La criminalité environnementale est la quatrième activité criminelle la plus importante au monde et est considérée comme l’une des principales sources de revenus du crime organisé aux côtés de la drogue, des armes et de la traite des êtres humains. Dans le but de lutter contre l’augmentation des infractions pénales environnementales, qui augmente de 5 à 7 % par an dans le monde, la Commission a présenté une proposition (1) visant à renforcer la protection de l’environnement dans l’UE par le droit pénal en décembre 2021. Ce Jeudi 16 novembre, le Parlement européen et le Conseil sont parvenus à un accord provisoire sur une mise à jour des règles de l’UE en matière de criminalité environnementale et des sanctions qui en découlent.
Le Parlement européen et le Conseil sont tombés d’accord sur une rédaction commune de la proposition de directive sur la protection de l’environnement par le droit pénal que la Commission européenne avait présentée en décembre 2021. Le texte propose la création de nouvelles infractions portant sur le commerce de bois illégal, le recyclage illégal des navires, le captage illégal de l’eau, le non-respect des législations de l’UE sur les produits chimiques, le défaut d’évaluation environnementale, l’épuisement illégal des ressources en eau,… faisant passer de 9 à 18 le nombre d’infractions visées par la directive.
Les nouvelles règles fournissent une liste mise à jour des actes liés à l’environnement qui sont désormais considérés comme des infractions pénales au niveau européen et des sanctions connexes, afin d’assurer une application plus efficace de la législation environnementale de l’UE.
La liste comprendra encore, entre autres infractions, l’importation et l’utilisation du mercure et des gaz à effet de serre fluorés, l’importation d’espèces invasives, l’épuisement illégal des ressources en eau et la pollution causée par les navires. Les négociateurs du Parlement et du Conseil se sont également mis d’accord sur des sanctions plus strictes pour les infractions dites qualifiées, c’est-à-dire à l’origine de la destruction d’un écosystème ou d’un habitat à l’intérieur d’un site protégé ou de dommages à la qualité de l’air, du sol ou de l’eau. Il s’agirait notamment d’infractions comparables à l’écocide avec des conséquences catastrophiques telles qu’une pollution généralisée ou des incendies de forêt à grande échelle.
Sanctions : emprisonnement et amendes
Les personnes, y compris les représentants d’entreprises, qui commettent des infractions environnementales entraînant la mort peuvent être condamnées à une peine d’emprisonnement de dix ans. Les infractions qualifiées seraient passibles de huit ans de prison, tandis que pour d’autres infractions pénales, en fonction de facteurs tels que la durabilité, la gravité ou la réversibilité du dommage, la peine serait de cinq ans d’emprisonnement.
Les contrevenants peuvent également faire face à d’autres sanctions, comme des amendes et l’obligation de restaurer l’environnement endommagé ou d’indemniser les dommages causés. Les mêmes sanctions peuvent être attendues pour les entreprises, en plus du retrait des licences, de l’interdiction d’accès au financement public ou d’une fermeture. Après transposition, les États membres pourront choisir de prélever des amendes correspondant à 3 ou 5 % du chiffre d’affaires annuel mondial, en fonction de la nature de l’infraction, ou de prélever des montants fixes de 24 ou 40 millions d’euros.
« Des peines d’emprisonnement sont prévues pour les représentants d’entreprises polluantes », précise aussi le rapporteur du texte au Parlement, Antonius Manders. Des mesures complémentaires, telles que l’obligation de remise en état de l’environnement, l’exclusion des financements publics ou le retrait des autorisations d’exploiter, pourront également être prises.
Les infractions « qualifiées », commises intentionnellement et provoquant des dommages particulièrement graves à l’environnement, feront l’objet de sanctions renforcées. « Il s’agirait notamment d’infractions comparables à l’écocide avec des conséquences catastrophiques telles qu’une pollution généralisée ou des incendies de forêt à grande échelle » précisent les services du Parlement.
Protection et formation des lanceurs d’alerte
Les députés ont également veillé à ce que les personnes signalant des infractions bénéficient d’un soutien, que les magistrats, les procureurs, la police et les autres personnels judiciaires suivent une formation régulière spécialisée et que les États membres organisent des campagnes de sensibilisation pour réduire la criminalité environnementale. Ils peuvent également créer un fonds destiné à soutenir les mesures de prévention et à lutter contre les conséquences des infractions environnementales. Dans le cas d’infractions transfrontières, les autorités nationales seront tenues de coopérer entre elles et avec d’autres organismes, tels qu’Eurojust, Europol ou le Parquet européen. Les États membres seront également tenus d’élaborer des stratégies nationales de lutte contre la criminalité environnementale et de collecter des données statistiques connexes, tandis que la Commission européenne devra régulièrement mettre à jour la liste des infractions pénales.
À la suite de l’accord, le rapporteur Antonius Manders (PPE, NL), a déclaré : « Nous avons négocié avec succès la tolérance zéro à l’égard de la criminalité environnementale qui a d’énormes conséquences sur la santé humaine et l’environnement. Il est essentiel que nous luttions contre ces crimes transfrontaliers au niveau européen avec des sanctions harmonisées, dissuasives et efficaces pour prévenir de nouvelles infractions environnementales. La prévention est essentielle, et c’est pourquoi nous avons souligné la nécessité de développer les ressources, la recherche, la formation et les campagnes de sensibilisation ciblant à la fois le secteur public et le secteur privé. Il n’y a plus de moyens de déroger à la règle, que ce soit grâce à des permis ou des vides juridiques : cette loi est à l’épreuve du temps, ce qui signifie que la liste des infractions sera tenue à jour. Si vous polluez, vous paierez pour vos crimes; les entreprises responsables paieront des amendes et des peines d’emprisonnement sont prévues pour les représentants d’entreprises polluantes. »
La proposition de directive doit maintenant être formellement approuvée par la commission des affaires juridiques puis en séance plénière du Parlement dans son ensemble, ainsi que par le Conseil, puis publiée au Journal officiel de l’UE, avant qu’il puisse entrer en vigueur 20 jours après cette publication. Aux États membres d’agir ensuite …
Pour aller plus loin :
- Livre « Qu’est-ce que le crime environnemental ? » de Grégory Salle – Editions du Seuil/ Collection Anthropocène – 288 pages
- Livre « « Criminels climatiques. Enquête sur les multinationales qui brûlent notre planète », de Mickaël Correia – Editions La Découverte -188 pages