Alors que les négociateurs préparent un texte d’accord pour la COP21 qui doit installer un nouveau régime climatique, la communauté scientifique internationale se rassemble à Paris pendant quatre jours, du 7 au 10 juillet, sous l’égide d’institutions scientifiques mondiales (ICSU [Conseil mondial pour la science] et FutureEarth [programme international sur le changement global et le développement durable]), et à l’initiative des institutions françaises de la recherche. Plus de 2000 experts se réuniront autour de 160 ateliers et panels organisés pour faire le point sur le dernier état de la recherche en matière de climat.
Le Giec, le groupe des experts climat de référence, qui a publié en 2014 la dernière synthèse de la recherche mondiale, a montré que « la température des surfaces terrestre et océanique a crû globalement de près de 1ºC (depuis le début du 20e siècle), et que dans certaines parties d’Afrique, d’Asie, d’Amérique du nord et du sud, la hausse va jusqu’à 2,5ºC, a rappelé M. Ban. Et le Giec nous dit que nous allons vers un réchauffement de 5-6ºC si rien n’est fait ».
« Il est clair » que les engagements de réduction des gaz à effet de serre publiés depuis mars par les Etats dans le cadre des négociations « ne suffiront pas à nous permettre de garder l’objectif de +2ºC ». « Il est essentiel d’avancer sur les financements, la confiance, les connaissances, les technologies… », avait énuméré le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, lors d'une précédente conférence sur le réchauffement climatique.
Les scientifiques avaient rappelé que pour rester sous 2ºC, le monde devra réduire de 40 à 70 % les émissions de gaz à effet de serre d’ici 2050 et arriver à la « neutralité carbone » à la fin du siècle.
L'Iddri, membre actif sur la gouvernance mondiale du changement climatique
L’Iddri, membre du comité d’organisation de la conférence, est aussi co-organisateur de plusieurs sessions, notamment celles sur la gouvernance mondiale, l’articulation du régime climatique avec les négociations commerciales, ou celles sur le financement du développement durable qui sera discuté la semaine suivante à Addis-Abeba (13-16 juillet), et est mobilisé pour l’organisation du dialogue entre les scientifiques et les autres acteurs, pour qu’ils échangent sur les progrès récents en matière de connaissances et sur les questions de recherche prioritaires pour l’agenda scientifique de l’après 2015. (Voir les différentes interventions de l’Iddri.)
Quel est l’enjeu de cette conférence rassemblant près de 2000 chercheurs ?
Tout d’abord, faire le point des avancées scientifiques qui ont émergé depuis le dernier rapport du GIEC, publié en 2014.
Ensuite, prendre acte du fait que les scénarios et les stratégies futurs mêlent inévitablement et inextricablement les enjeux d’adaptation et d’atténuation, de manière transversale aux trois groupes du GIEC.
Enfin, montrer la diversité des démarches et des disciplines scientifiques aujourd’hui mobilisées sur l’enjeu du changement climatique : climatologie, écologie, économie, sciences politiques, sociologie de l’innovation ou encore psychologie comportementale ; de plus, parmi les quelque 160 sessions organisées, nombre d’entre elles illustrent des modalités diverses de co-construction du diagnostic des problèmes mais aussi des solutions pour y répondre avec des acteurs de natures diverses : gouvernements nationaux ou autorités locales, entreprises, ONG…
En effet, le message le plus fort que cette conférence peut envoyer en direction des gouvernements, qui vont devoir s’accorder sur un nouveau régime climatique et s’assurer de sa mise en œuvre, c’est que l’agenda de la recherche sur le changement climatique s’est progressivement déplacé de l’alerte et de l’appel à agir à l’anticipation stratégique des options pour l’action.
Coordonner les politiques de l'après 2015
La gouvernance internationale du climat après 2015 devrait s’organiser autour d’un mécanisme de coordination des politiques climatiques nationales de l’ensemble des pays de la planète, encore insuffisamment ambitieuses aujourd’hui, et d’engagements des collectivités locales ou des acteurs privés, montrant qu’une grande diversité de démarches d’innovation pour les solutions est en marche, même si elles ne sont pas encore à l’échelle.
Le rôle de la communauté scientifique sera essentiel, dans cette perspective, pour s’assurer que la gouvernance internationale du climat s’organise bien comme un processus d’apprentissage collectif, permettant d’augmenter régulièrement et rapidement l’ambition de ces engagements, et donnant de la crédibilité aux engagements des acteurs étatiques et non étatiques.
Pour qu’il y ait un apprentissage collectif, la communauté internationale a besoin d’une fonction d’évaluation indépendante. Les nombreux scientifiques réunis à Paris montrent qu’ils sont déjà en train de le faire. Il faut non seulement évaluer les performances des politiques et des stratégies mises en œuvres ou envisagées, mesurer l’écart aux objectifs et les marges de progrès ou d’innovation, mais aussi repenser les cadrages des problèmes tels qu’ils sont actuellement posés pour pouvoir imaginer de nouvelles pistes de solutions, et inventer de nouveaux cadres pour l’action individuelle ou collective.
(Source : Lettre de l'Iddri Juillet 2015)