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Darwin à Bordeaux : un cahier des possibles de l’innovation sociale

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Le projet Darwin à Bordeaux entend proposer sa vision de la ville intelligente : une ville autosuffisante, qui fait de la récup et de la bidouille un art de vivre… Par Francis Pisani, chroniqueur indépendant.

Darwin vient de fêter son second anniversaire. Vous avez bien lu. Sans doute dois-je préciser qu’il s’agit d’un écosystème inclassable installé dans une ancienne caserne sur la rive droite de la Garonne à Bordeaux. Un des endroits d’où fuse chaque jour le type d’intelligence dont ont besoin nos villes.
L’hybridité de cet espace le met dans une catégorie à part. La palette est ambitieuse puisqu’on y trouve innovation sociale et entrepreneuriale, écologie urbaine, architecture frugale et bioclimatique, ancrage territorial, cultures urbaines et développement économique.
En matière de coopération économique Aurélien Gaucherand, directeur de la fondation, estime qu’ils ont fait la preuve que la démarche solidaire et collaborative fonctionne. « La logique ouverte crée du développement et nous le démontrons en nous appuyant sur des petites structures plus résilientes, plus fortes. » Les locaux hébergent 120 petites personnes morales qui travaillent souvent ensemble.

Alternative citoyenne

La « transition écologique » qui leur tient à cœur est illustrée par le fait qu’ils fonctionnent à 100% avec de l’énergie renouvelable. « Nous sommes sortis du nucléaire » claironne Jean Marc Gancille, co-fondateur et moteur dans ce domaine. Ils s’enorgueillissent aussi de ne « presque plus rien remettre à la voierie » grâce à leurs 20 filières de recyclage des déchets.
Troisième grand axe, l’alternative citoyenne consiste à soutenir de multiples projets d’associations à but non lucratif, notamment dans le domaine des cultures urbaines. Leur grand orgueil est un skatepark construit, entretenu et utilisé par près de 2500 membres.
Ça marche d’autant mieux qu’ils travaillent avec le tissu local « en essaimant plutôt qu’en centralisant » précise Gaucherand. « Il faut mutualiser, créer des liens. » Problème nouveau, ils attirent des initiatives qui ont du mal à survivre dans leur coin et viennent s’installer chez eux. Logique inclémente des réseaux.

Photo : Jean-Marc Gancille et Philippe Barre © Stéphane Lartigue pour Sud-Ouest 

Une ville sobre et frugale

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La relation avec les autorités peut être grinçante. « Nous sommes un peu des OVNI pour les acteurs locaux » estime Jean Marc Gancille, « parce que nous sommes des entrepreneurs innovants et que nous revendiquons un ralentissement de la croissance loin des grands équipements emblématiques. » Résultat : « On n’a jamais réussi à faire quelque choses dans la bienveillance avec les collectivités territoriales. » Ajoutons qu’ils ne s’appuient pas sur les subventions « ce qui n’empêche pas d’en demander, notamment au niveau européen, » précise Gancille. Mais ils ont clairement la volonté de générer des revenus sur une base entrepreneuriale, indépendante des fonds publics.
« Nous ne croyons pas à la ville intelligente au sens technologique du terme, » m’a expliqué Aurélien Gaucherand. « Nous croyons en une ville frugale et sobre, qui récupère les savoir faire, mise sur la bidouille et le low tech. » Jean Marc voit dans le reste « une fuite en avant mortifère ».

Ils s’apprêtent pourtant à mettre en place un « digitoire » sorte de laboratoire digital pour le territoire dont l’objectif est « d’utiliser le numérique comme moyen, comme source d’efficacité, comme enrichissement de nos ateliers de fabrication classique. »

Sortir du confort

Le plus intéressant peut-être, est leur conviction d’être installés (si j’ose dire) dans le temporaire et dans le provisoire, dans « l’adaptation permanente ». La référence à Darwin est claire. Ils le doivent au fait que la caserne dans laquelle ils se trouvent ne leur est que prêtée qu’avant d’être récupérée par des promoteurs immobiliers.
Mais c’est aussi la grande conviction de Philippe Barre, l’entrepreneur co-fondateur qui les sort sans cesse de leur zone de confort. « Ça nous donne de plus grands espaces de liberté » explique Gaucherand. « On peut essayer plein de choses. C’est pas grave si ça ne marche pas. Ça nous invite à re-créer tout le temps. »
L’essentiel est peut-être une question de méthode, d’approche, d’attitude. Une de leurs plus belles leçons, une des plus faciles à comprendre en tous cas (peut-être pas à assimiler) c’est qu’avant de se lancer dans une nouvelle tâche, de définir un nouveau projet, une nouvelle mission, ils ne l’encadrent jamais dans un cahier des charges. Ils en ouvrent le potentiel dans un « cahier des possibilités ».

Francis Pisani, Chroniqueur indépendant

www.darwin-ecosysteme.fr

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