La vague des fake news va-t-elle s’amplifier ? L’avenir de la démocratie est-il lié à la crédibilité de la presse ? Les Français ont-ils encore confiance en la presse ? Et ailleurs dans le monde ? Autant de questions auxquelles ont répondu 8 000 personnes en France et ailleurs dans le monde, interrogées sur la confiance qu’elles ont dans les médias. Il en ressort que la réputation des médias traditionnels reste en grande partie intacte selon une étude ‘Trust in News ‘ réalisée et publiée par Kantar. Les réseaux sociaux et les Pure Player semblent en revanche particulièrement écorchés par le phénomène des ‘fake news’ qui auraient, notamment, influencé les derniers scrutins électoraux.
« Fake News » est devenu un cri de ralliement des politiciens populistes à travers le monde en 2016 et 2017, atteignant son point culminant en janvier 2017, le jour de l’inauguration de Donald Trump. A l’occasion du Web Summit qui se tient actuellement à Lisbonne, les GAFA ont été vivement interpellés : Google, Facebook et Twitter sont mis en accusation face à leurs diffusions d’informations jugées problématiques. Comme l’explique le journal Les échos, Joseph Kahn, managing editor du New York Times, affrontait Quentin Hardy, responsable éditorial de Google Cloud à l’occasion d’une conférence. Directement prise à partie, la salle penchait clairement en faveur du premier, largement persuadée que les entreprises technologiques ont aujourd’hui trop de poids sur l’information.
« Il est très clair que l’influence de ces entreprises va bien au-delà de ce qu’elles-mêmes avaient envisagé », se désolait le journaliste. « Aucune de ces plateformes n’a réfléchi à comment exercer ce pouvoir ».
Le cabinet Gartner, pour sa part, estime qu’en 2022 les habitants des pays développés seront davantage exposés à de fausses informations qu’à de vraies ! Bienvenue dans un monde où « le citoyen lambda n’est plus en position d’apprécier le sérieux d’une information », résumait David Glance, directeur des pratiques informatiques à l’université d’Australie-Occidentale pour Les échos.
Pourtant, l’étude de Kantar a constaté que cette offensive du politique contre les médias traditionnels a eu l’effet inverse à celui recherché, rendant les consommateurs d’information plus avisés et réfléchis sur leur façon d’appréhender l’information.
Kantar vient de publier les résultats de son étude « Trust in News ». 8 000 personnes au Brésil, en France, au Royaume-Uni et aux États-Unis ont été interrogées sur leur attitude à l’égard du traitement de l’information dans les médias.
Les principales conclusions de l’enquête montrent, qu’en moyenne, les consommateurs d’information à travers le monde croient fermement qu’un journalisme de qualité demeure la clé d’une démocratie sereine. Ils se montrent cependant sceptiques sur ce que qui leur est donné à lire, et sur la capacité du journalisme à rendre compte de l’actualité.
Par exemple, la campagne menée par le Président américain visant à qualifier les médias traditionnels d’émetteur de « fake news » a largement échoué. La réputation des médias traditionnels reste largement intacte, alors que celle des réseaux sociaux a été gravement affectée.
Il est ainsi montré que l’audience s’approprie l’information de manière de plus en plus avisée et à travers des modes de consommation de plus en plus sophistiqués. Ils s’adaptent en cela à l’évolution des médias eux-mêmes.
En France, le politique donne à penser qu’il influence les médias plus fortement que dans les autres pays analysés. Ainsi, seulement 29% des Français interrogés pensent que nos médias sont libres de toute influence politique, et 25% qu’ils sont indépendants des entreprises ou de la finance.
La confiance dans les médias traditionnels à travers les magazines et la télévision reste élevée, mais les Français sont plus méfiants envers les chaines d’infos en continu.
34% des Brésiliens et 22% des Américains croient que les « fake news » ont influencé les résultats de leurs dernières élections.
Autre élément : Il existe une réelle opportunité de croissance pour les marques de médias dans le développement de modèles d’abonnement visant les moins de 35 ans. Ces derniers expriment une plus grande volonté de payer pour de l’actualité au juste prix, et pas uniquement pour la presse papier.
S’il existe aux États-Unis, au Royaume-Uni, en France et au Brésil une forte conviction qu’un journalisme de qualité est essentiel pour une démocratie en bonne santé (73% sont d’accord chez les personnes interrogées, 57% en France), le doute persiste : un peu plus de la moitié des personnes interrogées seulement croit que ce qu’elle lit est vrai « la plupart du temps ». De même, près des deux tiers (61%) s’inquiètent du fait que les médias ne sont pas assez exigeants avec les politiciens et les chefs d’entreprise. Une inquiétude moins présente chez les Français interrogés (53%).
Le phénomène « fake News » a principalement nuit aux réseaux sociaux, tandis que la réputation des médias traditionnels est restée quasiment intacte. Les magazines imprimés sont les sources d’actualité jugées les plus fiables, tandis que les réseaux sociaux et les applications de messagerie sont en queue de classement. Les chaînes de télévision classiques et radios sont respectivement les deuxième et troisième plus fiables, suivies par les journaux. Les Pure Players sont jugés largement moins fiables que leurs confrères de la presse-écrite et des radios.
La campagne de « fake news » a principalement affecté les réseaux sociaux, 58% déclarant leur faire moins confiance. La réputation des sites d’information en ligne et Pure Players a également été significativement affectée. 41% des sondés disent leur faire « moins confiance ». Un chiffre plus élevé en France avec 46,5% des sondés.
Pour plus de 6 Français sur 10 les médias traditionnels sont crédibles, même s’ilsenregistrent une perte de confiance légère sur la période : 23% des sondés disent faire moins confiance aux magazines et aux journaux papier. On aurait pu craindre que le phénomène des fake news affecte profondément la confiance des lecteurs dans les médias traditionnels. Or, cette nouvelle étude montre qu’il n’en est rien. Ainsi, 64 % des Français considèrent que les quotidiens demeurent crédibles. Même constat au niveau mondial : 72 % des personnes interrogées dans le cadre de cette étude ne remettent pas en cause le contenu de la presse magazine d’information.
L’atout de ces titres et médias audiovisuels traditionnels ? La couverture de l’actualité en profondeur. Dans ce contexte, la presse écrite demeure une référence avec plus de trois-quarts des interviewés qui lui accordent leur confiance à l’identique, voire de manière plus importante.
Les chaînes d’actualités 24 heures sur 24 conservent également une forte crédibilité avec 78% des sondés déclarant leur faire « autant confiance » ou « plus confiance » qu’avant le phénomène de « fake news ». Ainsi, on remarque une bien plus forte méfiance envers les chaines d’informations en continu avec un peu moins de 60% des Français qui se déclarent confiants, près de 75% au Royaume-Uni et 67% aux États-Unis.
En France, ils ne sont que 16% à faire moins confiance aux magazines et 18% aux journaux papier. Les deux supports ont cependant également connu une hausse de la confiance dans des proportions quasi identiques (23% et 17% respectivement, et 18% en France pour les deux supports). Les trois quarts des sondés déclarent faire « autant confiance » ou « plus confiance » à la presse papier qu’avant le phénomène de « fake news ».
Les sondés se déclarent largement plus informés qu’auparavant. 40% d’entre eux ont augmenté le nombre de sources d’information qu’ils utilisent (32% chez les Français). En moyenne, nous nous référons maintenant à quatre sources d’information. Les moins de 35 ans consultent en moyenne 4,5 sources, tandis que les plus de 55 ans en consultent en moyenne 3,5.
La télévision et les plateformes en ligne (y compris la vidéo) sont les principales sources pour l’information.
Nous devenons des consommateurs d’information de plus en plus attentifs. Pour les sondés, les réseaux sociaux sont considérés comme des « sources de découvertes d’information » .
Nous constatons que 40% des utilisateurs de réseaux sociaux consultent des idées qui ne sont pas les leurs. Presque deux tiers d’entre eux (61% des Français) s’inquiètent de l’effet que pourrait avoir la « personnalisation » et d’être enfermés dans une chambre d’écho médiatique.
Le plus grand nombre des sondés (44%) pense que se défendre des fake news est avant tout une responsabilité individuelle. Une part importante d’entre eux (42%) préconise une solution légale, tandis qu’environ un tiers espère qu’une intervention directe des plateformes, automatisée (bot / Intelligence artificielle) ou manuelle, permettra de résoudre le problème.
76 % des personnes interrogées cherchent à vérifier l’information. Si le phénomène des fake news n’a pas eu un impact trop lourd sur l’image des médias traditionnels, c’est sans doute, aussi, parce que leur public est aujourd’hui plus formé et plus apte à évaluer leur professionnalisme. Ainsi 76 % des personnes interrogées cherchent à vérifier l’information via différentes sources.
Même attitude plus réfléchie du côté des lecteurs en ligne : 70 % ont reconsidéré le partage d’une information craignant de faire circuler un fake news. Les points de vue alternatifs sont également bienvenus : 40 % des utilisateurs de réseaux sociaux s’intéressent aux avis qui divergent et presque deux tiers s’inquiètent d’une personnalisation des contenus qui réduirait leur visibilité en la matière. Si ces données sont positives, un élément vient noircir ce tableau : ils sont malheureusement encore 18 % à partager une information en se contentant… d’avoir lu le titre.
58 % des personnes interrogées ont moins confiance dans les médias sociaux. La vague de fake news a principalement affecté les médias sociaux dont Facebook. Ainsi, 58.2% des Français ont plus de doutes à leur sujet. Un chiffre qui est quasi identique à ceux constatés dans les autres pays. Les applis de messageries comme Whatsapp sont également concernées avec 57 % de personnes déclarant leur faire « moins confiance ».
Les sites pure player, sont, eux, plus préservés par cette vague de défiance : avec « seulement » 41 % de personnes doutant de la véracité de leurs informations. L’étude permet également de relever un début de reconnaissance pour des initiatives menées contre les fake news, initiées par des acteurs du digital comme Facebook ou Google. Ils sont 16 % de Français à noter ces efforts, 33 % au Brésil, 22 % aux Etats-Unis et 13 % au Royaume-Uni.
En dépit d’une crainte généralisée (44% chez les consommateurs d’actualité, 52% chez les moins de 35 ans ; 43% des Français), sur la situation financière difficile des médias traditionnels, plus de la moitié des personnes interrogées ne voit pas l’intérêt de payer pour de l’actualité, du fait du volume de contenus disponible gratuitement.
Une forte disparité persiste concernant le contenu payant. 42% des moins de 35 ans ont payé pour de l’information en ligne au cours de la dernière année, contre seulement 18% des 55 ans et plus (paiement unique ou un abonnement en cours).
Hors ligne, c’est 48% des 55 ans et + qui ont acheté un journal la semaine précédente, contre 38% des moins de 35 ans. Pour les populations plus jeunes, 17% des moins de 35 ans paieraient pour de l’actualité numérique si elle était moins chère. C’est un modèle économique basé sur le nombre d’abonnements qui devient monnaie courante, particulièrement dans le secteur du divertissement (Netflix, Spotify, etc.).
Tester l’élasticité prix pourrait également être un autre moyen de maximiser les revenus pour cette population significative des moins de 35 ans.
Un avis partagé par 73 % des personnes interrogées Le journalisme indissociable de la vitalité démocratique ? C’est ce qu’affirme 73% des personnes ayant répondu à cette étude. Mais ce constat demeure fragile. Le professionnalisme de la presse est désormais scruté, examiné. Plus que jamais, la presse doit être garante d’une information de qualité, d’une intégrité éditoriale. En effet, seulement 29% des français pensent que les médias sont libres de toute influence politique. Cette tendance est particulièrement forte quand on aborde le problème de l’ingérence des entreprises et de la finance. Seuls 25% des Français pensent que la presse est peu ou pas impactée contre 35% au Royaume uni et 34% aux États-Unis.
Le consommateur d’information en 2017 entretient une relation très complexe avec les médias traditionnels. Il affiche une soif grandissante d’informations et continue de croire que le journalisme est une pierre angulaire de la démocratie. Cependant, les marques de presse sont plus que jamais sous surveillance.
Les lecteurs qui font le plus confiance à leur source d’information sont aussi ceux qui consomment le plus de contenus et sont les plus disposés à payer, à la fois offline et online.
Mais cette confiance s’est érodée depuis le phénomène des « fake news ». Bien que les réseaux sociaux puissent être considérés comme des catalyseurs de ‘fake news’, les médias traditionnels sont souvent perçus comme étant à l’origine de ces nouvelles. Il reste donc un travail pédagogique à effectuer pour aider le consommateur d’information à identifier le vrai du faux.
– 39% des sondés et 32% des Français utilisent plus de sources d’information qu’il y a un an,
– 73% des sondés et seulement 57% des Français pensent qu’un journalisme de qualité est la clé d’une démocratie saine,
– 56% des sondés et le même pourcentage de Français croient que ce qu’ils lisent est vrai la plupart du temps,
– 78% lisent leur actualité en ligne.
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