Dans un contexte de hausse de la production pour faire face à la croissance de la demande en énergie, le respect de l’environnement doit être préservé. Manon Lamboley, Ingénieur Environnement chez UNITe, fait le point sur les enjeux de concilier respect de l’environnement et développement de l’hydroélectricité en France.
En France, l’hydroélectricité est la première source d’électricité renouvelable du pays et la deuxième source d’électricité après le nucléaire (68 %) et c’est celle qui dispose du plus important parc hydroélectrique de l’Union européenne. Elle couvre environ 10 % de l’électricité consommée en 2022. Dans le monde, l’hydroélectricité constitue la troisième source de production électrique mondiale, derrière le charbon (40 %) et le gaz (19 %). Elle est encore l’énergie la moins chère, l’une des plus propre et également la plus discrète dans les discours sur la transition écologique. Paradoxalement, l’espace nécessaire à l’installation de grands barrages n’est pas illimité et l’acceptabilité sociale de tels travaux n’est pas résolue. Ces installations ne sont pas non plus sans risques pour la biodiversité. De même, avec la hausse des températures et la baisse consécutive du débit des cours d’eau, les centrales dites « au fil de l’eau » posent la question de leur durabilité.
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L’hydroélectricité en France : état des lieux
Le parc hydroélectrique français se compose de 2 400 centrales hydroélectriques, dont environ 2 300 petites centrales détenues par les producteurs indépendants, EDF et Engie. Elle produit en moyenne 65 TWh par an d’électricité propre, soit trois fois plus que la production éolienne et huit fois plus que la production solaire : petite hydro 6 TWh/an = 1 300 000 foyers ; Grande hydro 65 TWh/an = 14 millions de foyers.
L’Auvergne-Rhône-Alpes, avec 46 % de la puissance installée en France en 2021, fait partie des trois plus grandes régions hydroélectriques, suivie par l’Occitanie avec 21 % de la puissance installée en France en 2021, et la région PACA avec + de 12 % de la puissance installée en France en 2021.
Comment ça fonctionne ?
L’hydroélectricité est l’énergie produite grâce à la force motrice de l’eau qui chute qui, en amont, est dérivée par un barrage. À l’origine, c’est la force mécanique de l’eau qui a été utilisée via les roues à aube. Les premières centrales hydroélectriques apparaissent à la fin du XIXe siècle grâce à l’invention de la dynamo ; elles sont souvent issues de la transformation d’anciens moulins qui étaient utilisés dans l’industrie, notamment celle du papier. L’hydroélectricité est la plus ancienne source de production électrique en France.
Il existe deux grands types de centrales hydroélectriques : de haute ou moyenne chute, elles exploitent un faible débit d’eau avec une dénivellation importante et sont construites en montagne, et de basse chute : elles se caractérisent par un débit d’eau qui peut être important sous un dénivelé plus faible et sont construites dans les plaines.
Une partie du cours d’eau est acheminée vers la centrale via un canal d’amenée et, selon les installations, une conduite. En sortie de la conduite forcée ou du canal d’amenée, l’eau entraîne la rotation de la turbine avant d’être restituée au cours d’eau. La turbine entraîne alors un générateur électrique. Le générateur, couplé à un transformateur, produit de l’électricité qui est mise en circulation sur le réseau de distribution électrique.
Les centrales sont dotées d’équipements permettant le passage des sédiments et la circulation des animaux, en fonction des classements des cours d’eau et biodiversité présente (passe à poissons, à castors…). Un débit minimum, d’au moins 10 % du débit moyen annuel est laissé en permanence dans le cours d’eau afin de garantir durablement et en permanence la vie, la circulation et la reproduction des espèces aquatiques.
Comment répondre à la hausse de consommation ?
Le besoin en énergie augmente, corrélé à une consommation qui ne cesse de croître. Se pose le problème de pouvoir répondre à cette hausse grâce aux ENR : la loi de Transition énergétique impose que 32 % de la consommation soir renouvelable. Mais il n’y a pas de production d’énergie sans impacts, même si la production à base d’ENR semble la plus vertueuse et durable, cela demande à intervenir sur des écosystèmes naturels, faune et flore, qui se situent dans le périmètre de la production d’énergie. A moins de consommer moins, ce qui ne semble pas être à l’ordre du jour, se crée le besoin d’une transition énergétique en adaptation au changement climatique avec production d’énergie renouvelable en union avec son environnement. L’hydroélectricité apparait cocher la plupart des cases et se présente comme une solution pertinente et pérenne pour répondre à cette problématique :
Pour contrer les aspects « négatifs », UNITe applique la méthode ERC : éviter, réduire, compenser
Ce principe implique d’éviter les atteintes à la biodiversité et aux services qu’elle fournit et, à défaut, d’en réduire la portée. Enfin, en dernier lieu, il permet de compenser les atteintes qui n’ont pu être évitées ni réduites, en tenant compte des espèces, des habitats naturels et des fonctions écologiques affectées. Pour cela, il faut conduire des études environnementales de terrain : aquatique, terrestre (parfois forestier, rapaces…)
Eviter : Les mesures envisagées peuvent concerner des choix fondamentaux liés au projet (évitement géographique ou technique). Il peut s’agir par exemple de modifier le tracé d’une conduite ou d’un canal pour éviter une zone Natura 2000 ou des zones d’habitat d’espèces protégées.
Réduire : Suivi environnemental pour voir l’évolution des mesures et des ouvrages. Par exemple, la mise en place de passe à poissons pour la montaison des poissons ou des systèmes de dévalaison. A l’inverse : l’été dernier, très sec, les petites retenues d’eau associées aux barrages ont constitué des refuges favorables à la préservation des différentes espèces aquatiques présentes dans la rivière.
Compenser : Si incidence résiduelle, compensation sur site ou sur un autre site avec plus de résultat/bénéfice attendu
Les solution mises en œuvre pour préserver l’authenticité des lieux
Un bon mix entre débit réservé et débit affecté
Débit réservé : un débit minimum, dit débit réservé, d’au moins 1/10ème du débit moyen annuel du cours d’eau, alimente en permanence le lit de la rivière et permet d’assurer la continuité écologique de la rivière et, le cas échéant, la pratique des autres usages.
Débit affecté : pour les autres usages et loisirs (raft, canoë), soutien d’irrigation, soutien d’étiage en été, dilution de rejet de STEP
Poissons : passes à poissons, dévalaison, turbines ichtyo compatibles
Favorisation de la montaison : la passe à poissons permet aux espèces de franchir le barrage à la remontée, de l’aval vers l’amont
Dévalaison : de l’amont vers l’aval, un plan de grilles plus ou moins fines empêche les poissons de passer dans la turbine et les dévie vers un exutoire qui les redirige vers la rivière en aval de la centrale hydroélectrique.
Manon Lamboley, Ingénieur Environnement chez UNITe