Servitudes virtuelles, de Jean-Gabriel Ganascia – Editions du Seuil, 4 mars 2022 – 280 pages
« Sans doute les hommes sont-ils moins contraints qu’auparavant mais on les trompe de plus en plus et cette tromperie a des effets considérables dans la société de l’information qui s’apparente à de la fausse monnaie. »
Jean-Gabriel Ganascia
Nous ne vivons plus dans les fers. Pourtant, nous le constatons, nous ne sommes pas vraiment libres ; nous nous prenons de plus en plus souvent aux rets du numérique dont nous devenons captifs. Les flux de données – textes, images, sons – qui attestent, trahissent, influencent nos vies affectives, personnelles et professionnelles, sont manipulés à notre insu par les techniques de l’intelligence artificielle. Il en résulte une évolution majeure de la condition humaine, qui rend nécessaire et urgente une réflexion sur les conséquences politiques, sociales et même morales des technologies de l’information et de la communication.
Cet essai vif, original et engagé vise à faire le point sur ces questions. Passant au crible la vulgate « éthique » usuelle, Jean-Gabriel Ganascia en dévoile les limites. Car, pour louables qu’elles soient les maximes retenues, les droits humains invoqués, les notions mentionnées et les recommandations formulées par les comités de régulation ne sont le plus souvent rien d’autres que des enchevêtrements d’abstractions convenues et vaines qui nous laissent impuissants face au monde qui se fait jour sous nos yeux ; pire, elles font souvent écho à des craintes caduques, tout en éludant les risques patents bien plus graves (traçabilité, développement de techniques neuro cognitives…) Comment s’opposer à la dignité, à l’épanouissement et à l’autonomie de la personne ? L’affirmation de telles postures morales nous laisse impuissants face au monde qui se fait jour sous nos yeux.
Nous invitant à ne pas nous reposer sur des doctrines morales convenues, l’auteur nous offre un marteau pour heurter les principes éthiques qui les fondent, les écouter résonner et entendre leur plénitude, ou leur éventuelle vacuité. A ne pas régler nos comportements sur des principes moraux de convention.
Jean-Gabriel Ganascia est professeur à Sorbonne Université, où il mène des recherches sur l’intelligence artificielle au Laboratoire informatique de Paris 6 (LIP6). Il a présidé le Comité d’éthique du CNRS et a déjà publié divers ouvrages au Seuil, dont le précurseur L’Âme machine (1990) et Le Mythe de la Singularité (2017), qui a connu un réel succès et reçu le prix Roberval.