Aujourd’hui, en moyenne, 12 accouchements sur 1 000 dans le monde sont des jumeaux. Cette statistique est la plus élevée depuis des décennies, et très probablement la plus élevée qu’elle ait jamais été. Mais malgré toute la joie qu’apportent les naissances multiples aux familles — deux fois plus de câlins, deux fois plus de couches et deux fois plus biberons — toutes les implications de l’augmentation des chances d’avoir des jumeaux ne sont pas forcément à célébrer.
Des chercheurs de l’Université Radboud aux Pays-Bas, de l’Université d’Oxford au Royaume-Uni et de l’Institut français d’études démographiques ont fouillé dans les banques de données démographiques de 165 pays, datant de 2010 à 2015, pour comptabiliser le nombre d’accouchements de jumeaux.
Par rapport à des données similaires recueillies au début des années 1980, il semble que le taux de naissance de bébés jumeaux soit aujourd’hui supérieur de 30 %, passant de 9,1 naissances de jumeaux pour 1 000 habitants à 12 jumeaux pour 1 000 habitants. Il n’y a jamais eu autant de naissances de jumeaux dans le monde.
Les taux de gémellité ont bondi
Bien que les registres étudiés dans cette enquête particulière aient été limités aux deux périodes historiques relativement récentes, les chercheurs à l’origine de l’étude parient qu’il s’agit d’un record pour toute l’histoire. « Le nombre relatif et absolu de jumeaux dans le monde est plus élevé qu’il ne l’a jamais été depuis le milieu du XXe siècle, et il est probable qu’il s’agisse d’un record historique », déclare Christiaan Monden, sociologue à l’Université d’Oxford.
L’analyse, qui a été publiée dans la revue Human Reproduction, s’est concentrée sur l’évolution des populations individuelles à travers le monde afin de créer une image détaillée des schémas de reproduction apparaissant dans les données démographiques au fil du temps.
Seuls sept des 112 pays pour lesquels des données des années 1980 ont pu être trouvées ont connu une baisse de plus de 10 % du nombre de jumeaux, la plupart se trouvant en Amérique du Sud. Dans un nombre impressionnant de 74 pays, l’augmentation a été supérieure à 10 %, allant d’une hausse de 32 % en Asie à un bond de 71 % des taux de gémellité en Amérique du Nord.
Les nations africaines ont également connu une augmentation significative des naissances de jumeaux, passant d’une moyenne de 32 % de tous les accouchements de jumeaux entre 1980 et 1985 à 41 % entre 2010 et 2015.
À quoi devons-nous cette explosion relative des naissances multiples ?
À un mélange de deux facteurs. Le premier est que davantage de parents ont recours aux techniques de procréation médicalement assistée (PMA), comme la fécondation in vitro. Ces procédures ont eu tendance à maximiser les chances d’une naissance réussie en fécondant et en implantant des embryons multiples, ce qui entraîne une incidence plus élevée de naissances multiples. Il s’agit heureusement d’une tendance qui semble diminuer dans les années à venir, car les progrès médicaux améliorent progressivement les taux de réussite de sorte qu’un seul embryon suffit à être implanté par cycle. Les embryons en surnombre sont conservés par les techniques de congélation qui ne cessent de s’améliorer.
L’autre facteur est le fait que les futurs parents attendent plus longtemps avant de fonder une famille, ce qui est également susceptible de contribuer à l’augmentation du nombre de jumeaux. Une étude similaire menée aux États-Unis il y a plusieurs années a révélé qu’au-delà de 35 ans, les femmes blanches avaient trois fois plus de chances d’avoir des jumeaux. Pour les femmes noires, ce chiffre était quatre fois plus élevé.
Augmentation des risques
La médecine moderne dans les coins plus riches du globe a considérablement réduit les risques que l’accouchement fait porter pour la mère et l’enfant, surtout pour les femmes plus âgées. Il est facile d’oublier que chaque naissance augmente les chances de complications. « C’est important, car les accouchements jumeaux sont associés à des taux de mortalité plus élevés chez les bébés et à davantage de complications pour les mères et les enfants pendant la grossesse, ainsi que pendant et après l’accouchement », explique Christiaan Monden.
Pour de nombreux pays à faible niveau socio-économique, les risques ne font qu’augmenter, ce qui fait du nombre croissant de jumeaux une préoccupation sérieuse, même des mois après la naissance de ceux-ci
Jeroen Smits, directeur du Global Data Lab et professeur de développement économique et humain à l’université Radboud, le souligne : « En Afrique subsaharienne en particulier, de nombreux jumeaux perdront leur cojumeau au cours de leur première année de vie, quelque deux à trois cent mille chaque année selon nos recherches antérieures. »
L’équipe a l’intention de continuer à surveiller les taux de natalité dans les années à venir pour voir si la tendance des naissances multiples a atteint son apogée. Les changements dans la façon dont nous construisons les familles sont susceptibles de voir les populations du monde entier évoluer de façon spectaculaire au cours des prochaines décennies.