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Iles Kerguelen
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La France vient de doubler sa superficie. Comment ? Pourquoi ?

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La France vient de gagner 579 000 km², soit à peu près l’équivalent de la superficie de l’Hexagone, du jour au lendemain ! Cela revient à faire de la France la deuxième puissance mondiale en termes de superficie. Cela ne se voit pas immédiatement quand on observe un planisphère. La France y occupe la taille d’un confetti. C’est sans compter sur nos territoires d’Outre-mer et les étendues maritimes qui y sont liées.
 
Quatre décrets ont été publiés fin septembre au Journal Officiel fixant les limites extérieures du plateau continental français au large de la Martinique et de la Guadeloupe (8.000 km2), de la Guyane (72.000 km²), des îles Kerguelen (423.000 km²) et de la Nouvelle-Calédonie (76.000km²). Avec ses territoires d’outre-mer, la France compte 11 millions de km² de Zone économique exclusive (ZEE), soit la deuxième place en termes de puissance maritime juste derrière les Etats-Unis (11,3 millions de km²).
 
La France a publié ces décrets en application de la convention dite de Montego Bay (1982) qui permet aux pays côtiers d’étendre leur souveraineté au-delà des 200 milles marins de leur ZEE  (Zone Economique Exclusive) jusqu’à une limite maximale de 350 milles. Seule condition : que le pays démontre que son territoire terrestre, aussi appelé plateau continental, se prolonge sur le fond des océans.
 
 
 
Pour gagner ces centaines de milliers de km², géographes et géologues sont appelés à déployer toute leur science afin d’apporter la preuve que le plateau continental d’un pays se prolonge naturellement sous les eaux, par exemple sous la forme d’une chaîne de montagnes ou d’un sol caractéristique. La France a ainsi déposé quelque onze dossiers ces dernières années faisant valoir ses prétentions sur 579 000 km² selon des critères géologiques. Et ce n’est pas fini puisque la France attend la décision de la Commission des limites du plateau continental (CLPC) pour La Réunion (océan Indien), Wallis et Futuna (Pacifique) et Saint Pierre-et-Miquelon (Atlantique nord). Par ailleurs, un dossier doit encore être déposé pour la Polynésie française. Si la CLPC accède à toutes les demandes françaises, ce sera au moins un million de km² qui viendra accroître la surface du domaine maritime sous juridiction française. La France détiendra alors le titre de première puissance maritime mondiale.
 
 
 
Un pari sur l’avenir
 
Les droits d’un Etat sur cette zone ne s’exercent cependant que sur le sol et le sous-sol marin et non sur la colonne d’eau, qui reste du domaine international. « Il y a sûrement un enjeu de souveraineté, mais l’enjeu principal c’est l’exploitation des ressources du sol et du sous-sol marin« , explique à l’AFP Walter Roest, ancien responsable auprès de l’Ifremer du programme national d’extension raisonnée du plateau continental (Extraplac), et aujourd’hui membre de la Commission des limites du plateau continental (CLPC).
Cette démarche est donc un pari sur l’avenir en espérant que l’exploitation de ces sous-sols tienne les promesses de richesses qu’on leur suppose. « On travaille vraiment pour les générations futures« , assure-t-on au ministère des Affaires étrangères.
 
Pari, car on ne sait pas très bien ce qu’il y a dans ces fonds marins. En effet, les explorations et prospections sont quasi inexistantes. Ce que l’on sait, c’est que les plateaux continentaux concernés peuvent recéler plusieurs sortes de richesses : hydrocarbures, sulfures hydrothermaux, encroûtements cobaltifères, nodules polymétalliques, ressources biologiques ou terres rares, des métaux au cœur des nouvelles technologies. Les appétits sont donc ouverts même si l’on sait que l’exploration sous-marine coûte, dans l’état actuel des technologies, très cher.  Des ressources futures qui devront de surcroît s’acquitter d’une taxe pouvant aller jusqu’à 12% des profits issus de l’exploitation de ces ressources et destinée à venir en aide aux pays en développement.
 
Des explorations prometteuses
 
L’Ifremer, à la demande et sous le patronage de l’Etat français, a mené trois campagnes d’exploration, conduites en 2010, 2011 et 2012 dans l’océan Pacifique à Wallis-et-Futuna, entre Tahiti et la Nouvelle-Calédonie. Elles se sont révélées prometteuses, notamment du fait de la présence de sulfures hydrothermaux, riches en métaux et terres rares. Par comparaison avec le domaine minier terrestre où un délai d’une quinzaine d’année s’étend entre la première phase d’exploration et l’exploitation, le projet Wallis-et-Futuna pourrait, selon Rémi Erelman dans un article pour Asie21,  devenir à horizon 2030 le premier projet d’exploitation minière par grands fonds de la France.
 
Encroûtement cobaltifère © Ifremer
 
La France est intéressée par les encroûtements cobaltifères (cobalt, nickel, platine et manganèse), dont les plus riches dans la ZEE française sont localisés en Polynésie. On y trouve également des métaux critiques (terres rares). Outre l’indium et le germanium, la France pourrait exploiter des gisements de cadmium, antimoine, mercure, sélénium, molybdène et bismuth.
 
L’Ifremer a lancé fin 2009 un travail de réflexion prospective sur les ressources minérales marines à l’horizon 2030 autour de 24 partenaires représentant les principaux acteurs du secteur français : ministères, industriels, instituts de recherche, universités, agences spécialisées et représentants de la Commission Européenne.
La question centrale de cette analyse prospective est celle du potentiel des principales ressources minérales marines profondes (minerais métalliques et hydrogène naturel) présentant un enjeu stratégique pour la France et l’UE. L’objectif : identifier les enjeux, le potentiel de ces ressources, les conditions d’émergence de leur exploitation et de leur valorisation à moyen terme afin d’identifier et engager les partenariats et les programmes stratégiques adaptés.
 
Enjeux de souveraineté
 
La France a augmenté ses zones d’exclusivité économique sur les fonds marins mais ces zones doivent maintenant être surveillées sous peine d’être pillées. La souveraineté de la France sur certains de ses îlots est en effet contestée : Clipperton, dans l’océan Pacifique, les îles Eparses dans l’océan Indien, Matthew et Hunter, deux petites îles inhabitées du Pacifique-Sud, à 300 km à l’est de la Nouvelle-Calédonie.
 
Pour l’instant, la France a investi une somme très modeste pour étendre son plateau continental : 25 millions d’Euros. Ce n’est pas le cas d’autres pays qui misent sur ces ressources venues du fond des mers. C’est le cas du Japon qui a investi 750 millions d’euros dans cette démarche. L’enjeu est de taille et produit des conflits larvés mais néanmoins virulents entre le pays du soleil levant et ses voisins notamment la Chine. Tokyo et Pékin s’affrontent en effet au sujet de la délimitation de leurs zones de souveraineté respectives.
 
Des navires gouvernementaux chinois croisent  dans les eaux territoriales d’îles de mer de Chine orientale administrées par le Japon mais revendiquées par Pékin. © Sam Yeh afp.com
 
Tokyo se fonde sur l’application des principes relatifs à l’établissement de la zone économique exclusives (ZEE) autorisant un État côtier à exercer ses droits souverains en matière d’exploration et d’usage de ressources au-delà d’une zone située à la limite extérieure de la mer territoriale et adjacente à celle-ci, jusqu’à 200 milles marins des lignes de base (370,4 kilomètres).
Pékin quant à elle s’appuie sur les principes relatifs à la délimitation du plateau continental juridique permettant aux États côtiers d’étendre leurs frontières aux bords du sous-sol marin du plateau continental, à une distance maximale de 350 milles marins (648,2 kilomètres) des lignes de base en fonction de la morphologie et la géologie de la marge continentale. De cette manière Pékin entend exercer ses droits souverains relatifs à l’exploration et à l’exploitation des ressources naturelles des fonds marins et de leur sous-sol à l’exclusion des eaux surjacentes. La zone revendiquée par la Chine est aussi proche des îles formant l’archipel japonais en raison de la particularité du sous-sol marin de la mer de Chine orientale. Celui-ci est constitué d’une vaste étendue sous-marine finissant par sombrer dans la fosse d’Okinawa.
Les conséquences d’un tel découpage, autant sur la jouissance des richesses naturelles de la zone litigieuse (exploitation des champs d’hydrocarbures supposés) que sur l’occupation d’une position stratégique dans cette zone de géoconfluences majeures (routes du commerce maritime), exacerbent les relations politiques entre les deux puissances.
 
Photo : Iles Kerguelen © AFP/Archives – Sophie Lautier
 
 

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