C’était pas une bonne idée de découvrir ce samedi la décision du gouvernement de fixer à 5 ou 10 mètres la distance minimale entre les habitations et les zones d’épandage de pesticides. J’étais en pleine lecture du livre « Psychologie de la connerie » (1). Et là, on nage en plein surréalisme … Un arbitrage « dénoncé comme minimaliste par les écologistes et les associations ». « Le bon sens est la chose du monde la mieux partagée » écrivait Descartes. Et la bêtise, alors ?
« Le gouvernement va soumettre à consultation ce lundi 9 septembre un projet de décret qui part des recommandations scientifiques de l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire) », a indiqué samedi un porte-parole de ministère de l’Agriculture à l’AFP.
La distance minimale à respecter proposée est de 10 mètres pour les « substances les plus dangereuses », précise un communiqué commun des ministères de la Transition écologique, de la Santé et de l’Agriculture. Pour les autres produits, elle sera de 5 mètres pour les cultures dites basses, comme les céréales et de 10 mètres pour les cultures hautes, telles que les vignes.
L’Anses a recommandé en juin de mettre en place des distances de sécurité « au moins égales » à 3, 5 et 10 mètres entre les cultures et les bâtiments habités, selon le type de culture et le matériel utilisé pour la pulvérisation. Des distances « supérieures » devraient être respectées « par mesure de précaution, en particulier pour les produits classés cancérogène, mutagène ou toxique pour la reproduction ».
« C’est la première fois qu’on va mettre en place des distances minimales et on est un des seuls pays à le faire », a déclaré à l’AFP la ministre de la Transition Ecologique Elisabeth Borne, précisant que « des chartes seront discutées localement pour adapter ces distances ».
Dans notre papier du 3 septembre dernier, nous expliquions que Daniel Cueff, le maire de Langouët, commune de 602 habitants, avait pris en mai dernier un arrêté interdisant l’utilisation de produits phytopharmaceutiques « à une distance inférieure à 150 mètres de toute parcelle cadastrale comprenant un bâtiment à usage d’habitation ou professionnel ». Mais cet arrêté anti-pesticides est attaqué en justice par la préfecture d’Ille-et-Vilaine. D’où une fronde nationale de 25 personnalités du monde associatif qui signaient une tribune dans le journal Le Monde soutenant les maires faisant preuve de ce même courage.
Pourquoi ne pas profiter d’une lecture illimitée de UP’ ? Abonnez-vous à partir de 1.90 € par semaine.
On marche sur la tête !
Depuis quand les pesticides s’arrêtent-ils à une frontière « aérienne » ? A 5 mètres, à 10 mètres des écoles et des habitants ? L’épandage de pesticides est volatile, donc dangereuse, point.
Enlever 150 m de parcelle cadastrale aux agriculteurs n’est pas non plus une bonne idée car, comme l’explique à l’AFP Christian Durlin, administrateur de la FNSEA, « la mise en place de zones de non-traitement est synonyme de retraits importants de terres agricoles, ce qui représente un manque à gagner très important, surtout dans les zones périurbaines. » Et d’ajouter « Nous pensons qu’il faut surtout se baser sur d’autres alternatives ». Et comment donc !
Dans son avis, l’Anses recommande « de généraliser des dispositifs limitant la dérive des pesticides ».
Emmanuel Macron avait affirmé en août « soutenir dans ses intentions » l’élu de Languoët, mais le ministre de l’Agriculture, Didier Guillaume, s’en mêlait mercredi dernier affirmant qu’il n’était « pas question » d’instaurer une zone d’exclusion pour les pesticides. Bref, des aller-retour incohérents et précipités, sans réflexion aucune. Des œillères politicardes immunisées contre l’hésitation, immunisés de leur bon droit, qui vous font prendre leurs décisions pour des vérités gravées dans le marbre, alors que tout ceci se construit sur du sable. Ou plutôt sur de la terre agricole, essentielle à notre alimentation et notre santé.
La légèreté des décideurs est un véritable fardeau que nous devons supporter au quotidien. Comme l’explique le mouvement EELV, « Au-delà de l’entêtement de ce gouvernement à défendre les positions de la FNSEA et des lobbies, qui estiment qu’il faut se prononcer « au cas par cas » pour, à terme, ne rien faire, ne faut-il pas au contraire chercher à préserver en priorité la santé de nos enfants et concitoyens devant les intérêts d’une poignée d’agriculteurs qui ont décidé de ne rien changer ? Préserver la qualité de l’air, de l’eau et de la biodiversité, alors que nous vivons une crise climatique et environnementale qui s’annonce sans précédent, est une urgence ! À quand un véritable plan de sortie totale des pesticides comme le réclament depuis longtemps les écologistes, à rebours des programmes « écophyto » qui se succèdent sans aucun effet si ce n’est l’augmentation de l’usage des produits phytosanitaires sur notre territoire ? »
A l’invitation du maire du 2è arrondissement de Paris, Jacques Boutault, et du secrétaire général d’Agir pour l’Environnement, Jacques Caplat, une réunion est organisée ce lundi 9 septembre pour un débat avec le Maire de Langouët sur le thème « Interdisons les pesticides à proximité des habitations »
Lundi 09 septembre à 19h30 – Mairie du 2ème (Paris) (Inscription obligatoire).
(1) Psychologie de la connerie – Sous la direction de Jean-François Marmion – Editions Sciences Humaines, 2018
Nous avons un message pour vous…
Dès sa création, il y a plus de dix ans, nous avons pris l’engagement que UP’ Magazine accordera au dérèglement climatique, à l’extinction des espèces sauvages, à la pollution, à la qualité de notre alimentation et à la transition écologique l’attention et l’importance urgentes que ces défis exigent. Cet engagement s’est traduit, en 2020, par le partenariat de UP’ Magazine avec Covering Climate Now, une collaboration mondiale de 300 médias sélectionnés pour renforcer la couverture journalistique des enjeux climatiques. En septembre 2022, UP’ Magazine a adhéré à la Charte pour un journalisme à la hauteur de l’urgence écologique.
Nous promettons de vous tenir informés des mesures que nous prenons pour nous responsabiliser à ce moment décisif de notre vie. La désinformation sur le climat étant monnaie courante, et jamais plus dangereuse qu’aujourd’hui, il est essentiel que UP’ Magazine publie des rapports précis et relaye des informations faisant autorité – et nous ne resterons pas silencieux.
Notre indépendance éditoriale signifie que nous sommes libres d’enquêter et de contester l’inaction de ceux qui sont au pouvoir. Nous informerons nos lecteurs des menaces qui pèsent sur l’environnement en nous fondant sur des faits scientifiques et non sur des intérêts commerciaux ou politiques. Et nous avons apporté plusieurs modifications importantes à notre expression éditoriale pour que le langage que nous utilisons reflète fidèlement, mais sans catastrophisme, l’urgence écologique.
UP’ Magazine estime que les problèmes auxquels nous sommes confrontés dans le cadre de la crise climatique sont systémiques et qu’un changement sociétal fondamental est nécessaire. Nous continuerons à rendre compte des efforts des individus et des communautés du monde entier qui prennent courageusement position pour les générations futures et la préservation de la vie humaine sur terre. Nous voulons que leurs histoires inspirent l’espoir.
Nous espérons que vous envisagerez de nous soutenir aujourd’hui. Nous avons besoin de votre soutien pour continuer à offrir un journalisme de qualité, ouvert et indépendant. Chaque abonnement des lecteurs, quelle que soit sa taille, est précieux. Soutenez UP’ Magazine à partir d’1.90 € par semaine seulement – et cela ne prend qu’une minute. Merci de votre soutien.
Plutôt que poser la question des 5 , 10 m ou même 150 m se poser la question : « Manger 5 fruits et légumes par jour ! » … avec ou sans pesticides ? En rapport avec votre article, une série de dessins clin d’oeil à l’oeuvre de René Magritte « Ceci n’est pas une pomme ». La légende diffère cependant. Sous l’image d’un fruit ou d’un légume la liste exhaustive des produits phytosanitaires que contiennent pommes, fraises, pomme de terre … : » Ceci est du Abamectine , Acequinocyl , Clofentézine , Etoxazole … » A découvrir la série en cours de réalisation… Lire la suite »
Plutôt que poser la question des 5 , 10 m ou même 150 m se poser la question : « Manger 5 fruits et légumes par jour ! » … avec ou sans pesticides ? En rapport avec votre article, une série de dessins clin d’oeil à l’oeuvre de René Magritte « Ceci n’est pas une pomme ». La légende diffère cependant. Sous l’image d’un fruit ou d’un légume la liste exhaustive des produits phytosanitaires que contiennent pommes, fraises, pomme de terre … : » Ceci est du Abamectine , Acequinocyl , Clofentézine , Etoxazole … » A découvrir la série en cours de réalisation… Lire la suite »