserver les services qu’il procure aux usagers depuis 25 ans, ainsi que pour sauvegarder le maximum d’emplois. 
Le constat est simple : une dépendance à l’égard des subventions publiques et une situation de trésorerie tendue.
 
Gérard Desborde, à droite, et Patrice Gaudineau – SIS

Une situation d’urgence

Malgré la baisse drastique et constante des subventions de l’INPES (Institut national de prévention et d’éducation pour la santé) qui représentent 90 % de son budget, Sida Info Service a réussi à maintenir ses activités avec 30 % de ressources en moins entre 2006 et 2014 : 7,5 M d’euros en 2006, 5,1M d’euros en 2014, 5 M d’euros en 2015 et 4 M d’euros annoncés au mieux pour 2017.
 
Créée en octobre 1990, l’association militante, d’intérêt public, engagée dans la lutte contre le VIH, les hépatites, pour la santé sexuelle et contre les exclusions, a apporté jusqu’à ce jour information, orientation, conseil et soutien psychologique. Elle a mené cette mission à travers un ensemble d’organisations, dont le centre de santé sexuelle, le 190, et ses différentes implantations régionales. Un service phare, levier de prévention sanitaire et sociale, mais aussi outil de lutte contre les obscurantismes, conventionné par l’Etat (INPES). L’équipe de 83 salariés reçoit 400 appels par jour, sept jours sur sept. 
Malgré ces performances et une gestion apparemment rigoureuse, Sida Info Service s’est retrouvée fragilisée financièrement du fait des retards et tergiversations de l’Etat au moment où sa banque retirait ses avances de trésorerie. Elle s’est donc trouvée en cessation de paiement le 18 février, et les deux mandataires sociaux (le Président et le Directeur Général) ont du appliquer la Loi, et déclarer SIS en cessation de paiement avec une demande de mise en redressement judiciaire, le 23 février dernier, afin de protéger son activité et ses salariés. Une audience s’est tenue au tribunal de grande instance de Paris le 25 février au terme de laquelle la décision a été mise en délibéré jusqu’au 10 mars. Après quatre restructurations depuis sa création, c’est la première fois qu’une procédure de redressement judiciaire est demandée.
 
 

Un problème de société

Patrice Gaudineau remet les pendules à l’heure : « La prise en charge d’une personne séropositive coûte 12 800 euros par an, nos 5 millions de subventions sont amortis dès le 390ème  évitement de transmission du VIH, calcule-t-il ; en 2014, nous avons eu 5 millions 544 000 visites sur notre site Web et 121 000 entretiens qualifiés avec des écoutants très bien formés, un chiffre qui ne baisse d’ailleurs pas d’année en année. Je suis convaincu que nous sommes parvenus à éviter plus de 390 contaminations par an. »  
 
Pénurie d’argent public, non-respect des engagements financiers à plus de un an, obligation de disposer de réserves de trésorerie (fonds propres) pour attendre le cversement de l’intégralité des subventions. Et si l’association a une gestion vertueuse, elle doit rembourser à l’Etat ses excédents au lieu de reconstituer les fonds propres qui lui sont pourtant demandés par le système : les pouvoirs publics doivent prendre leurs responsabilités. 35 millions de personnes vivent avec le VIH ; 1,5 million de personnes sont décédées en 2013 et en France ; l’Institut de veille sanitaire estime qu’il y a 6200 nouveaux séropositifs chaque année, un chiffre stable depuis 2007.
 
Le sida existe toujours et l’action de SIS-Association est toujours aussi nécessaire et permet à l’Etat de faire des économies substantielles…
Comment financer des besoins sociaux toujours croissants lorsque les caisses sont vides ?

De nouvelles alternatives financières

Le monde de la finance privée n’est jamais très loin… Chargée de l’Economie sociale et solidaire, la secrétaire d’Etat Martine Pinville va lancer courant mars les deux premiers appels à projet pour une nouvelle famille de «produits» financiers rémunérés à vocation 100% sociale : les SIB (ou «social impact bond», en français «investissement à impact social»). Ces SIB pourraient-ils permettre au monde de l’économie sociale et solidaire de trouver de nouveaux leviers d’action ? Car l’enjeu est bien là : imaginer des sources de financement innovantes pour remédier à la pénurie des ressources publiques.
« Ce n’est pas une solution miracle, mais une option innovante, juge Julien Damon, professeur associé à Sciences Po pour le journal l’Opinion. Elle permet de lever et d’investir des fonds privés pour financer des sujets sociaux même les plus compliquées, et de mesurer l’efficacité de l’action entreprise. »
 
De quoi s’agit-il ? Le « contrat à impact social » est un montage financier selon lequel un investisseur privé verse des fonds à une association pour lui permettre de mettre en œuvre un programme défini. Si l’association remplit l’objectif, elle aura fait faire des économies aux pouvoirs publics. Avec les sommes économisées, l’État pourra donc rembourser l’investisseur privé, en lui servant un petit intérêt. Mais en cas d’échec, il ne remboursera rien : c’est donc l’investisseur qui assume le risque financier, comme s’il avait investi dans une startup.
Mis en place au Royaume-Uni en 2010 avant d’essaimer aux Etats-Unis et au Canada mais aussi en Belgique, aux Pays-Bas et en Allemagne pour un total de plus de 100 millions de dollars de placements à ce jour, ce mécanisme est fondé sur un partenariat public-privé (les fameux PPP, également très en vogue dans la recherche) : le financement de programmes confiés à des associations revient au secteur privé.
Comme le dit Julien Damon, « les SIB ont prouvé leur efficacité autour de deux idées-forces : tout d’abord il est possible d’investir et de lever des fonds privés pour financer la prise en charge des sujets sociaux, même les plus compliqués. […] Ensuite, il est vraiment possible de mesurer l’efficacité de l’action entreprise. En un mot, la rentabilité d’une intervention sociale peut s’évaluer sur un double registre social et financier ».
 
Mais ces SIB ne risquent-ils pas d’accélérer le désengagement de l’Etat et de donner lieu à des manipulations visant à permettre d’atteindre les résultats promis coûte que coûte, dans une culture du résultat, comme s’interroge Libération
Pour l’heure, le mouvement associatif demeure prudent, comme le déclare Florent Guéguen (Fnars) : « On ne voit pas comment ces contrats seraient applicables à nos actions de lutte contre l’exclusion, d’insertion et de solidarité, qui relèvent légalement de l’État. D’autre part, le retour sur investissement induit la mise en place d’indicateurs d’efficacité qui pourraient pousser les associations à choisir les publics les plus faciles. Enfin, ces mécanismes risquent de profiter aux nouveaux entrants de l’innovation sociale, rompus à ce genre de financements, au détriment des associations historiques, dont ce n’est pas la culture. »
Le Collectif des associations citoyennes et Attac ont dénoncé de nouveaux partenariats public-privé aux coûts « exorbitants ». De fait, les financeurs de l’économie sociale et solidaire ne sont pas seuls à soutenir ces contrats. Des banques classiques, comme la BNP, aimeraient bien proposer ces produits « socialement responsables ». Nouveau désengagement de l’Etat ?
 
 
 

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