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Les jeunes sont-ils sacrifiés par la protection sociale ?

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Notre système de protection sociale sacrifie-t-il sa jeunesse ? L’exploitation des comptes de transferts nationaux apporte une réponse plutôt négative à cette question, même si la protection sociale n’a pas compensé la dégradation relative de la situation des jeunes en termes de niveau de vie ou de pauvreté. Les auteurs d’une note de France Stratégie montrent que si les dépenses sociales à destination des plus âgés se sont fortement accrues depuis 1979, cela est essentiellement imputable à l’augmentation de leur part dans la population. La hausse des dépenses de protection sociale dont ils bénéficient en moyenne à titre individuel a ainsi augmenté de façon plus comparable par rapport à celle des autres groupes d’âge.
 

Les jeunes sont-ils sacrifiés par la protection sociale ?

 
Une augmentation des dépenses au profit des plus âgés qui s’explique essentiellement par leur part croissante dans la population
Le poids dans le PIB des dépenses de protection sociale affectées aux plus âgés a beaucoup augmenté ces trente dernières années, passant de 11 % à 17 % entre 1979 et 2011. La part du PIB affectée aux dépenses de protection sociale des jeunes a pour sa part stagné (en incluant l’éducation) : elle passe de 8,8 % à 8,6 % sur la même période. En termes de dépenses individuelles, la dépense moyenne rapportée au PIB évolue parallèlement pour ces deux classes d’âge (+15 % entre 1979 et 2011). Pour autant, la dépense moyenne dont bénéficie un individu de plus de 60 ans est toujours 2,7 fois plus élevée que celle dont bénéficie un individu de moins de 25 ans. L’augmentation des dépenses au profit des plus âgés s’explique avant tout par le facteur démographique : ils représentaient 17 % de la population française en 1979 contre 23 % aujourd’hui.
 
Entre chômage de masse, faiblesse relative de leur revenu disponible, dégradation des conditions d’accès au logement et peur du « déclassement systémique », les jeunes générations seraient en France plus qu’ailleurs « sacrifiées », voire structurellement « maltraitées »*. La protection sociale défavorise-t-elle les jeunes au bénéfice des plus âgés ?

Les actifs et les plus âgés de plus en plus mis à contribution

Le poids des dépenses de protection sociale est passé de 23 % du PIB en 1979 à 31 % du PIB en 2011. Cette croissance des dépenses a été financée par une augmentation des prélèvements effectués sur les revenus des actifs (de 27 % en 1979 à 37 % en 2011). Les plus de 60 ans ont également été mis à contribution avec un taux de prélèvements qui est passé de 10 % en 1979 à 20 % en 2011. Le taux de prélèvements des moins de 25 ans a également progressé, mais beaucoup plus faiblement.
 
Les dépenses totales de protection sociale dont bénéficient les plus de 60 ans représentent 17,2 % du PIB en 2011, soit deux fois plus que celles consacrées aux moins de 25 ans, en incluant les dépenses d’éducation. Qui plus est, ces dépenses ont fortement augmenté sur les trente dernières années quand celles dédiées aux jeunes stagnaient.

La protection sociale est-elle plus généreuse à l’égard des plus âgés ?

Si un individu jeune reçoit aujourd’hui nettement moins au titre de la protection sociale qu’un individu âgé, cela n’a rien de nouveau ni de choquant a priori puisque les besoins (santé notamment) et les logiques de redistribution ne sont pas les mêmes.
En revanche, la situation financière relative des jeunes s’est dégradée. Leurs revenus ont eu tendance à diminuer comparativement à ceux des plus de 60 ans (revenus primaires, mais aussi après impôts et prestations sociales). L’évolution du niveau de vie des moins de 25 ans confirme cette analyse : il est passé de 88 % de celui des plus de 60 ans en 2002 à 82 % en 2012. Le taux de pauvreté des moins de 25 ans était deux fois plus élevé que celui des plus de 60 ans en 1996, il lui est aujourd’hui deux fois et demie supérieur.

Une évolution difficilement soutenable

Au vu de la situation des différentes classes d’âge, tant en termes de niveau de vie que de contribution nette au système de protection sociale, il apparaît difficile de mettre davantage à contribution les plus jeunes et les individus d’âge actif. Une baisse du transfert net perçu par les plus de 60 ans apparaît donc nécessaire. Cette évolution est de fait déjà engagée sous l’effet des différentes réformes des retraites déjà réalisées, elle devra vraisemblablement être poursuivie sous peine de voir la soutenabilité de notre système de protection sociale se traduire par un déséquilibre accru au détriment des plus jeunes et des actifs.

Les jeunes générations sont-elles sacrifiées ?

Hippolyte d’Albis, Pierre-Yves Cusset et Julien Navaux ont dressé des profils par âge des transferts publics reçus et des prélèvements obligatoires versés en mobilisant les comptes de transferts nationaux sur la période 1979-2011. Ils montrent ainsi que si l’essentiel de la hausse des dépenses sociales sur cette période a bénéficié aux plus âgés, cela est d’abord imputable à la démographie, les effectifs des plus âgés ayant plus augmenté que ceux des plus jeunes. Les dépenses individuelles de protection sociale ont, elles, évolué de façon plus comparable entre les groupes d’âge. Les dépenses sociales rapportées au PIB / tête (y compris dépenses d’éducation) ont ainsi progressé de 10 points pour les plus de 60 ans (soit une progression de 15 %) et de 5 points pour les moins de 25 ans (soit + 23 %) entre 1979 et 2011. Le ratio entre les dépenses individuelles de ces classes d’âge reste assez stable du fait de niveaux de départ très différents. Enfin, côté financement, les plus âgés sont davantage mis à contribution notamment depuis l’introduction de la CSG au début des années 1990. Leur taux de prélèvement** a doublé entre 1979 et 2011 pour atteindre 20 % quand celui des actifs sur lesquels repose encore l’essentiel de l’effort de contribution, passait de 27 % à 37 %.

Et à l’avenir ?

Les transferts nets de protection sociale (c’est-à-dire la différence entre les sommes perçues et prélevées) sont dix fois plus importants pour un individu de plus de 60 ans que pour un jeune de moins de 25 ans. Dans un contexte où la pauvreté touche désormais 2,5 fois plus souvent les moins de 25 ans que les plus de 60 ans, ce déséquilibre ne pose pas seulement la question de l’équité mais également celle de la soutenabilité. Dans ces conditions, compte tenu des niveaux de vie et de pauvreté des différentes classes d’âge et des niveaux relatifs, il semble difficile de réduire les transferts nets vers les plus jeunes et les individus d’âge actif, ce qui appellera dans les dix prochaines années une baisse du transfert net perçu globalement par les plus de 60 ans.
 
 
Hippolyte d’Albis, Paris School of Economics – CNRS ; 
Pierre-Yves Cusset, France Stratégie, Département Société, institutions et politiques sociales ; 
Julien Navaux, École d’économie de Paris
 
*Selon les termes consacrés respectivement par Christian Saint-Etienne et Louis Chauvel
**Le taux de prélèvement est ici le rapport entre ce que payent les individus d’une tranche d’âge pour le financement de la protection sociale et un ensemble composé de leurs revenus du travail « superbruts », de leurs revenus du capital et des transferts publics en espèce qu’ils reçoivent
(Source :  France Sratégie – 12 janvier 2016)
 

Livre « On achève bien les jeunes » de Bernard Spitz – Edition Grasset – Septembre 2015

 
 
 

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