Le monde doit intensifier ses préparatifs pour faire face à la chaleur extrême, qui pourrait frapper plus vite et plus fort que prévu, y compris en Europe, a averti un groupe d’éminents climatologues à la suite des températures anormalement élevées enregistrées au Canada et aux États-Unis.
Le dôme de chaleur qui s’est formé la semaine dernière au-dessus de la Colombie-Britannique, de l’État de Washington et de Portland, dans l’Oregon, a battu les records de température quotidiens de plus de 5°C à certains endroits, un pic qui aurait été considéré selon les experts comme impossible il y a deux semaines, ce qui suscite des inquiétudes quant à la possibilité que le climat ait franchi un seuil dangereux.
Une première analyse de la canicule, publiée ce 7 juillet, a révélé que le changement climatique d’origine humaine a multiplié au moins par 150 la probabilité de ces conditions météorologiques extrêmes. Les températures augmentent dans le monde entier en raison des émissions de gaz à effet de serre et les scientifiques prédisent depuis longtemps que les records de chaleur seront battus de plus en plus fréquemment.
Mais les auteurs de la nouvelle étude ont déclaré que la dernière vague de réchauffement dépassait même les pires scénarios des modèles climatiques. Cela les oblige à revoir leur compréhension des canicules et à envisager la possibilité que d’autres régions du monde, dont la France, subissent des soubresauts de température similaires.
« C’est de loin le plus grand saut que j’ai jamais vu », a déclaré au Guardian le Dr Friederike Otto, directeur associé de l’institut du changement environnemental de l’université d’Oxford, qui est l’un des fondateurs du groupe World Weather Attribution qui a produit la dernière étude. « Nous ne devons absolument pas nous attendre à ce que les vagues de chaleur se comportent comme par le passé… Cela nous indique ce à quoi nous devons nous préparer. »
Le système climatique a-t-il franchi un seuil ?
Il s’agit maintenant de savoir si les zones touchées ont simplement joué de malchance ou si le système climatique a franchi un seuil et est entré dans une nouvelle phase où une petite quantité de réchauffement global de la planète peut provoquer une hausse plus rapide des températures extrêmes. Il n’y a pas encore de consensus scientifique sur ce point, mais les chercheurs vont maintenant étudier d’urgence si d’autres formes de perturbation du climat, comme la sécheresse ou le ralentissement du courant-jet, pourraient amplifier les vagues de chaleur.
Un autre des auteurs du nouvel article, Geert Jan van Oldenborgh, de l’Institut météorologique royal des Pays-Bas, a déclaré que, jusqu’à l’année dernière, les modèles climatiques standard supposaient qu’il existait une limite supérieure aux vagues de chaleur qui se déplaçait environ deux fois plus vite que les tendances générales du réchauffement de la planète. « Nous pensions savoir ce qui se passait… Puis est arrivée cette vague de chaleur qui était bien supérieure à la limite supérieure. Avec les connaissances acquises l’année dernière, c’était un scénario impossible. C’était surprenant et bouleversant », a-t-il déclaré. « Nous sommes maintenant beaucoup moins sûrs des canicules que nous l’étions il y a deux semaines. Nous sommes très inquiets de la possibilité que cela se produise partout, mais nous ne savons tout simplement pas encore quand. »
Les titres récents des médias se sont concentrés sur les États-Unis et le Canada, qui ont atteint un record de 49,6°C à une latitude similaire à celle de Lille. Plus de 500 décès ont été liés à la chaleur, qui a également provoqué des feux de forêt, des inondations dues à la fonte des glaciers, des coupures de courant et des routes déformées. Les scientifiques ont souligné que des tendances de réchauffement similaires pouvaient être observées dans de nombreuses autres régions du monde. Il y a d’abord eu la vague de chaleur qui s’est abattue sur la Russie fin juin, faisant tomber un record vieux de 120 ans à Moscou, où le thermomètre est monté jusqu’à 34,7°C, tandis que les satellites européens Copernicus enregistraient des températures au sol supérieures à 35 °C en Sibérie. Il y a ensuite eu l’ouest du Canada et des États-Unis, qui a cuit sous un dôme de chaleur avec des températures avoisinant les 50 °C. Ces derniers jours, le Grand Nord de l’Europe suffoque lui aussi sous des températures frôlant les 35 °C dans l’Arctique. Et maintenant, c’est au tour du Maghreb et l’Espagne de subir une vague de chaleur, avec des températures qui pourraient osciller entre 48° et 50°C.
La France épargnée, pour l’instant
Cette vague de chaleur n’atteindra en revanche pas la France, qui reste pour l’instant sous « l’influence de dépressions creuses très actives apportant de l’air océanique », explique François Gourand, ingénieur prévisionniste à Météo-France. Cette dépression, qui s’est creusée au large de la Bretagne, s’est accompagnée de rafales records pour la saison dans le Finistère et dans la Manche (notamment 113 km/h à Brest et 139 km/h à la Pointe du Raz). Mais c’est aussi ce système dépressionnaire qui fait que pendant que l’Espagne et le Maroc vont cuire, il fait plutôt frais sur le nord de la France. Mais cette fraîcheur ne va pas durer éternellement. Le puissant anticyclone qui stagne actuellement entre l’Espagne et le Maghreb avec son air brûlant « va bien finir par nous atteindre », prévient François Gourand.
L’impact du changement climatique se manifeste aujourd’hui dans une large mesure par la forte intensité et la fréquence des vagues de chaleur. Les coûts – en termes de décès, de maladies, d’heures de travail manquées et de dommages matériels – qui en sont induits augmentent rapidement, a déclaré Maarten van Aalst, du Centre climatique de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge et de l’Université de Twente. « Les canicules sont arrivées en tête du palmarès mondial des catastrophes les plus meurtrières en 2019 et 2020 », fait-il observer.
Le bilan annoncé est probablement sous-estimé car la chaleur est rarement mentionnée sur les certificats de décès. M. Van Aalst exhorte les gouvernements à renforcer les systèmes d’alerte précoce et les contre-mesures aux vagues de chaleur. Les architectes et les urbanistes devraient également concevoir des bâtiments et des centres urbains comportant davantage d’espaces verts et de zones de refroidissement.
Quel scoop !
Ne pas confondre météo et changement climatique. Le dôme de chaleur est un phénomène météo qui a déjà sévit il y a plusieurs dizaines d’années (120 ans pour Moscou ). Ce qui n’empêche pas de se préparer au réchauffement global terrestre qui continue depuis la dernière glaciation, jusqu’à la prochaine, qui remettra tout à zéro. Les modèles informatiques sont programmés dans le sens de la catastrophe, pas étonnant que celle-ci soit mise en avant. Cela démontre notre ignorance et notre manque de recul. Relisez les livres de Emmanuel Le Roy Ladurie dont « Histoire du climat depuis l’an mil » (Flammarion 1967).… Lire la suite »
N’assimilez pas les dérèglements actuels à des cycles climatiques redondants (optimum, cycles de Milankovitch, …) Ce n’est, ici, absolument pas le cas. L’origine anthropique du réchauffement actuel fait consensus (peer reviewed) chez 97% des spécialistes.