Une proposition de résolution vient d’être présentée au Sénat ce 19 juin pour interdire l’ensemble des néonicotinoïdes dans l’UE pour protéger notre santé, mais aussi l’environnement et les insectes pollinisateurs.
A l’occasion du colloque organisé le 5 juin au Sénat sur le thème « pour une agriculture respectueuse des pollinisateurs », le sénateur Joël Labbé (Morbihan-EELV) et le député Germinal Peiro (Dordogne-PS), coorganisateurs du colloque avec l’Unaf (Union nationale de l’apiculture française), ont présenté une proposition de résolution « invitant le gouvernement français à agir auprès de l’Union européenne pour une interdiction de toutes les utilisations des insecticides néonicotinoïdes neurotoxiques tant que les risques graves pour la santé humaine, animale et l’environnement ne seront pas écartés ».
Quarante parlementaires ont d’ores et déjà signé cette proposition de résolution qui a été présentée au Sénat et à l’Assemblée nationale ce 19 juin : « Nous souhaitons aussi sensibiliser les autres parlements européens », explique Joël Labbé, qui parle « d’un acte politique sur notre capacité de parlementaire à faire évoluer la législation européenne ». « Il faut aller plus loin maintenant que la sensibilisation aux problèmes de survie des abeilles, il faut agir », confirme de son côté Germinal Peiro. Henri Clément, porte-parole de l’Unaf, a aussi expliqué qu’il était urgent d’agir : « Les derniers chiffres de 2013 font état de 30 % de diminution d’abeilles en France et dans l’Union européenne ». En quinze ans, 50 % des abeilles ont ainsi disparu.
Les parlementaires néerlandais ont déjà voté à l’unanimité en mars 2014 une résolution invitant le gouvernement à adopter un moratoire sur tous les néonicotinoïdes. (Source : lafranceagricole.fr – juin 2014)
La disparition des abeilles
On l’appelle « syndrome d’effondrement des colonies d’abeilles » ou CCD (« Colony Collapse Disorder »). Ce phénomène de mortalité est anormal et récurrent notamment en France et dans le reste de l’Europe, depuis 1981.
Ce phénomène affecte par contrecoup la production apicole dans une grande partie du monde où cette espèce a été introduite.
Le phénomène prend la forme de ruches subitement vidées de presque toutes leurs abeilles, généralement à la sortie de l’hiver, plus rarement en pleine saison de butinage. Aux États-Unis, près de 25 % du cheptel a disparu au cours de l’hiver 2006-2007. De nombreux pays européens sont touchés depuis le début des années 2000. Les pertes peuvent atteindre, localement, jusqu’à 90 % des colonies. Les taux de mortalité hivernale des ruches d’abeilles domestiques, mesurés depuis l’apparition du phénomène sont quasi systématiquement supérieurs aux taux, d’environ 10 %, observés auparavant.
Ce syndrome est jugé très préoccupant par les apiculteurs, mais aussi par de nombreux écologues, économistes et experts en raison de l’importance économique et écologique de l’abeille en tant que pollinisatrice.
Selon l’INRA, la production de 84 % des espèces cultivées en Europe dépend directement des pollinisateurs, qui sont à plus de 90 % des abeilles domestiques et sauvages. Les services rendus à la pollinisation par les abeilles sont estimés à environ quinze milliards de dollars par an aux États-Unis.
Ce phénomène épidémique fait l’objet de polémiques scientifiques et médiatiques. Les chercheurs étudiant ce phénomène ne pouvaient s’appuyer que sur un corpus très pauvre d’études et de données, notamment écoépidémiologiques et génétiques. Depuis le milieu des années 2000 de nombreux travaux ont été publiés, ce qui a permis la constitution d’une bibliographie de plus en plus solide. Des avancées considérables ont été réalisées, notamment l’identification correcte des bio-agresseurs impliqués dans le phénomène et la mise en évidence d’effets synergiques divers. La thèse d’un phénomène multifactoriel est maintenant l’objet d’un consensus.
L’INRA vient de publier un dossier destiné au grand public qui recense les trois grands responsables de l’effondrement des colonies de butineuses : prédateurs invasifs comme le frelon asiatique ; divers pathogènes, et l’agriculture intensive.
Par ailleurs, l’Union nationale de l’apiculture française (UNAF) organisait du 19 au 21 juin la cinquième édition des Apidays : des rendez-vous un peu partout en France pour déguster des pains d’épices, rencontrer des apiculteurs,… pour rendre hommage aux butineuses, mais aussi pour alerter sur leur déclin, dans le cadre du programme national de sensibilisation et d’information du grand public, des collectivités territoriales et des entreprises à la sauvegarde de l’abeille et des pollinisateurs sauvages, « l’Abeille, sentinelle de l’environnement® » .
Film « Des abeilles et des hommes » de Markus Imhoof
L’Autorité européenne de sécurité des aliments
Que font concrètement les autorités ?
L’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) est une des principales agences de l’Union européenne chargée de l’évaluation des risques dans le domaine des denrées alimentaires. Elle fournit des conseils scientifiques sur les risques existants ou émergents dans ce domaine. Elle publie des avis, émis par son comité scientifique et ses groupes scientifiques, chacun dans sa sphère de compétence.
L’EFSA informe la Commission européenne, le Parlement européen et les États membres de l’UE afin que ces acteurs puissent prendre des décisions éclairées en matière de gestion des risques, de façon à garantir la protection de la santé des consommateurs européens et la sécurité de la chaîne alimentaire humaine et animale. Sa création répond à une série de crises ou scandales alimentaires que les États n’avaient pas pu ou su gérer, montrant que l’Europe avait subsidiairement un rôle à jouer, en lien avec l’OMS, la FAO, le Codex alimentarius, etc. au niveau mondial.
Mais de nombreuses controverses et scandales ont entaché sa réputation, notamment depuis 2010, par son manque de transparence et d’objectivité, des conflits d’intérêts avec l’industrie agro-alimentaire et certains lobbys.
A ce jour, trois insecticides néonicotinoïdes sont actuellement interdits dans l’Union européenne. Reste à espérer que, à l’image des sénateurs français, la Commission européenne vienne à statuer efficacement pour l’interdiction plus globale de ces perticides dévastateurs : « En mai 2013, la Commission européenne a déjà restreint l’utilisation de trois molécules de cette famille chimique (clothianidine, thiamétoxam, imidaclopride), mais « l’interdiction est partielle car ces trois molécules, ainsi que deux autres néonicotinoïdes, restent utilisées en France et en Europe sur de très larges surfaces (blé, maïs, fruitiers, colza…) « , expriment les parlementaires, expliquant que la résolution est étayée par de nombreux arguments scientifiques et agronomiques.