L’empreinte humaine est partout sur l’eau douce du monde. Une nouvelle étude publiée ce 3 mars dans la revue Nature montre que si les sources d’eau douce contrôlées par l’homme représentent une part minime des étangs, lacs et rivières du monde, elles sont responsables de plus de la moitié des changements du système hydrique de la Terre.
L’étude a utilisé une nouvelle technologie laser par satellite pour examiner de plus près les sources d’eau douce dans le monde et surveiller leur niveau d’eau au cours des différentes saisons. Grâce au satellite ICESat-2 de la NASA, les chercheurs ont surveillé plus de 227 000 masses d’eau douce, allant de grands lacs à de minuscules étangs, sur une période d’environ un an et demi. Les chercheurs ont découvert que 57% de la variabilité saisonnière du stockage de l’eau dans le monde se produit dans des réservoirs contrôlés par l’homme.
L’empreinte de l’homme sur l’eau
« Cette proportion est encore plus frappante si l’on considère que les réservoirs ne représentent que 3,9 % des 227 386 lacs analysés dans cette étude », a déclaré Sarah Cooley, de l’Université de Stanford, auteure principale de l’étude. « Alors que le cycle de l’eau est généralement présenté comme un processus naturel, notre constat que les humains sont responsables de la majorité de la variabilité saisonnière du stockage des eaux de surface montre que nous sommes désormais un régulateur clé du cycle de l’eau ».
Avant le lancement de ce satellite en 2018, qui a été conçu à l’origine pour observer les calottes glaciaires et peut recueillir des données extraordinairement détaillées, il était en fait difficile de saisir comment les masses d’eau douce se déplaçaient dans le temps. Sarah Cooley a observé que la plupart des réservoirs contrôlés par l’homme disposent de jauges pour mesurer les niveaux d’eau, mais il n’existe pas de base de données mondiale pour ces mesures. En revanche, peu de lacs et d’étangs disposent de telles jauges.
Première quantification mondiale des ressources en eau
Avant ICESat-2, les satellites ne pouvaient surveiller que quelques centaines de lacs parmi les plus grands du monde. Les données recueillies ici sont donc très intéressantes pour les scientifiques qui travaillent sur les cycles de l’eau douce. « Cette étude fournit la première quantification mondiale de la variabilité du niveau des eaux de surface et de l’influence humaine sur le stockage des eaux de surface », fait valoir Mme Cooley.
En utilisant les mesures de l’altimètre laser du satellite ICESat-2 de la NASA, qui a été lancé fin 2018, les chercheurs ont constaté que la variabilité saisonnière des réservoirs gérés par l’homme est en moyenne de 0,86 mètre, alors que les masses d’eau naturelles ne varient que de 0,22 mètre. La variabilité naturelle du stockage des eaux de surface est la plus importante dans les bassins tropicaux, tandis que la variabilité gérée par l’homme est la plus importante au Moyen-Orient, en Afrique australe et dans l’Ouest des États-Unis. On observe également de fortes tendances régionales, l’influence humaine étant à l’origine de 67 % de la variabilité du stockage des eaux de surface au Sud de 45 degrés Nord et de près de 100 % dans certaines régions arides et semi-arides.
Maintenant que nous pouvons voir comment les cycles de l’eau se comportent dans le monde entier et quel est l’impact des humains sur les réserves d’eau douce, cela peut nous en apprendre beaucoup sur l’avenir et sur la façon d’améliorer la gestion. C’est d’autant plus vital que la crise climatique modifie plus que jamais le cycle de l’eau.
« Que l’homme exerce un contrôle fort sur la variabilité des eaux de surface n’est pas une mauvaise chose en soi », explique Sarah Cooley ; la main de l’homme dans la gestion de l’eau douce est essentielle pour maintenir notre vie sur Terre, notamment pour alimenter les barrages hydroélectriques, irriguer les fermes et, nous donner de l’eau à boire. Mais « l’amplification de la variabilité saisonnière du stockage de l’eau peut certainement avoir des effets néfastes sur l’environnement en augmentant l’évapotranspiration et les émissions de gaz à effet de serre, en dégradant la qualité de l’eau, en ayant un impact négatif sur les écosystèmes et en favorisant l’érosion en aval ».
Menaces sur l’eau
Le changement climatique menace déjà les réserves d’eau douce de la planète. Les principales sources d’eau potable, comme les grands fleuves, ont moins d’eau et s’écoulent plus lentement en raison du changement climatique – alors qu’ils sont confrontés à une demande croissante des exploitations agricoles et des villes gourmandes en eau. Les précipitations deviennent plus irrégulières dans certains endroits du monde comme la Californie, ce qui fait que pendant des années, les infrastructures n’ont pas pu gérer la quantité d’eau nécessaire, et dans d’autres, les réservoirs sont presque à sec.
En décembre, Wall Street a commencé à parier sur l’eau en tant que marchandise, car les vautours financiers considèrent la pénurie d’eau comme une nouvelle opportunité de faire des bénéfices dans les décennies à venir. Avec ces changements – et le risque de profiter d’une ressource naturelle vitale pour la vie – le suivi de ce qui se passe réellement avec l’approvisionnement en eau va être encore plus important.
« Pour assurer la durabilité des ressources en eau douce dans le monde entier, il est cependant précieux de comprendre où les humains exercent le plus de contrôle sur le stockage des eaux de surface, car il peut s’agir de zones qui seront les plus vulnérables à l’avenir », avertit Sarah Cooley.
Source : Earther