Regardez le monde
avec les yeux ouverts

Inscrit ou abonné ?
CONNEXION

UP', média libre
grâce à ses lecteurs
Je rejoins

rejoignez gratuitement le cercle des lecteurs de UP’

pandoravirus

Pandoravirus : uniques dans la nature, ces virus géants fabriquent des gènes. Ils sont partout mais on ignore leur origine.

Commencez
Ce sont de grosses bestioles, exceptionnellement grosses pour des virus. Si énormes qu’on s’étonne qu’elles puissent être passées sous les radars des scientifiques jusqu’en… 2013. Le premier « pandoravirus » a été repéré sur une plage du Chili. Puis, les choses se sont accélérées et on se mit à en trouver un peu partout. Une équipe scientifique française vient de révéler que ces virus ont une caractéristique unique dans la nature : ils fabriquent des gènes, à partir de rien. Cette découverte remet en question tout ce que l’on croyait savoir sur l’évolution de la vie. Mais la question brûlante à laquelle personne ne répond est : d’où viennent-ils ?
 
Ces pandoravirus portent bien leur nom. Comme la boîte de Pandore de la mythologie, ils sont mystérieux et leur contenu est de nature à apporter de grandes surprises. Une équipe de chercheurs du laboratoire Information génomique et structurale (CNRS/Aix‐Marseille Université), associés au laboratoire Biologie à grande échelle (CEA/Inserm/Université Grenoble‐Alpes) et au CEA-Genoscope, dirigés par Chantal et Jean-Michel Claverie, ont entr’ouvert le couvercle de la boîte de Pandore. Ce qu’ils y ont trouvé révolutionne tout ce que l’on savait sur l’évolution du vivant et ouvre un abyme de questions. Leurs travaux viennent d’être publiés dans la prestigieuse revue Nature.
 

Virus ou organisme vivant ?

Longtemps on s’est demandé si un virus était un organisme vivant. La réponse n’est pas clairement tranchée mais si on postule qu’un organisme vivant est capable de se débrouiller seul dans la vie, les virus ne le sont pas. En effet, ils ne sont pas équipés pour subvenir seuls à leurs besoins. Ils ont un capital de gènes très réduit, insuffisant pour leur permettre de se multiplier, contrairement à toute bactérie, cellule vivante ou végétale. Les virus ont besoin de parasiter une autre cellule pour détourner la machine cellulaire à leur profit. Tant qu’ils n’ont pas trouvé la cellule hôte convenable, ils peuvent rester en stase, inactifs, pendant des milliers d’années.
Mais ce point de vue a été bouleversé avec la découverte des premiers virus géants. Ces mastodontes contiennent des milliers de gènes, infiniment plus qu’un virus « normal » et leur fonctionnement est aussi complexe sinon plus que celui des cellules vivantes.
 
La première famille de mégavirus a été décrite dans la littérature en 2003 ; elle a été nommée Mimiviridae après avoir été confondue avec une petite bactérie gram-positive. La plupart des particules virales sont mesurées à l’échelle d’une poignée de nanomètres, mais pas cette  » bactérie mimique  » – elle est des centaines de fois plus grande, atteignant un peu moins d’un micromètre.
 

Découverte de monstres

En traquant d’autres exemples de Mimivirus dans les cellules amibiennes où ils vivent, les chercheurs sont tombés sur un deuxième monstre d’une taille aussi impressionnante.
Les détails de deux nouvelles espèces de pandoravirus ont été publiés en 2013. L’un d’eux a été trouvé dans les sédiments de la plage Tunquen au Chili. L’autre a été isolé à partir de l’élevage d’amibes dans un étang à côté de l’Université Latrobe en Australie. Une troisième a été identifiée rétroactivement deux ans plus tard dans une étude de cas d’amibe contaminant l’étui de lentilles de contact d’une femme ayant reçu un diagnostic de kératite en 2008.
 
La découverte des deux virus géants de 2013 ne ressemblant à rien de connu brouillait la frontière entre monde viral et monde cellulaire. Ces pandoravirus sont aussi grands que des bactéries et dotés de génomes plus complexes que ceux de certains organismes eucaryotes. Mais leur étrangeté – une forme inédite d’amphore, un génome énorme et atypique – posait aussi la question de leur origine.
 
L’équipe de Chantal et Jean-Michel Claverie a depuis isolé trois nouveaux membres de la famille à Marseille, Nouméa et Melbourne. Avec un autre virus trouvé en Allemagne, cela fait désormais six cas connus que l’équipe a comparés par différentes approches.
 

Fabrique à gènes

Les premiers résultats de leur analyse montrent que, malgré une forme et un fonctionnement très similaires, ils ne partagent que la moitié de leurs gènes codant pour des protéines. Or les membres d’une même famille ont généralement bien plus de gènes en commun… Et quand les chercheurs parlent de gènes, ils parlent de beaucoup de gènes. Les pandoravirus ont en effet de gros génomes qui correspondent à leur circonférence significative. Le détenteur actuel du record est Pandoravirus salinus, avec 2 473 paires de kilobases. Alors pourquoi transporter tant de matériel alors que l’évolution tend à encourager d’autres virus à voyager léger ?
 
Un indice pourrait se trouver dans la nature de ces gènes. Des recherches antérieures avaient montré que seulement sept pour cent d’entre eux correspondaient à des gènes trouvés dans d’autres organismes, ce qui indique clairement qu’ils représentaient une voie d’évolution différente. Les généticiens appellent « gènes orphelins » des gènes que l’on ne retrouve dans aucune autre branche de l’arbre de la vie. Les pandoravirus contiennent une quantité inhabituelle de gènes orphelins au même endroit. Ces gènes que l’on ne retrouve dans aucune autre espèce vivante ont étonné les chercheurs. Ce qui les a encore plus intrigués, c’est que ces gènes orphelins sont différents d’un pandoravirus à l’autre, « rendant de plus en plus improbable qu’ils aient été hérités d’un ancêtre commun à toute la famille ! » écrivent-ils dans un communiqué.
 
Analysés par différentes méthodes bioinformatiques, ces gènes orphelins se sont révélés très semblables aux régions non‐codantes (ou intergéniques) du génome des pandoravirus. Cette caractéristique unique peut se traduire par une image : ces virus produisent de nouveaux gènes sur mesure à partir d’un fouillis bruyant de codage non fonctionnel, plutôt que d’hériter d’un ancêtre commun et de s’ajuster par des mutations. « Si c’est vrai, la longue quête de l’origine évolutive des gènes du virus géant prendra fin », dit Jean-Michel Claverie, auteur principal de l’étude.
 
Cette découverte placerait ces virus dans une ramification inédite de la biologie où les gènes sont systématiquement créés à partir de rien plutôt que d’être modifiés à partir d’une bibliothèque préexistante : « une grande partie des gènes de ces virus naîtrait spontanément et au hasard dans les régions intergéniques. Des gènes « apparaissent » donc à des endroits différents d’une souche à l’autre, ce qui explique leur caractère unique » précisent les chercheurs.
 

Des pandoravirus partout

Maintenant que les scientifiques savent où chercher, ils découvrent des pandoravirus partout. Plus tôt cette année, la découverte de deux nouvelles souches de la famille des Mimiviridae au Brésil a permis de découvrir des gènes codants incroyablement complexes. En septembre 2015, la même équipe de recherche associée à des scientifiques russes a découvert un pandoravirus dans le permafrost sibérien. En se réchauffant du fait du dérèglement climatique, cette couche gelée a libéré des organismes étranges. Parmi eux, un monstre : Mollivirus sibericum. « Unique en son genre » dit Jean-Michel Claverie, son génome est énorme, comportant plus de 650 000 paires de bases dans son ADN, alors qu’il n’y en a qu’une dizaine dans un virus comme celui de la grippe ou du Sida. Plus étrange encore, ce virus avait résisté pendant 30 millénaires sous la glace sans rien perdre de son pouvoir infectieux !
 
Ces virus sont-ils dangereux pour l’humanité ? Les scientifiques se veulent, sur ce point, rassurants : « Cela ne va pas causer de maladie ou d’épidémie généralisée et aiguë ou quoi que ce soit d’autre », affirme Eugene Koonin, spécialiste des virus et biologiste de l’évolution aux National Institutes of Health. Contentons-nous, pour le moment, de le croire sur parole.
 

Le mystère de l’origine de la vie

Si elle est avérée, l’hypothèse révolutionnaire des chercheurs français ferait des virus géants des artisans de la créativité génétique, qui est un élément central, mais encore mal expliqué, de toutes les conceptions de l’origine de la vie et de son évolution. Le mystère demeure toutefois sur l’origine de ces virus. « Nous pensons que ces nouveaux pandoravirus sont issus d’un nouveau type cellulaire ancestral qui n’existe plus », a déclaré le professeur Claverie. Ces megavirus auraient-ils une origine extraterrestre ? Cette question mérite d’être posée depuis le résultat de recherches publiées en mai dernier.
 
À cette question Jean-Michel Claverie donne une réponse de normand : « À ce stade, nous ne pouvons pas réfuter ou ignorer ce type de scénario extrême ».
 
 

Quelque chose à ajouter ? Dites-le en commentaire.

S’abonner
Notifier de

0 Commentaires
Les plus anciens
Les plus récents Le plus de votes
Inline Feedbacks
View all comments
Yi Li
Article précédent

Modifier une plante par CRISPR en fait-elle un OGM ?

gènes de l'intelligence
Prochain article

Découverte d’un millier de gènes inconnus qui seraient impliqués dans l’intelligence

Derniers articles de Bio innovations

REJOIGNEZ

LE CERCLE DE CEUX QUI VEULENT COMPRENDRE NOTRE EPOQUE DE TRANSITION, REGARDER LE MONDE AVEC LES YEUX OUVERTS. ET AGIR.
logo-UP-menu150

Déjà inscrit ? Je me connecte

Inscrivez-vous et lisez trois articles gratuitement. Recevez aussi notre newsletter pour être informé des dernières infos publiées.

→ Inscrivez-vous gratuitement pour poursuivre votre lecture.

REJOIGNEZ

LE CERCLE DE CEUX QUI VEULENT COMPRENDRE NOTRE EPOQUE DE TRANSITION, REGARDER LE MONDE AVEC LES YEUX OUVERTS ET AGIR

Vous avez bénéficié de 3 articles gratuits pour découvrir UP’.

Profitez d'un accès illimité à nos contenus !

A partir de 1.70 € par semaine seulement.

Profitez d'un accès illimité à nos contenus !

A partir de $1.99 par semaine seulement.
Partagez
Tweetez
Partagez
WhatsApp
Email
Print