Le monde doit prendre en compte le coût réel du charbon pour vraiment protéger le climat, selon Angel Gurría de l’OCDE. Dans un précédent article, UP’ faisait état de la démarche commune de mobilisation d’économistes pour souligner le rôle des instruments économiques et de la tarification du carbone dans tout accord international, seule véritable incitation à réduire les émissions de gaz à effet de serre. L’OCDE lance là un pavé dans la mare en alertant sur la ré-utilisaton du charbon comme solution à la transition énergétique…
« Les gouvernements devraient reconsidérer le rôle du charbon dans les approvisionnements énergétiques, car l’ampleur des nouveaux investissements consacrés aux centrales à charbon polluantes représente la menace climatique la plus pressante », a déclaré aujourd’hui le Secrétaire général de l’OCDE, Angel Gurría.
Le charbon produit 40 % de l’électricité mondiale et représentait 44 % des émissions de CO2 en 2012 (830 millions de personnes ont eu accès à l’énergie ces vingt dernières années grâce au charbon). Les experts scientifiques du changement climatique estiment que 88 % des réserves actuelles (ainsi que 35 % des réserves de pétrole et 52 % de celles de gaz) doivent être laissées sous terre pour permettre à la planète de limiter la hausse de la température moyenne à + 2 °C d’ici à 2050. Cet objectif, qui fait consensus au sein de la communauté internationale, doit faire l’objet de l’accord espéré en fin d’année à Paris lors de la conférence sur le climat COP21.
En attendant, les pays devraient procéder à une évaluation plus rigoureuse du coût réel du charbon (l’Allemagne et la Chine notamment). Selon l’OCDE, les prix ne tiennent pas pleinement compte des coûts environnementaux, sanitaires et financiers de ce combustible, beaucoup de centrales électriques aujourd’hui en construction devraient peut-être être fermées avant la fin de leur durée de vie utile, a souligné M. Gurría lors d’une conférence donnée à l’invitation de la London School of Economics (LSE) et d’Aviva Investors, associés à ClimateWise.
S’il s’avère que les énergies de remplacement du charbon sobres en carbone ne sont pas à la portée de certains pays en développement, les pays donneurs devraient mobiliser des financements pour combler l’écart.
« Le charbon n’est pas une énergie bon marché, a noté M. Gurría. Les gouvernements doivent se demander sérieusement si le choix de cette énergie est bénéfique pour les citoyens. » (Lire son allocution dans son intégralité – en anglais)
En l’absence de nouvelles mesures d’atténuation, on estime que la production d’énergie à partir de charbon émettra plus de 500 milliards de tonnes de CO2 entre aujourd’hui et 2050, ce qui représente la moitié environ du « budget carbone » qu’il s’agira de ne pas dépasser pour maintenir l’élévation de la température mondiale en dessous de 2°C.
De manière générale, les contributions des pays à la réduction des émissions après 2020 ne correspondent pas à celles qui seraient nécessaires pour atteindre l’objectif de limitation du réchauffement à moins de 2°C, a mis en garde M. Gurría. Pour lui, le temps presse dans la lutte contre les émissions de carbone, et la COP21 qui aura lieu à Paris en décembre doit signifier de façon claire et crédible que les gouvernements sont déterminés à se montrer plus ambitieux.
« Les contributions prévues à l’atténuation du changement climatique qui sont actuellement présentées par les pays ne permettront pas d’aboutir à la situation voulue en 2030. Il ne suffit pas de parler de processus pour obtenir des résultats. En l’occurrence, c’est un processus sur plus de 20 ans qu’il faudra mener à bien, et pour l’heure, les engagements ne sont tout simplement pas à la hauteur. »
Les investissements soutenus dans le charbon sont l’un des nombreux défauts d’alignement qui existent entre les objectifs climatiques et les politiques suivies par les pays dans d’autres domaines.
Dans un nouveau rapport publié aujourd’hui et intitulé Aligner les politiques pour une économie bas carbone (uniquement disponible en anglais), l’OCDE, l’Agence internationale de l’énergie, l’Agence pour l’énergie nucléaire et le Forum international des transports, montrent comment les défauts d’alignement des politiques menées dans différents domaines – allant de la fiscalité aux échanges en passant par la réglementation des marchés de l’électricité et l’aménagement de l’espace – compromettent l’action en faveur du climat. Les deux tiers des investissements énergétiques réalisés dans le monde sont toujours consacrés aux combustibles fossiles, 50 % des subventions agricoles versées dans les pays de l’OCDE sont préjudiciables au climat, et il existe toute une série de dispositions fiscales qui encouragent la production et la consommation d’énergies fossiles.
Ces incohérences limitent l’efficacité des efforts menés par les pays face au changement climatique et rendent plus coûteuse la transition vers la sobriété carbone. M. Gurría a exhorté les gouvernements à diagnostiquer ces défauts d’alignement et à réfléchir aux mesures à prendre pour les corriger, en commençant par exiger de chaque ministère qu’il rende régulièrement compte de ces politiques qui vont à l’encontre de la réalisation des objectifs climatiques. (Source : OCDE – Juillet 2015)
Pour le pape François, dans son encyclique «Laudato Si» (Loué sois-tu) publié le 18 juin dernier, un consensus mondial est urgent, souhaitant notamment en particulier,[…] le remplacement progressif, «mais sans retard», de la production énergétique basée sur les combustibles fossiles très polluants comme le charbon, mais aussi le pétrole et le gaz… Selon un rapport publié en mars par le réseau de chercheurs Coalswarm et l’ONG américaine Sierra Club, les fermetures de centrales à charbon dans le monde ont été entre 2003 à 2014 de 22 % supérieures aux nouvelles constructions. Et cette évolution ne semble pas près de s’inverser.
– Lire le rapport de Greenpeace « Le coût réel du charbon »