Notre cerveau est à même de produire de nouveaux neurones quel que soit nôtre âge. Cette aptitude semble favorable aux nouveaux apprentissages et à la bonne santé cérébrale du sujet. Lors d’une conférence organisée par l’Ecole des neurosciences de Paris, Pierre-Marie LlEDO, directeur de recherche à l’Institut Pasteur, a énuméré les bonnes pratiques qui favorisent la production de nouveaux neurones dans notre cerveau. Cette capacité précieuse dépend de nos comportements. En effet, si des neurones âgés d’une semaine peuvent être détectés dans le cerveau d’un octogénaire, il est également possible de n’en trouver aucun dans le cerveau d’un jeune de vingt ans.
Cinq conditions pour la production de ces nouveaux neurones :
Se nourrir de la complexité et apprendre tout au long de sa vie. S’émerveiller devant une découverte et être curieux revient à stimuler son cerveau.
Eviter la pollution visuelle et sonore. Si nous sommes soumis à ces pollutions dans une ambiance stressante, notre cerveau n’est pas à la fête. Vivre dans le bruit continu, comme être soumis à un flux d’informations délétères, crée un abrutissement cérébral qui peut être assimilé à de la pollution cognitive.
L’usage chronique des psychotropes est contre-indiqué. Leurs particularités chimiques apportent des soulagements, mais le prix à payer est un endormissement du dynamisme cérébral.
S’il est important de savoir se reposer, il est préférable d’éviter la sédentarité. L’activité physique est indispensable pour bien oxygéner son cerveau. Par des gestes quotidiens, comme choisir les escaliers plutôt que les escalators, chacun peut s’offrir un bol d’oxygène (même dans le métro !). Et, bien sûr, ne pas oublier de boire de l’eau. Le cerveau a besoin d’être hydraté. Il ne pèse de 2% du poids du corps, mais consomme 20% de l’énergie.
Enfin, se garder de l’isolement psychique. L’interaction sociale est la garantie de la stimulation du cerveau. La complexité relationnelle est bienvenue pour la santé neuronale.
Derrière le développement de l’employabilité, une réalité neurobiologique
Pour la conduite des entreprises, je mettrais le focus sur la première et la dernière notion de la liste qui sont particulièrement prometteuses. La première : être en situation d’apprendre et de découvrir de nouvelles pratiques est une promesse de développement de l’employabilité pour les collaborateurs de l’entreprise. Cela revient à leur donner l’occasion de stimuler leur cerveau. Ils vont être amenés, par l’acquisition de compétences, à créer de nouvelles connexions entre des neurones existants, et il est probable qu’ils vont se trouver en situation de créer de nouveaux neurones.
L’innovation managériale par l’effort cognitif qu’elle exige apporte à la personne des gains de deux natures : développement de l’employabilité et gymnastique du cerveau. Confronté au changement, celle-ci a l’occasion de s’enrichir. La deuxième notion est l’importance des interactions sociales. Les coopérations transverses, favorisées par les technologies et les espaces collaboratifs, la mise en place de méthodes agiles pour la conduite des projets, toutes ces pratiques stimulent les interactions sociales et sont donc porteuses de dynamisme cérébral.
Je mets de côté les réseaux sociaux dont le rôle est très ambivalent. Ils stimulent les interactions sociales en facilitant les échanges et la transparence mais sont si souvent utilisés pour faire du « bruit » et de la désinformation que leur contribution à l’intelligence collective reste une question. En synthèse, j’ose prétendre que l’entreprise apprenante, par les transformations des pratiques managériales et collaboratives est bénéfique pour les cerveaux !
Evitons d’enclencher la machine à laver les cerveaux !
Bien évidemment, tout cela fonctionne à condition que la dose de stress, liée aux changements, ne revienne pas à plonger les personnes dans les affres de l’angoisse et de la dépression. Quand les rumeurs, les bruits, activent les inquiétudes des collaborateurs jusqu’à leur « prendre la tête », l’entreprise peut se transformer en « machine à laver les cerveaux ». La troisième condition de la liste n’est alors pas remplie. Les gains et les pertes risquent de s’annuler et l’effet recherché ne peut être espéré. D’un côté une promesse de stimulation par l’apprentissage, de l’autre un contexte qui génère trop de stress. Quand la stimulation est forcée, quand elle est trop exigeante, quand elle ne prend pas soin de respecter la volonté et le rythme du propriétaire du cerveau, il y a un risque de blocage.
Les cinq conditions pour produire de nouveaux neurones ne peuvent être présentes. Un professeur de gymnastique, qui ne prend pas en compte les besoins corporels de ses élèves, les mène au « claquage ». Le cerveau humain est un organe fragile. La promesse du développement, oui, la mise en danger, non. Alors plutôt que de parler de résistance au changement, apprenons à faire faire de la gymnastique à notre cerveau en prenant soin de lui.
Bernadette LECERF-THOMAS, Superviseur et formatrice, spécialiste du coaching des organisations et de la montée en compétence collective fondée sur une approche systémique et s’appuyant sur les découvertes des neurosciences. www.lecerfthomas.com
{jacomment on}