On observe ainsi en France un déclin particulièrement élevé du nombre d’oiseaux. Cela est dû à la pollution causée par l’utilisation de produits phytosanitaires et l’intensification des activités humaines. Il s’agit d’un enjeu important : d’après la plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES), 35 % de la production agricole globale dépendent de la pollinisation.
Il faut également noter une qualité des eaux de rivière fortement dégradée par ces mêmes pollutions chimiques issues des activités agricoles. Rappelons enfin qu’en France, l’agriculture contribue à hauteur de 20 % aux émissions de gaz à effet de serre dont l’accumulation dans l’atmosphère perturbe le climat.
Moins de viande
L’un des leviers pour lutter contre ces dégradations consiste à impliquer les consommateurs pour qu’ils orientent leurs achats vers des aliments plus respectueux de l’environnement. Des travaux de recherche récents – dont ceux de l’IPBES qui rendra ses résultats en mars 2018 – s’intéressent à ces enjeux environnementaux et nutritionnels de la consommation alimentaire.
Citons à titre d’exemple le Fonds mondial pour la nature (WWF) et ECO₂ Initiative qui se sont basés sur des travaux scientifiques pour proposer des évolutions possibles.
Les principaux changements qu’ils pointent consisteraient en une réduction de la proportion de viande et de poisson au profit des légumineuses (haricots, lentilles, pois, soja, etc.) et des tubercules (pommes de terre, topinambour, navet, panais, etc.) ; ainsi qu’une réduction de la proportion des aliments transformés industriels, au profit d’une augmentation de la proportion de fruits, de légumes et de céréales complètes.
Dans leur rapport, WWF et ECO2 proposent de ne manger ni viande ni poisson 3 jours par semaine. Cela correspond à une diminution de 31 % de la consommation de viande et de 40 % de la consommation de poisson.
Il est également possible d’envisager, à budget égal, une alimentation plus équilibrée, comportant des aliments de qualité en privilégiant des produits certifiés ou labellisés (comme les produits bio ou Label Rouge). En effet, selon ce même rapport, la baisse du coût du panier alimentaire obtenue grâce à la diminution de la consommation de viande et de poisson permet d’introduire environ 50 % d’aliments labellisés.
Selon de nombreuses études, une réduction de la consommation de viande bovine aurait un poids important pour diminuer les émissions de gaz à effet de serre et améliorer la santé des consommateurs à long terme. Consommer de la viande ne serait pas un non-sens environnemental, à condition qu’elle provienne d’élevages au moins partiellement élevés en plein air ; car les prairies permettent la séquestration du carbone dans le sol.
Une évolution vers des modes d’élevages avec des animaux en plein air permettrait ainsi de préserver ces prairies et donc de séquestrer du carbone. Le bétail consommerait plus d’herbe, réduisant les surfaces agricoles destinées à la production de l’alimentation animale.
Produire de « meilleurs » aliments
D’autres travaux de recherche s’intéressent à l’amélioration des aliments. Un développement de l’alimentation bio peut être considéré comme un moyen crédible de réduire l’utilisation de pesticides qui dégradent l’état écologique des eaux douces de surface et des eaux côtières, réduisent la biodiversité terrestre et causent la surmortalité des abeilles.
Le développement des légumineuses peut également être envisagé : elles sont en effet particulièrement riches en protéines végétales, en fibres et en minéraux, et elles constituent aussi un excellent moyen d’enrichir les parcelles en fixant l’azote dans le sol, avant de planter les cultures suivantes comme le blé ou le maïs. Cela peut permettre une économie de 20 % sur les engrais azotés utilisés, contribuant aux émissions de protoxyde d’azote, qui est un gaz à effet de serre.
Bien évidemment, ces pratiques sont pour la plupart très techniques et difficiles à communiquer de manière simple aux consommateurs.
Comment bien informer ?
Il n’existe pas aujourd’hui d’obligation d’information des consommateurs sur l’impact environnemental des produits alimentaires. Et l’information disponible ne permet souvent pas aux consommateurs de prendre en compte les caractéristiques environnementales des produits, ni de rémunérer les efforts des producteurs cherchant à développer des pratiques durables, surtout lorsque ces bonnes pratiques n’ont que peu ou pas d’impact sur la qualité organoleptique – à savoir, le goût, l’odeur, la texture en bouche, etc. – et nutritionnelle des aliments.
Cette absence d’information réglementée laisse place à une prolifération de certifications et labels, allégations et mentions plus ou moins liés à l’environnement.
Par ailleurs, les consommateurs n’ont pas toujours conscience de certaines conséquences de leurs pratiques de consommation comme le gaspillage, les pollutions liées à leurs déplacements pour se rendre au supermarché, ou encore le recyclage imparfait des emballages.
Il serait donc intéressant de s’orienter vers des indicateurs synthétiques et simples à interpréter, associant des couleurs et des lettres, comme ceux indiquant la consommation d’énergie de certains appareils ménagers (« l’étiquette énergie »).
Comme les atteintes à l’environnement sont diverses, complexes et ne font pas consensus dans le monde scientifique, une telle démarche, avant d’être validée, demanderait des recherches sur le contenu, la forme et l’impact de telles informations environnementales sur les comportements alimentaires.
Au-delà de l’information et des labels
Face à ces limites des stratégies d’information, d’autres instruments peuvent être utilisés pour venir compléter les labels, à l’image des mécanismes de taxation ou de subvention en fonction du type de produits (respectueux ou non de l’environnement)… même si les consommateurs acceptent parfois de payer plus cher pour conserver leur habitude alimentaire.
Il existe également des normes et des standards imposant un niveau minimal de qualité et/ou de sécurité. C’est par exemple le cas des seuils maximaux de résidus de pesticides dans les aliments ou dans l’eau. Ce pourrait être également le cas concernant une obligation de compléter l’alimentation des vaches laitières par des graines de lin, ce qui réduirait les émissions de méthane par les vaches et augmenterait la teneur en oméga-3 du lait.
Les standards présentent cependant l’inconvénient de réduire la diversité des produits, chaque producteur étant incité à produire un bien satisfaisant juste le niveau minimal de qualité. Ils restreignent également la concurrence en excluant du marché les entreprises incapables de supporter l’augmentation du coût de production liée notamment à l’utilisation de nouveaux procédés de production.
En attendant que les marchés et la réglementation politique mettent en place ces instruments pour orienter les consommateurs vers des produits alimentaires respectueux de l’environnement, il incombe à chacun de s’interroger sur l’impact de ses pratiques environnementales.
Stephan Marette, Directeur de recherche à l’INRA, économiste, Agro ParisTech – Université Paris-Saclay et Maïmouna Yokessa, Doctorante, INRA
(1) « Les nourritures » de Corine Pelluchon – Edition du Seuil, 2015
La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation, partenaire éditorial de UP’ Magazine
Pour aller plus loin :
– Livre « La fête carnivore » de Catherine Véglio, lemieux éditeur, 2017
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