Dans les quartiers populaires, les bâtiments portent des histoires : des générations qui ont vécu, aimé et rêvé entre leurs murs. Alors comment passer de la démolition à la rénovation dans ces quartiers ? Rénover, c’est bien plus qu’un geste écologique ou urbanistique. C’est préserver une mémoire collective, réinventer des lieux pour qu’ils continuent à vibrer au rythme de leurs habitants. Dans cette optique, le Pavillon de l’Arsenal et l’association Banlieues Climat joignent leurs forces pour relier justice sociale et transition écologique, notamment par le biais de l’École populaire du climat, inaugurée le 12 octobre dernier à Saint-Ouen-sur-Seine. Une initiative qui va dans le sens du combat contre l’injustice climatique dans les banlieues populaires.
Le 12 octobre 2024, l’association Banlieues Climat a inauguré l’École populaire du climat à Saint-Ouen-sur-Seine. Le Pavillon de l’Arsenal s’est joint à cette démarche pour souligner l’importance de la rénovation des bâtiments dans les quartiers populaires, et la lier au mouvement européen HouseEurope! qui porte une proposition de loi sur le sujet.
Dans un récent rapport consacré aux injustices climatiques, l’association Ghett’up dévoile » les dynamiques d’exclusion et d’inégalités historiques — issues du colonialisme, du capitalisme, et du racisme environnemental — qui font que les quartiers populaires et les territoires d’Outre-Mer supportent le poids des impacts du changement climatique et du racisme environnemental sans bénéficier des ressources pour y faire face. » Au cours de la canicule de 2003, par exemple, la Seine-Saint-Denis était le deuxième département le plus meurtri, avec une surmortalité de 160 %. Plus récemment, à l’occasion des Jeux olympiques, des purificateurs d’air ont été installés dans le village des athlètes à Saint-Denis, une technologie dont ne bénéficient pas les riverains, pourtant touchés toute l’année par la pollution engendrée par le trafic routier de l’A86 et les usines voisines. Rappelons que 1% les plus riches émettent en moyenne dix fois plus de CO2 par an par leur consommation (40,2 tonnes) que la moitié la plus pauvre des Français (3,8 tonnes).
Ces jeunes, bien qu’étant les moins responsables du changement climatique, en subissent les effets de manière exacerbée, ce qui souligne une injustice profonde à la croisée des enjeux environnementaux et sociaux.
Quand les murs parlent d’écologie et de solidarité
La première École populaire du climat, soutenue par la Mairie de Saint-Ouen-sur-Seine, labellisée par le ministère de l’Enseignement supérieur depuis janvier 2023, est située au sein de l’ancienne école maternelle Alexandre Bachelet. L’école est ainsi devenue un laboratoire d’espoir et d’action dans lequel Banlieues Climat a réuni les habitants pour un chantier collectif d’embellissement, un lieu dédié aux questions de la crise écologique et à la transition pour et par les habitants des quartiers populaires. Les murs rénovés ne sont pas que des symboles : ils incarnent une démarche participative où l’écologie devient un outil d’émancipation. Cet espace se transforme en un lieu d’échanges et d’expérimentation, dédié à des solutions imaginées par et pour les quartiers populaires.
Des formations au service de la dignité et de l’action
S’appuyant sur une trentaine de projets à travers la France, l’association propose des formations sur mesure d’environ huit heures aux enjeux environnementaux, mais aussi un accompagnement sur le long terme pour inciter les participants à sensibiliser à leur tour d’autres personnes. Elles se construisent avec les habitants et sont validées par des experts scientifiques. À ce jour, plus de 600 citoyens des quartiers populaires ont acquis les compétences pour devenir des ambassadeurs de la transition écologique. L’École populaire va plus loin : elle outille ses participants pour comprendre, agir et s’inscrire dans les métiers de demain, où la transition écologique devient une priorité mondiale. Les objectifs sont clairs et ambitieux :
- Valoriser les pratiques écologiques déjà présentes dans les quartiers.
- Former des acteurs locaux capables d’agir sur les enjeux environnementaux et sanitaires spécifiques à leurs territoires.
- Développer des qualifications reconnues pour intégrer pleinement les populations dans les dynamiques de transition écologique.
- Repenser le rapport aux quartiers populaires
Pendant longtemps, ces territoires ont été exclus des débats environnementaux, souvent réduits à des clichés de précarité et de marginalité. Banlieues Climat renverse cette vision : ces quartiers regorgent de savoir-faire et de solidarités qui peuvent enrichir le discours écologique. Reconnaître cette richesse, c’est tracer une voie où les habitants reprennent leur pouvoir économique, politique et social.
Une vision pour l’avenir
À Saint-Ouen-sur-Seine, cette initiative se lie au mouvement européen HouseEurope! et incarne un engagement pour une transition écologique inclusive. Elle ouvre la voie à un avenir où l’écologie devient une aventure collective, solidaire, et profondément humaine. Une écologie qui bâtit des ponts entre les individus, les générations et les horizons, à la fois ancrée localement et ouverte sur le monde.
Par cette école, c’est tout un réseau d’actions qui s’amorce, révélant que, dans ces quartiers trop souvent marginalisés, se trouvent les clés d’une transition écologique plus juste, plus diverse, et plus respectueuse des histoires qu’elle hérite.
L’association Banlieues climat
L’association Banlieues Climat, fondé par Féris Barkat, avec Sanaa Saitouli, cofondatrice du collectif citoyen Cergy demain, Abdelaali El Badaoui, fondateur de Banlieues santé, et le rappeur Youssef Soukouna, alias Sefyu, vise à fédérer, sensibiliser, inspirer les populations des quartiers populaires sur les questions environnementales et climatiques afin de faire émerger leurs voix et des projets locaux dans le débat public et développer leur pouvoir d’agir. L’objectif est de former les jeunes des quartiers populaires aux enjeux environnementaux, leur montrer que l’écologie les concerne et qu’elle possède un immense pouvoir d’émancipation.
Les questions écologiques et environnementales ont, pendant très longtemps, été un terrain politique où les habitants de ces quartiers n’ont pas été considérés à leur juste valeur et dans le respect de leur dignité.
Face à cette réalité, et dans l’espoir d’enrichir la vision politique avec d’autres points de vue, l’association Banlieues Climat souhaite créer les conditions permettant aux habitants de classes populaires de devenir acteurs de changement sur les questions environnementales au niveau de leur territoire, du local à l’international.
L’association souhaite tracer une nouvelle voie en (re)donnant aux populations vulnérables l’accès à un savoir académique, scientifique, dont elles ont été dépossédées, afin de reprendre leur pouvoir économique, politique et social.
Pour suivre le mouvement, rendez-vous sur la page instagram @pavillonarsenal, sur le compte instagram @houseeurope.eu et sur le site https://www.houseeurope.eu/