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Le label Haute Valeur Environnementale en agriculture : une occasion manquée et une allégation usurpée

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La création du label HVE (Haute Valeur Environnementale) est parti d’une belle idée en 2007 : réduire fortement les impacts environnementaux de l’agriculture. Cependant, le cahier des charges qui repose essentiellement sur des indicateurs de moyens peu contraignants pour de nombreux système agricoles n’a pas permis de faire baisser la plupart des pesticides… Sa rénovation en 2022 suite à la demande de la Commission Européenne pour donner droit à des primes (« les éco-régimes »), ne change pas vraiment la donne : elle permet d’obtenir des aides en changeant le système agricole à la marge alors que les enjeux environnementaux exigent une véritable transformation.

Une belle intention pour une agriculture écologique

Le Grenelle de l’environnement engagé en 2007 portait une réelle ambition environnementale de l’agriculture en mobilisant tous les acteurs de la société dont les ONG. Des objectifs clairs avaient été fixés : développer l’agriculture biologique avec les objectifs d’aboutir à 20 % de produits biologiques dans la restauration collective en 2012 et passer en agriculture 20 % de la surface agricole en France en 2020, avec une réduction de 50% l’usage des pesticides en 10 ans (plan Ecophyto). Parallèlement, la directive européenne 2009/128/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 a instauré un cadre d’action communautaire pour parvenir à une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable. Elle encourage la mise en place de systèmes de certification environnementale. Ces deux initiatives sont à l’origine du label HVE.

Son nom porte une ambition forte : « haute valeur », à l’image des « plus beaux villages de France » ou du « pavillon bleu » de nos plages. On peut s’attendre à des critères discriminants permettant de ne retenir que les agriculteurs les plus engagés dans l’environnement. « L’Everest » de l’agroécologie en somme. La loi du 12 juillet 2010 parle de modes de production particulièrement respectueux de l’environnement, et le site du Ministère de l’agriculture de préserver l’écosystème naturel et réduire au minimum la pression sur l’environnement (eau, sol, biodiversité). Le logo HVE atteste de l’excellence environnementale. Il vise à faire reconnaitre auprès des consommateurs l’engagement des agriculteurs dans cette transition écologique.

Qu’en est-il 16 ans après, un temps suffisamment long pour espérer et mesurer des résultats ? Les faits sont là. En 2020 l’agriculture biologique ne représentait que 10% de la surface agricole. La part des produits bio dans la restauration collective est estimée à 4,5% en 2019. Et cette même année, la consommation de pesticides avait augmenté de 17% par rapport à 2009. L’Etat a entre-temps repoussé ces échéances mais qui ne seront pas plus atteintes.

Comment en est-on arrivé à un échec aussi cuisant ?

Le label n’a pris réellement son essor qu’en 2017 (figure 1) pour atteindre en 2022 près de 30 000 exploitations certifiées HVE à comparer aux 58 400 en agriculture biologique pour un total de 416 000 exploitations agricoles. Les objectifs n’ont jamais été très clairs si ce n’est d’embarquer un maximum d’agriculteurs. Il est basé sur un calcul de points nécessitant un reporting de « dingue » pour la collecte d’un grand nombre de données concernant la plupart des flux physique de la ferme.  Un organisme tiers agréé effectue le contrôle.

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Ce label est d’une complexité à faire peur à quiconque voudrait comprendre les engagements qu’il porte. Première confusion, la certification porte sur 3 niveaux dont seul le troisième peut prétendre au label HVE. La seconde, jusqu’à fin 2022, porte sur le fait que deux voies sont possibles : la première (voie A) avoir au moins 10 points dans chacun des 4 modules (biodiversité, pesticides, gestion de l’azote, irrigation) et la seconde (voie B) avec un indicateur basé sur des données économiques (rapport entre le coût des intrants et le chiffre d’affaires). A l’agriculteur de trouver la voie la plus facile pour son système. La voie B (14% des fermes certifiées) favorise les systèmes à forte valeur ajoutée comme les viticulteurs en caves particulières.

Qu’en est-il réellement des résultats ? De l’évaluation faite en 2022 on ne retiendra qu’un chiffre : la baisse de seulement 1% de l’usage des pesticides mesuré par l’Indice de Fréquence de Traitement (IFT) issu de l’enquête Pratiques culturales 2019 pour les exploitations viticoles HVE principales bénéficiaires du label (75% des exploitations labellisées) (figure 2). Si l’IFT herbicide baisse bien de 20% passant de 0,5 à 0,4, aucune baisse n’est observée sur l’IFT fongicides et insecticides dont la moyenne française est 11,9. Bref, le nombre de traitement de la vigne est passé de 12,4 à 12,3.

Trois principales raisons sont à l’origine de l’échec environnemental de ce label : l’absence d’une démarche scientifique rigoureuse, le mélange d’obligations de résultats et de moyens (et donc l’absence d’obligation de résultats), et l’absence d’un reporting national annuel pour en mesurer l’impact et améliorer le dispositif.

Un cahier des charges récemment « toiletté » suite à la vive critique de l’Europe

Au printemps 2022, la commission européenne a demandé à la France de revoir sa copie – en l’occurrence le plan stratégique national (PSN), déclinaison de la PAC à l’échelle de l’Hexagone. Dans sa réponse à l’envoi du PSN, fin mars, la Commission notait « avec préoccupation » que le label HVE offrirait un même niveau de rémunération que l’agriculture bio, « alors que [son] cahier des charges est beaucoup moins contraignant ». Elle ajoutait : « Dans ce contexte, il est demandé à la France soit de reporter l’inclusion des options d’accès à l’écorégime par la certification HVE (…) soit de suspendre ces options dans le PSN. » 

La réforme du cahier des charges de janvier 2023 n’a fondamentalement pas renforcé les engagements. Il n’existe toujours pas de conseil scientifique et de guide méthodologique expliquant le choix des indicateurs et leur pondération. Il y aura bien un reporting mais celui-ci ne donnera pas accès aux données sources comme le nombre de traitements pesticides, le surplus de la fertilisation azotée ou la baisse de la consommation d’eau en période d’étiage. En outre, on continue de mélanger des objectifs de résultats (réduire l’usage des pesticides, le surplus d’azote et la consommation d’eau en période d’étiage et augmenter les surfaces en Infrastructures Agroécologiques), et de moyens comme utiliser du matériel aux normes, enregistrer ses pratiques d’irrigation ou utiliser des outils d’aide à la décision. On peut ainsi remplir les moyens sans atteindre les résultats.

Le cahier des charges toiletté met en avant des deux conditions obligatoires. La première est de ne plus utiliser de pesticides CMR1 « cancérigène, mutagène ou reprotoxique ». Mais il n’existe plus que quatre matières actives encore utilisées et qui sortiront du marché avant fin 2023. La seconde est de disposer d’un minimum de 4% de la surface de terres arables en Infrastructures Agroécologiques (IAE). Mais il s’avère que cette condition est déjà obligatoire pour toucher les aides PAC de type « Bonnes Conditions Agro-Environnementales ». Donc au final, ce qui parait être un engagement fort est de fait déjà réalisé par la quasi-totalité des exploitations.

Certains critères ont été renforcés comme passer d’une largeur forfaire des haies de 100 m à 20 m ; ce qui réduit par 5 les surfaces allouées aux haies dans les IAE et oblige donc à plus d’efforts. D’autres critères apportant des points supplémentaires ont été introduits : ne plus utiliser de CMR2 (2 points), prise en compte de la diversité des IAE (2 pts), taille des parcelles (5 pts max), test bêche ou analyse du sol (1 pt), surveillance des parcelles (1 à 3 pts), part de l’azote organique (4 pts max). Le traitement des semences par un pesticide n’est toujours pas pris en compte dans le calcul de l’IFT alors que celui-ci est généralisé dans les grandes cultures.

Bref, avec cette « tambouille » qui est faite pour cacher de vrais engagements de résultats, le nouveau cahier des charges ne contribuera pas à réduire suffisamment l’usage des pesticides pour atteindre l’objectif d’Ecophyto 2, ni l’utilisation de l’eau pour l’irrigation en étiage (juin, juillet, août) d’autant que le pompage à partir d’un lac collinaire ou d’une bassine n’est pas considéré comme un pompage en étiage. Le dispositif HVE n’envisage pas d’interdire les autres molécules les plus impactantes comme le glyphosate ou le S-métolachlore. Il ne permet pas non plus de répondre à l’alerte récemment lancée par l’agence européenne de l’environnement. Et comble en agroécologie, la fixation symbiotique des légumineuses n’est pas considérée dans le bilan azoté alors que c’est la condition pour réduire les intrants azotés de synthèse et les émissions qui en résultent dans l’eau et dans l’air.

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Au final, le terme HVE est totalement usurpé et trompeur pour le consommateur

Le label est trompeur pour le consommateur. C’est pourquoi un collectif composé d’associations de consommateurs, de défense de l’environnement et de la santé, d’agriculteurs et d’entreprises biologiques, a saisi le Conseil d’État pour « mettre un terme au greenwashing entretenu » par la mention HVE. En effet, il est attendu de réels engagements comme le font d’autres labels à l’image de la bio qui s’interdit l’usage de pesticides et d’engrais de synthèse ou les AOP laitières et labels rouges qui s’interdisent les aliments de bétail OGM (soja). Le label HVE permet une fois de plus de jouer la montre sans mettre l’agriculture sur la voie de la transition agroécologique. Il offre même aux agriculteurs des aides supplémentaires (crédit d’impôt avant 2023, accès privilégié à la restauration collective, à l’aide des écorégimes de niveau 2 et dans certaines régions comme la Région Nouvelle Aquitaine aux aides à l’investissement), soit un crédit d’impôt de 2500€ (estimé à 75 millions en 2021 et 2022) et un soutien de 80€/ha/an pour l’écorégime de niveau 2 à partir de 2023.

Le label HVE va permettre de certifier des exploitations toujours intensives dans l’usage des pesticides et de l’azote. La solution était pourtant simple : rendre obligatoire une baisse de 50 % des pesticides pour répondre aux engagements d’Ecophyto et à bannir l’usages des molécules les plus impactantes comme le glyphosate, le s-métolachlore ou les CMR2. Ceci aurait obligé les agriculteurs à revoir fondamentalement leurs pratiques et s’extraire progressivement des intrants (engrais chimiques, pesticides, irrigation, énergie fossile). Cela aurait également entraîné une réduction des émissions de gaz à effet de serre du secteur agricole, objectif non pris en compte par le label HVE. Pour la société un tel engagement aurait justifié le crédit d’impôt et les aides données dans le cadre des écorégimes.

Michel DURU, Directeur de recherche, chargé de mission à l’Inrae
Philippe POINTEREAU, agronome, antérieurement ingénieur à Solagro

Texte adapté de l’article https://www.alternatives-economiques.fr/label-haute-environnementale-devenu-une-operation-de-gree/00106315

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