Rénover les pratiques managériales, pédagogiques et collaboratives…
Comment faisons-nous pour découvrir la réalité et explorer l’imaginaire ? Qu’est ce qui fait que ces deux notions soient dépendantes l’une de l’autre ? Qu’est-ce qui permet d’apprendre et d’inventer ? Comment s’épanouit le talent de l’artiste, de l’entrepreneur, de l’ingénieur, de l’architecte… ? Les neurosciences apportent des éclairages à toutes ces questions.
Elles sont loin d’avoir percé tous les mystères, toutefois les connaissances validées par la communauté scientifique sont largement suffisantes pour avancer sur la voie de la rénovation des pratiques managériales, pédagogiques et collaboratives. Il y a trente ans, lors de la sortie du film d’Alain Resnais, « Mon oncle d’Amérique » (1980), Henri Laborit faisait la prédiction suivante « Tant que l’on n’aura pas diffusé très largement à travers les hommes de cette planète la façon dont fonctionne leur cerveau, la façon dont ils l’utilisent, tant qu’on n’aura pas dit que, jusqu’ici, ça a toujours été pour dominer l’autre, il y a peu de chances qu’il y ait quelque chose qui change..». Cette prédiction peut enfin se réaliser.
Les neurosciences cognitives et affectives diffusent leur savoir dans le grand public. Il devient possible de mieux comprendre comment l’être humain, combattant pour sa survie, a transformé son cerveau en un outil puissant. Les émissions de télévision se multiplient, les articles dans les médias sont légion. Pour les courageux, de nombreuses connaissances sont disponibles dans les ouvrages plus ou moins accessibles de scientifiques du monde entier.
Plus proche de nous, à l’heure où j’écris ces lignes, une exposition permanente – C3RV34U – s’est installée à la Cité des sciences. Destinée à un large public, cette exposition propose un voyage ludique et pédagogique à la découverte de connaissances de base sur le cerveau humain. Fondée sur des jeux et des minitests, elle est riche d’explications accessibles, enthousiasmant ainsi les esprits curieux. Un voile se lève sur les énigmes de l’intelligence, ouvrant ainsi de nouvelles voies.
Ces connaissances ont une influence de plus en plus grande sur la pédagogie, le management et la collaboration. Ces trois disciplines demandent de posséder une technique, un tour de main, et sont le résultat d’une intention. Chacun y développe, tel un artiste, un style spécifique correspondant à son tempérament et à son histoire. Que l’on soit pédagogue, manager ou collaborateur, dans la complexité des interactions, la créativité de chacun est sollicitée. La rencontre avec les neurosciences ne peut être que bénéfique. Profiter de cette nouvelle ressource pour rénover ses pratiques est une opportunité stimulante pour l’imagination.
L’actualité de la réforme de l’enseignement offre le spectacle de débats caricaturaux sur le contenu des programmes qui oublient de privilégier l’importance des processus pédagogiques qui permettent aux êtres en construction de se développer de façon harmonieuse. Plutôt que de s’arc-bouter sur les bonnes pratiques d’un contexte passé ou sur des notions d’égalités primaires, il serait pertinent de réévaluer l’environnement présent et à venir de nos enfants. Renvoyant chacun dos à dos, nous pourrions chercher à appliquer ce que les sciences cognitives et affectives nous donnent comme indications sur les différents formes d’intelligences humaines.
Dans les années 1980, Howard Gardner, psychologue à l’Université de Harvard, définit huit formes d’intelligence : l’intelligence logico-mathématique, verbale-linguistique, visuelle-spatiale, interpersonnelle, intrapersonnelle, musicale, corporelle-kinesthésique et naturaliste. Chacune, ouvrant à des talents particuliers, est plus ou moins utile selon les vocations et les métiers. Le sujet (et son cerveau) subit son contexte et évolue de façon différente en fonction de l’environnement et des soutiens dont il bénéficie. Dans ces circonstances, son intelligence s’épanouit en harmonie avec ses expériences et selon un processus de développement complexe. Les composantes de ses apprentissages sont le fruit d’opérations qui mettent en cause les perceptions, les mémoires, les émotions, le système de récompense, l’attention et le système moteur. Mieux comprendre ces mécanismes donne de nouvelles marges de manœuvre à l’accompagnateur consciencieux. Tous potentiellement talentueux mais chacun dans son registre. L’apprenant, qu’il ambitionne de devenir plombier, ingénieur, psychologue, boulanger… a droit à la reconnaissance et au bonheur.
Pour le cerveau humain, le passé présente l’intérêt d’offrir des repères et des croyances qui habitent la mémoire des sujets. Ces briques de la pensée, fournissent des fondements à l’identité. Dans les périodes de forts changements, le futur est anxiogène. Les inquiétudes sont normales, car un futur qui s’appuie sur peu de certitudes perturbe l’être humain et génère des émotions. Pour pouvoir les vivre sereinement il va falloir de l’imagination, des relations de confiance, de la détermination, de nouveaux moyens et… un lobe frontal ! Etienne KOECHLIN, neurobiologiste, rappelle que cette zone du cerveau donne la capacité d’adaptation à un environnement incertain, changeant, et ouvert, et que c’est une marque distinctive de l’intelligence humaine. Le contexte général motive et légitime les transformations. Les nouvelles ressources sont des leviers pour l’action et l’innovation. Alors, pour transformer l’avenir, activons nos talents, allons chercher de nouvelles connaissances afin de faire évoluer nos pratiques et nos compétences. Que ce soit individuellement ou collectivement les marges de progrès sont nombreuses et les nouvelles informations disponibles sont des ressources considérables.
En complément de ce propos, je vous annonce que les éditions PEARSON m’ont fait l’honneur d’une deuxième édition d’ « Activer les talents avec les neuroscience ». Cette deuxième édition complétée est conçue comme un vrai « petit manuel de neurosciences » à l’usage des managers, formateurs, consultants et responsables de ressources humaines, désireux de mieux comprendre le fonctionnement du cerveau au travail.
Bibliographie :
– H.Gardner, les formes de l’intelligence, Odile Jacob, 1997
– Alain Resnais, Mon oncle d’Amérique
– Etienne Koechlin, Raisonnement, apprentissage et créativité, contribution à l’ouvrage collectif Anticipation et prédiction, sous la direction d’Alain Berthoz et Claude Debru, Odile Jacob 2015