Voici un beau projet « BICITRACTOR » développé par Farmingsoul qui tracte l’avenir de l’agriculture « maraîchère » dans un sens durable au coeur des nouveaux open models (business models de l’économie ouverte qui ouvre aux Biens Communs) et d’une vraie économie de partage qui, je l’espère, créera une autre valeur loin de l’économie collaborative type Uber !
Un des acteurs du projet, Mathieu Grosche, est designer-explorer « sensible » ; il développe des projets éthiques « prospective now » qui vous musclent le cerveau de l’empathie. Interview.
Maryline Passini : Qu’est ce que le Bicitractor ?
Mathieu Groshe : Le Bicitractor est un tracteur agricole propulsé par pédalage avec assistance électrique. Il est destiné aux petites et moyennes fermes maraîchères. Il permet d’effectuer différentes tâches agricoles qui nécessitent un travail d’une profondeur maximum dans le sol de 5 cm. Il peut être utilisé par exemple pour semer, désherber, biner, sarcler, ouvrir des raies, récolter, transporter des charges,…
Par rapport à un tracteur traditionnel, il procure à l’agriculteur un confort d’utilisation en éliminant les nuisances causées par un moteur à explosion telles que les bruits du moteur, l’odeur des gaz d’échappements, les vibrations,…
Le Bicitractor est un outil qui permet aux agriculteurs d’exploitations agricoles de tailles moyennes d’effectuer mécaniquement des tâches étant difficiles à effectuer à la main et pouvant engendrer des douleurs physiques.
En plus d’être un tracteur qui ne rejette pas de gaz carbonique, car il n’utilise pas d’énergies fossiles, le Bicitractor est un véhicule open source. C’est-à-dire que ces plans de fabrications sont disponibles pour tout le monde gratuitement et ainsi chacun est capable de se fabriquer un outil de travail efficace, non polluant et facile à fabriquer pour une dépense inférieure à 2000 euros.
MP : Comment est né le projet ?
MG : Tout a commencé au Chiapas, une région du mexique où nous avons commencé a apprendre à développer des machines à vélo en collaboration avec l’atelier El Machete, Casa Feliz, Cacita Oaxaca,etc… Les machines à vélo sont des machines qui fonctionnent par pédalage au lieu de fonctionner à l’électricité, par exemple des machines à laver, des mixeur de cuisine, des égraineurs de maïs, ou des pompes à eau.
MP : Pourquoi au Chiapas ?
MG : C’est une région qui souhaite devenir autonome par rapport au gouvernement mexicain. L’énergie étant un moyen de pression souvent utilisé par le gouvernement pour calmer des soulèvement populaires. Une indépendance énergétique est donc une nécessité pour pouvoir vivre sans être dérangé par les coupures d’électricité volontaires orchestrées par le gouvernement mexicain lors de contestations populaires.
Mis à part ces raisons politiques, les machines à vélos sont également développées dans le but de faciliter les tâches effectuées manuellement, pour avoir à disposition des machines moins onéreuses que des machines électriques, ainsi que pour faciliter la vie quotidienne des personnes habitant dans des régions sans électricité.
Après avoir développé plusieurs types de machines à vélo au Chiapas, des amis de la ferme SolidarityFarm à San Diego en Californie, nous ont demandé de réaliser avec eux un tracteur agricole propulsé par pédalage. C’est là qu’est né le premier prototype de Bictractor, réalisé avec des matériaux de récupérations pour un montant total de 50 Dollars.
Par la suite, un agriculteur du sud de la France souhaitant se doter d’un Bicitractor nous a également demandé d’en concevoir un exemplaire avec lui. Ayant appris les problèmes perçus sur les deux prototypes précédents, nous en réalisons actuellement un troisième au sein du camp d’innovation durable et open source POC21. POC21 est une résidence d’innovateurs réunissant 100 « makers » venus des quatre coins du monde pour prototyper une société zéro carbone, zéro déchet.
MP : Quels sont les enjeux liés au Bicitractor ?
MG : L‘idée derrière ce vélo-tracteur est d’une part d’éviter l’endettement des agriculteurs qui doivent investir dans du matériel onéreux et difficile à rembourser,nsurtout lorsque les exploitations sont de petites et moyennes tailles.
De plus, il s’agît de remettre les moyens de fabrication dans les mains des agriculteurs et plus généralement des utilisateurs qui sont les plus à même de définir leur besoins. Il ne s’agît pas là d’un produit créé dans des bureaux loin de leur contexte d’utilisation, mais au contraire un produit venant de l’utilisateur lui-même. Un tracteur fait par les agriculteurs pour les agriculteurs.
Notre mode de fonctionnement s’inscrit dans le principe des technologies appropriées ; il ne s’agît donc pas d’inventer un tracteur que l’on revendra par la suite aux agriculteurs, mais d’inventer un tracteur pour lequel nous offrirons par la suite des ateliers de formation aux agriculteurs intéressés pour qu’ils puissent construire eux-même leur tracteur avec notre aide.
Ces ateliers se feront en partie par le biais de l’organisme d’auto-construction « atelier paysans ». Nous faisons une rupture par rapport à un système économique classique et hiérarchique, en choisissant non pas d’inventer un produit pour le vendre mais d’inventer un produit pour ensuite vendre le savoir-faire qui permettra à l’utilisateur de fabriquer ce produit lors de formation. Sans oublier que les plans du Bicitractor seront accessibles gratuitement par tout le monde sur internet.
Bienvenue dans l’économie du partage !
Maryline Passini, Fondatrice et directrice de l’agence de prospective Proâme
Crédit photo @Farming Soul
parfait