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Perturbateurs endocriniens : Bruxelles rend sa copie mais provoque un tollé

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« Toute substance qui a des effets indésirables sur la santé humaine et qui agit sur le système hormonal, et dont le lien entre les deux est prouvé« . Voici la définition tant attendue d’un perturbateur endocrinien. Il a fallu attendre deux ans pour que Bruxelles se décide à définir ce qui est considéré par beaucoup comme un danger majeur de santé publique. Hélas, cette définition pose plus de problèmes qu’elle n’en résout et provoque la colère de tous, les défenseurs de l’environnement comme les industriels du secteur agrochimique.
 
Certes c’est un progrès. Pour la première fois, une institution donne une définition des perturbateurs endocriniens. Mais cette définition en ne faisant référence qu’à la santé humaine provoque un tollé. « C’est désastreux« , a immédiatement réagi Lisette Van Vliet, de l’Alliance Santé et Environnement HEAL, un collectif de 70 ONG. « Normalement on regarde non seulement toutes les preuves trouvées sur les humains mais aussi ce qui se passe chez les animaux, soit sur un rongeur dans un laboratoire soit dans la nature« , a rappelé Mme Van Vliet. « Toute possibilité de faire ce qu’on fait depuis des décennies dans la gestion des produits chimiques toxiques est effacée« , s’est-elle alarmée.
Pour elle comme pour l’eurodéputée Verts-ALE Michèle Rivasi, cette définition fait des humains « des cobayes« . Pour Vito Buonsante de ClientEarth, avocat spécialisé, les propositions de Bruxelles abaissent le degré de protection des consommateurs et place « la charge de la preuve » à un niveau « presque impossible » à surmonter.
 

Un accouchement difficile

 
L’annonce de la Commission était pourtant très attendue, plus de deux ans après la date promise, pour permettre d’encadrer ces substances dans le cadre de leur utilisation dans des pesticides et dans des biocides, c’est-à-dire herbicides, fongicides, mais aussi par exemple produits de protection pour le bois ou le cuir et les désinfectants pour les mains.
 
Ce sujet, sensible, s’est mué en feuilleton au sein de l’UE, un feuilleton dont le premier épisode a commencé en 2010. L’exécutif européen avait fini par promettre de publier des critères avant décembre 2013, mais il n’a cessé depuis de repousser l’échéance, se faisant périodiquement rappeler à l’ordre par les ONG de défense de l’environnement, le Parlement européen et les États membres.
Deux ans après la date promise, la justice européenne –saisie par la Suède (dont la plainte était soutenue par le Danemark, la Finlande, la France et les Pays-Bas) — avait elle-même rappelé Bruxelles à ses obligations.
L’ONG anti-lobby Corporate Europe Observatory et la journaliste indépendante Stéphane Horel ont explicitement attribué ce retard à « une campagne massive du lobby de l’industrie » de la chimie, selon une note publiée au début du mois.
Or l’absence d’une définition claire, réclamée par les États membres, entravait la réglementation de ces substances susceptibles d’agir sur le système hormonal et d’être à l’origine de dysfonctionnements (comme l’obésité), de malformations congénitales ou de retards de développement.
 

Une définition contestée

 
Lors d’une conférence de presse mercredi, le commissaire européen à la Santé Vytanis Andriukaitis a proposé la définition tant attendue, arrêtée par la Commission. « L’UE est pionnière dans la définition du perturbateur endocrinien« , s’est défendu le commissaire Andriukaitis.
Les « critères stricts » proposés « fondés sur la science, (…) feront du système réglementaire de l’UE le premier dans le monde à définir ces critères scientifiques sur le plan législatif« , a renchéri le président de la Commission Jean-Claude Juncker, dans un communiqué.
 
Les substances nocives identifiées sur la base de ces critères seront interdites, sauf en cas d' »exposition négligeable » dans le cas des pesticides. Une précision qui a également fait tiquer les ONG.
 
Mais elles ne sont pas les seules déçues. Les industriels aussi se sont montrés insatisfaits des annonces de la Commission, mais pour d’autres raisons. L’association européenne de l’industrie phytosanitaire (ECPA), qui compte parmi ses membres BASF, Bayer, Dow AgroSciences, Syngenta ou Monsanto, estime dans un communiqué que les critères ne font pas la distinction « entre les substances qui sont vraiment nocives et les autres qui ne posent aucune menace à la sécurité des humains« .
« Selon nous, cela pourrait mener à l’interdiction de pesticides avec les mêmes propriétés de pertubateur endocrinien que l’on retrouve dans des produits de la vie courante comme le café« , regrette Jean-Charles Bocquet, directeur général de l’ECPA.
 
La proposition présentée mercredi par la Commission européenne doit encore être validée par les États membres. Elle sera soumise en bout de course au Parlement européen.
 

Perturbateurs endocriniens, des substances nocives présentes partout

 
Les perturbateurs endocriniens (PE) que Bruxelles est appelée à mieux encadrer, ont suivi l’essor de l’industrie chimique. Présentes dans de nombreux produits de la vie quotidienne, ces substances, qui perturbent le fonctionnement hormonal, conduisent à des pathologies et anomalies chez l’homme et l’animal.
 
Des substances qui miment les hormones
 
Le terme est apparu en 1992 avec l’étude d’une épidémiologiste américaine, la pionnière Theo Colborn, sur l’effet des produits chimiques sur les hormones.
Selon l’OMS, le PE est une substance (ou un mélange) qui modifie les fonctions du système hormonal et qui a en conséquence des effets nocifs sur la santé ou la reproduction des populations, y compris à de très faibles niveaux d’exposition.
Cette définition de 2002 fait toujours consensus chez les scientifiques.
 
Les chercheurs retiennent la classification en trois catégories, comme pour les substances cancérogènes: PE certains, suspectés et substances actives pouvant modifier le système hormonal mais sans certitude de nocivité sur la santé.
« Tous les êtres vivants, des bactéries jusqu’à l’homme, émettent des hormones, destinées à gouverner les organes. Un PE est une substance qui mime l’hormone et vient tromper » l’organisme, résume le biologiste Gilles Boeuf. Et « ce qui est unique est qu’elles agissent à très très faible dose ».
 
Des cosmétiques aux pesticides
 
Les perturbateurs endocriniens (PE) peuvent se retrouver dans les jouets, les peintures, les cosmétiques ou encore les contenants alimentaires (canettes, boîtes de conserve…).
On les retrouve aussi dans les pesticides. Le glyphosate, premier herbicide utilisé dans le monde, est ainsi soupçonné d’en faire partie.

LIRE DANS UP’ : Vous prendriez bien un petit verre de Roundup ?

L’un des plus connus, le Bisphénol A, a été banni des biberons en 2011 au sein de l’Union européenne. Seule la France est allée plus loin en l’interdisant également des autres contenants alimentaires depuis 2015.
Mais les scientifiques pointent du doigt les substituts du Bisphénol A (le S ou F), qui seraient eux aussi des PE, selon les premières études publiées sur le sujet.

LIRE DANS UP’ : Les emballages alimentaires provoquent l’obésité

 
Infertilité, malformations…
 
De nombreuses études ont démontré depuis longtemps que les PE diminuaient la fertilité humaine.
Scientifiques et médecins s’alarment en particulier de leur nocivité au stade embryonnaire. Les chercheurs ont ainsi repéré le lien entre ces substances et l’augmentation des cas d’hypospadias, une anomalie congénitale de la verge avec l’orifice de l’urètre anormalement positionné. Chez les filles, ils sont incriminés dans la recrudescence des cas de puberté précoce.
 
Depuis quelques années, les PE sont aussi soupçonnés d’avoir des effets nocifs sur le système immunitaire et la fonction respiratoire chez l’enfant, mais également de favoriser le diabète et par conséquent, l’obésité.
Dans l’UE, les coûts résultant des effets sur la santé de l’exposition aux PE sont estimés entre 100 et 200 milliards d’euros par an, selon une étude de 2015.
 
Des questions en suspens
 
Les PE ne sont pas tous connus, ce qui implique de mettre au point de nouveaux tests, par exemple pour mieux suivre les substances agissant sur la fonction thyroïdienne.
Quel est l’impact exact de ces substances chimiques selon les doses ? Quel est le risque potentiel lorsque ces substances sont mélangées entre elles ?
Autant de questions pour les chercheurs qui suspectent notamment des effets cocktails où les mélanges seraient beaucoup plus nocifs que les substances prises séparément.
 
Les écosystèmes aussi
 
« Le problème dans la nature est que ces PE sont libérés partout, à des quantités incroyables« , pointe Gilles Bœuf. « Dans cette espèce de capharnaüm, les récepteurs des organismes vivants ne savent plus à quel saint se vouer ! » Stress, croissance, reproduction… les impacts sont multiples.
Il y a 20 ans déjà, des Danois avaient montré que des substances agricoles parvenaient à modifier le sexe des poissons : les mâles devenaient femelles. « Les PE sont souvent des produits mimant les hormones femelles, et on a vu des cas fantastiques, y compris dans la Seine ou la Loire« , poursuit le spécialiste, qui multiplie les exemples de ce « fatras moléculaire« , sur les hippocampes, les oursins…
« A chaque mise sur le marché d’une nouvelle molécule il faut regarder les effets potentiels, développer une vraie culture de l’impact sur le vivant« , pointe-t-il, rappelant que « chaque fois qu’un produit affecte la faune et la flore, il affecte aussi l’être humain« .
 
Image d’en-tête : SecretsdInfo / Radio France
 

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