Avec le réchauffement climatique, les chutes de neige vont se raréfier en montagne au-dessus de 2000 mètres, laissant la place à des « pluies extrêmes ». C’est la conclusion d’une étude publiée ce 28 juin dans la revue Nature. Les chercheurs alertent les pouvoirs publics sur la mise en œuvre de stratégies d’adaptation « robustes » pour parer aux effets dévastateurs sur les inondations, glissements de terrain et érosion des sols.
Une équipe de scientifiques du Laboratoire national Lawrence Berkeley, en Californie — riche de 16 Prix Nobel — s’est penchée sur l’influence du changement climatique sur les régimes de précipitations, en utilisant des données issues d’observations pour la période 1950-2019 et des projections pour les années à venir, jusqu’en 2100. Ils se sont penchés en particulier sur les régions d’altitude (au-dessus de 2000 mètres) aujourd’hui dominées par les chutes de neige, qui vont tendre à laisser place à « des pluies extrêmes » dans un climat qui se réchauffe. En France, les massifs alpins et pyrénéens sont directement concernés par cette alerte.
De précédentes études avaient déjà projeté que le réchauffement climatique allait intensifier toutes les formes de précipitations. Mais contrairement à la neige, les pluies intenses peuvent provoquer de gros dégâts. D’où le recentrage de cette enquête sur ce type précis. « Il est important de regarder les pluies à cause de leurs effets dévastateurs sur les inondations, glissements de terrain et l’érosion des sols« , a expliqué à l’AFP Mohammed Ombadi, du Laboratoire national Lawrence Berkeley, en Californie.
Conclusion principale de ces recherches : « l’augmentation des pluies extrêmes dans les régions de haute altitude de l’hémisphère Nord est amplifiée, avec une moyenne de 15% par degré de réchauffement », soit près du double de ce qui est attendu en plaine, concluent les auteurs. « Cette augmentation des extrêmes pluviométriques n’est pas seulement un phénomène qui se produira d’ici la fin du XXIe siècle, nous le constatons déjà« , ajoute M. Ombadi. « Ce même taux était également évident dans les données de 1950 à 2019. Les extrêmes pluviométriques dans les montagnes ont déjà augmenté et continueront à changer à ce rythme de 15 % ».
Des plans d’adaptation robustes à prévoir
« Nos conclusions désignent les régions d’altitude comme des points chauds vulnérables aux risques futurs liés aux pluies extrêmes, ce qui nécessite des plans d’adaptation robustes« , ajoutent-ils. « On ne peut pas concevoir des infrastructures en se fondant sur les conditions du passé si on veut s’assurer qu’elles demeurent durables dans un climat plus chaud« , insiste Mohammed Ombadi.
Concrètement, il suggère de prendre en compte l’augmentation des pluies extrêmes pour la conception et la construction d’infrastructures (barrages, routes, voies ferrées) ou encore pour affiner les évaluations de risques de glissement de terrain.
Le risque ne concerne pas que les montagnes mais aussi les régions en aval, qui abritent au total un quart de l’humanité. Les récentes inondations dans l’ouest des Etats-Unis ou celles, historiques, au Pakistan l’an dernier « pourraient avoir été partiellement le résultat de pluies extrêmes intensifiées à haute altitude », en combinaison d’autres facteurs, avance Mohammed Ombadi.
« Nos résultats ont révélé une relation linéaire entre le niveau de réchauffement et l’augmentation des précipitations extrêmes : Par exemple, un réchauffement de 1° entraîne, en montagne, une augmentation de 15 % des précipitations, tandis qu’un réchauffement de 3° entraîne une augmentation de 45 % des précipitations« , a déclaré M. Ombadi. Il tient à souligner : » Pour moi, cette étude montre qu’il est nécessaire d’investir dans des solutions propres [ de réduction des émissions de gaz à effet de serre] et de commencer à se préparer dès maintenant aux conséquences du réchauffement« .
Image d’en-tête : Jenny Nuss/Berkeley Lab