Les riches contre la planète – Violence oligarchique et chaos climatique, de Monique Pinçon-Charlot – Éditions Textuel / Collection « Petite Encyclopédie Critique », 2 avril 2025 – 192 pages
L’auteure livre ici une impitoyable démonstration en 31 pièces d’un puzzle diabolique.
L’écologie n’est pas ce qui nous rassemble, mais ce qui nous sépare. D’un côté, une oligarchie prédatrice se met soigneusement à l’abri du désastre. De l’autre, l’immense majorité du vivant est toujours plus exploitée et exposée.
À partir d’une trentaine d’études de cas, Monique Pinçon-Charlot livre l’impitoyable démonstration de la collusion entre élites politiques et industries polluantes et détaille avec brio les roueries de l’oligarchie pour maximiser ses profits tout en saccageant la planète. Face aux fausses promesses de la « transition écologique », elle oppose des arguments fondés sur des exemples concrets, comme autant de pièces d’un puzzle diabolique. Comme l’explique l’auteure dans son introduction, « Tous les éléments de ce patchwork sont conçus de manière semblable et articulent les agissements concrets des membres de la classe sociale au sommet des richesses à des faits précis, concernant par exemple les pesticides, TotalEnergies et ses liens avec l’École Polytechnique ou la construction de l’A69. »
« Ce principe de mise en relation systématique de la responsabilité collective d’individus dont la solidarité est basée sur l’exploitation et la domination des êtres humains, des animaux et de la nature avec les différentes manifestations du cataclysme écologique, a pour objectif premier de casser les fondements de l’idéologie dominante basés sur des manipulations diverses qui aboutissent au fatalisme et à la sidération. »
Ce livre détonateur à l’argumentaire radicalement anticapitaliste est le premier ouvrage où l’éminente sociologue se penche sur le thème du chaos climatique.
La thèse du livre est claire et radicale : les ultrariches sont responsables, en grande partie, du dérèglement climatique, non seulement par leur mode de vie extrêmement polluant, mais surtout par leur pouvoir économique et politique qui freine les transformations écologiques profondes. Pour Pinçon-Charlot, cette minorité prépare sa survie dans un monde qu’elle a contribué à rendre invivable.
Les riches contre la planète est un ouvrage percutant qui bouscule les lectures individualistes ou technophiles de la crise écologique. Il rappelle que le combat pour le climat est aussi un combat de classes. En cela, il s’inscrit dans une écologie politique critique et radicale, qui cherche à désigner les vrais responsables et à remettre en question les structures du pouvoir économique.
Monique Pinçot-Charlot dénonce les inégalités sociales et climatiques entre pays riches et pays pauvres, l’opacité organisée sur le nucléaire en France, mais aussi l’ambivalence de Bruxelles face à la réduction de l’usage des pesticides, ou encore le néocolonialisme de TotalEnergies en Ouganda. Elle revient également sur la 30ᵉ édition de la Fête de la science où lobbying et intervenants se confondaient… donc le pouvoir des lobbys.
Les COP en prennent aussi pour leur grade : « Le poids du lobbying est un élément important pour bâillonner au cœur des COP (Conférences mondiales annuelles sur le climat), les contestations concernant la poursuite des extractions fossiles, alors que la planète est en surchauffe. […] Rappelons également que ces rencontres au sommet de l’oligarchie mondialisée sont fondées sur le principe qui interdit toute mesure représentant « une entrave au commerce international » ».
Fidèle à sa tradition sociologique, Monique Pinçon-Charlot s’appuie sur de nombreuses observations, enquêtes de terrain, et une riche bibliographie critique. Le ton est militant, direct, et assume une visée dénonciatrice : il s’agit d’alerter, mais aussi de politiser l’écologie.
Monique Pinçon-Charlot, sociologue, ancienne directrice de recherche au CNRS, est spécialiste des grandes fortunes françaises. Ses ouvrages sur l’oligarchie, co-écrits avec son mari Michel Pinçon, sont des best-sellers.
Elle a notamment publié chez Textuel avec Michel Pinçon, L’Argent sans foi ni loi (2012) et Les Prédateurs au pouvoir. Main basse sur notre avenir (2017).