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Les micro-algues constituent une source très prometteuse d’alternative au pétrole et ceci, sans concurrencer l’industrie alimentaire. Pour la première fois, elles ont été utilisées pour faire… du bitume !

Allons-nous vers la création de bio-bitumes pour des routes vertes à base de micro-algues ? Des chercheurs des laboratoires Chimie et interdisciplinarité du CNRS de Nantes, en collaboration avec l’entreprise AlgoSource Technologies, ont apporté la preuve de concept de ce bio-bitume, dont les caractéristiques sont très proches du « vrai » bitume de nos routes. Leurs travaux sont publiés dans le numéro d’avril de la revue ACS Sustainable Chemistry & Engineering.

Les micro-algues sont connues depuis longtemps pour leurs applications comme colorants en cosmétique ou comme compléments alimentaires ; des algues microscopiques aux propriétés très appréciées par les chercheurs et les industriels. Leur raffinage pour produire, par exemple, des biocarburants, est une idée qui a émergé ces dernières années. On fabrique en effet déjà du plastique avec des algues. La production d’énergie à partir de ces micro-algues, en particulier des lipides, peut être transformée en bio-carburants, sachant que les micro-algues produisent des lipides beaucoup plus efficacement que les végétaux terrestres. Le pétrole lui-même étant issu de la biomasse à travers des cinétiques extrêmement lentes. Aujourd’hui, les micro-algues font partie des alternatives prometteuses au pétrole. Avec le développement de procédés efficaces et rentables, de nombreux produits issus de l’industrie du raffinage deviendraient accessibles.

Les micro-algues, une mine d’énergie 

Les micro-algues représentent une matière d’une richesse chimique et d’une capacité de production extrêmement attractives. En prélever une partie, sans nuire aux usages plus nobles de la biomasse, représente une alternative crédible à l’usage de liants bitumineux issus du pétrole.

Les microalgues sont des végétaux complexes, s’éloignant des végétaux terrestres aussi bien de par leur mode de culture que de par leur composition. Ces microorganismes peuplent les océans et cours d’eau douce depuis plus de trois milliards et demi d’années, et leur biodiversité est immense. On estime qu’il existerait entre 200 000 et plusieurs millions d’espèces de micro-algues, réparties selon leur pigmentation ou encore l’organisation des membranes photosynthétiques.

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Cependant, malgré cette large biodiversité, seules quelques espèces sont actuellement cultivées à très grande échelle. Malgré tout, la production mondiale de micro-algues a augmenté de manière exponentielle en 25 ans, passant de 5 tonnes en 1975 à 3 500 tonnes en 2000. Aujourd’hui, elle plafonne à 10 000 tonnes. Ainsi, la production micro-algale mondiale en 2004, toutes espèces confondues, était estimée entre 7 000 et 10 000 tonnes. A titre de comparaison, selon des données de la « Food and Agriculture Organization », la production mondiale de blé la même année était supérieure à 500 millions de tonnes et la production mondiale de macro-algues atteignait les 15 millions de tonnes.
Les micro-algues sont des organismes photoautotrophes, c’est-à-dire que leur croissance est basée sur le processus de photosynthèse : elles nécessitent donc de l’énergie solaire, ainsi que du dioxyde de carbone. La culture à grande échelle de ces micro-organismes pourrait donc permettre de fixer quantitativement du CO2 et participer ainsi de manière positive au bilan carbone global. Leur vitesse de croissance élevée et leur rendement photosynthétique élevé leur permettent d’atteindre des productivités (à l’échelle du laboratoire) nettement supérieures à celles de végétaux photosynthétiques terrestres : « On peut espérer obtenir entre 20 et 30 tonnes d’huile par hectare et par an, contre 6 tonnes avec le palmier et 1 tonne avec le tournesol », assurait Olivier Bernard, directeur de recherches à l’INRIA, lors d’une interview en 2012.

Qu’est-ce que le bitume ?

A l’état naturel, le bitume est retrouvé sous forme d’asphaltes (aussi appelés sables bitumineux). Il s’agit d’un mélange de sable et d’argile minérale (80 à 85%), d’eau (5%), et de pétrole (10 à 15%), dont les éléments les plus légers ont été éliminés naturellement au cours du temps. Les plus grands gisements de bitume naturel sont situés sur l’île de Trinidad, dans la mer des Antilles, et à Alberta au Canada. De nos jours, le bitume est extrait du pétrole à partir de « bruts à bitume ». Ces bruts représentent 10% de la totalité des pétroles extraits.

Depuis l’Antiquité, l’Homme a mis à profit les propriétés hydrophobes de ce bitume naturel (connu sous le nom d’ « asphaltos » chez les Grecs, et sous le nom de « bitumen » chez les Romains), pour assurer l’étanchéité de citernes, de canaux d’irrigation ou encore d’embarcations, pour le jointement de blocs de pierres, mais aussi dans des domaines artistiques, comme par exemple pour la réalisation de statuettes. Il a également été très tôt utilisé dans le domaine de la construction routière puisque des traces datant du 7ème siècle avant J.-C. ont été retrouvées sur le site de l’ancienne Babylone.

Cependant, l’emploi du bitume dans ce domaine s’est principalement développé à partir de la seconde moitié du 19ème siècle, comme outil de lutte contre la poussière engendrée par la circulation sur les chaussées en macadam (technique d’empierrement des chaussées, par dépôt de couches successives de granulométries décroissantes). En 1852, le chimiste belge Edmund J. DeSmedt réalisa la première chaussée revêtue de bitume naturel aux abords de Perpignan. Plus tard, en 1870 dans le New Jersey, puis en 1872, à Washington D.C., les premiers chantiers d’enrobés bitumineux (constitués, de manière simplifiée, de 5% en poids de liant bitumineux et de 95% en poids de granulats) furent mis en place. A la fin de la seconde guerre mondiale, le bitume remplaça définitivement le goudron de houille, hautement cancérigène du fait de ses hautes teneurs en hydrocarbures aromatiques polycycliques.

L’alternative au pétrole

Dans le cadre du programme Algoroute, financé par la région Pays de la Loire, des chercheurs de laboratoires nantais et orléanais (1) ont produit du bio-bitume en valorisant des résidus de micro-algues, issus par exemple de l’extraction de protéines hydrosolubles des algues pour l’industrie cosmétique. Ils ont utilisé un procédé de liquéfaction hydrothermale, plus simplement de l’eau sous pression (à l’état sous-critique) : celui-ci transforme ces déchets de micro-algues en une phase visqueuse noire hydrophobe (bio-bitume) ayant un aspect proche de celui d’un bitume pétrolier (voir la figure ci-dessous). Ce procédé est réalisé avec un rendement de conversion actuel de 55%.

Procédé de fabrication du bio-bitume à base de micro-algues. © Ceisam

Alors que la composition chimique du bio-bitume est complètement différente de celle du bitume issu du pétrole, ils présentent des similarités : la couleur noire et les propriétés rhéologiques (2). Liquide au-dessus de 100°C, le bio-bitume permet d’enrober les agrégats minéraux ; viscoélastique de -20 °C à 60 °C, il assure la cohésion de la structure granulaire, supporte les charges et relaxe les contraintes mécaniques. Des analyses de tenue dans le temps ont débuté, ainsi que des études pour évaluer la rentabilité du procédé dans la perspective d’une production à grande échelle.

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Cette innovation apporte une nouvelle option potentielle pour l’industrie routière, actuellement entièrement dépendante du pétrole. Jusqu’à présent, les bio-bitumes développés intégraient des huiles d’origine agricole (avec l’inconvénient d’entrer en compétition avec la nutrition humaine) ou issues de l’industrie papetière, mélangées à des résines pour améliorer leurs propriétés viscoélastiques. Utiliser des micro-algues, dont la culture ne nécessite pas la mobilisation de terres arables, présente donc une solution attractive.

Equipe de recherche :
Chercheurs des laboratoires Chimie et interdisciplinarité : synthèse analyse modélisation (CNRS/Université de Nantes), Génie des procédés − environnement − agroalimentaire (CNRS/Université de Nantes/ONIRIS/Ecole des Mines de Nantes), Matériaux pour infrastructures de transports (Ifsttar), Conditions extrêmes et matériaux : haute température et irradiation (CNRS), en collaboration avec l’entreprise AlgoSource Technologies.

(1) Chimie et interdisciplinarité : synthèse analyse modélisation (CNRS/Université de Nantes)
– Laboratoire de génie des procédés − environnement − agroalimentaire (CNRS/Université de Nantes/ONIRIS/Ecole des Mines de Nantes)
– Matériaux pour infrastructures de transports (Ifsttar)
– Conditions extrêmes et matériaux : haute température et irradiation (CNRS)
(2) La rhéologie est l’étude de la déformation et de l’écoulement de la matière sous l’effet d’une contrainte appliquée.

Références :
Subcritical Hydrothermal Liquefaction of Microalgae Residues as a Green Route to Alternative Road Binders, Mariane Audo, Maria Paraschiv, Clémence Queffélec, Isabelle Louvet, Julie Hémez, Franck Fayon, Olivier Lépine, Jack Legrand, Mohand Tazerout, Emmanuel Chailleux, Bruno Bujoli,
ACS Sustainable Chemistry & Engineering, volume 3, issue 4, p. 583–590.
DOI: 10.1021/acssuschemeng.5b00088

(Source : CNRS – 8 avril 2015)

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