Leurs convictions : le numérique n’est pas responsable de la crise actuelle, il l’a accentuée ; sur papier ou sur écran, le journalisme a besoin avant tout d’accomplir une révolution copernicienne ; il est possible de refonder une presse post-Internet conçue pour les lecteurs, et non à partir des annonceurs. Partons des évidences, et déroulons le raisonnement.
La revue XXI, créée en 2008 par Laurent Beccaria (patron des éditions Les Arènes) et Patrick de Saint-Exupéry ( ex grand-reporter au Figaro), se dit être « L’information grand format », sans aucune publicité. Son ambition : « proposer le meilleur du journalisme, le meilleur de l’édition ». Vendue chaque trimestre exclusivement en librairie au prix de 15 €.
Leur Manifeste est un appel pour sortir de la dialectique écran/papier, une analyse sur l’absence de modèle économique de la presse dans le numérique et la dépendance des titres vis-à-vis de la publicité et du marketing, une réflexion sur le possible de refonte d’une presse post-Internet.
Mais c’est aussi et surtout un recadrage sévère sur le métier de journaliste ; en repartant de Théophraste Renaudot au 17ème siècle, en passant par Victor Hugo ou Emile de Girardin, les grands piliers du journalisme reprennent corps : liberté, indépendance et qualité et enfin, le lien avec les lecteurs.
« Ce dont les médias ont besoin actuellement, c’est de la chair. Pour que les médias reviennent à la vie, ils n’ont pas d’autre choix que de redevenir des êtres vivants » explique le philosophe japonais Uchida Tatsuru.
Pour Patrick de Saint-Exupéry, cosignataire du Manifeste XXI : « Les mots de Sabine Torres, responsable du site Internet Dijonscope, reproduits dans Libération du 18 janvier 2013 sont merveilleux, ils vont directement au cœur de la question : » Nous sommes comme un couple, lecteurs et journalistes. C’est l’homme qui a trompé sa femme pendant des années et qui cherche à retrouver sa confiance : forcément, il va ramer. » Le couple journalisme-lecteur s’est brisé. Les journalistes sont en train d’essayer de rétablir l’équilibre dans ce couple extrêmement fragile. » (Source France Inter 20 janvier 2013)
Le philosophe Jacques Ellul avait raison : « ce qui nous menace ce n’est pas l’excès d’information, mais l’excès d’insignifiance. Le journalisme qui enrichit, donne à réfléchir, relie le lecteur aux autres et au monde est utile ».