Il faudra retenir ce nom : Dr Fumiya Iida. Ce chercheur de l’Université de Cambridge a créé un robot capable de se reproduire tout seul, de faire des petits et d’améliorer par apprentissage sa descendance.
Les philosophes distinguent volontiers les organismes des artefacts. De Bergson ou Cangilhem jusqu’à Miguel Benasayag, l’organisme est distinct de la machine parce qu’il s’adapte pour évoluer.
Les chercheurs de l’Université de Cambridge et de l’ETH de Zürich, menés par le Dr Fumiya Iida, se sont inspirés de cette caractéristique fondamentale du vivant pour construire leur robot. Leur credo ? « Nous voulons voir des robots capables d’innovation et de créativité ».
En observant le processus d’évolution par sélection naturelle cher à Darwin, les chercheurs ont ainsi construit un robot-maman, capable d’enfanter des robots-bébés, de les éduquer, de les observer et de les améliorer. Le tout sans intervention humaine ni programmation informatique spécifique.
Les scientifiques ont publié leurs travaux récemment dans la revue PLOS One sous le titre « Morphological Evolution of Physical robots through Model-Free Phenotype Development ». Ils y expliquent le protocole de leur expérimentation.
Le robot-mère, un bras articulé UR5 développé par Universal Robots, a été programmé pour fabriquer des petits robots mobiles. Des petits cubes dotés d’un moteur électrique pour se déplacer. Ces cubes avaient pour tâche de se déplacer d’un point à un autre. Leur « génome » était composé de cinq « gènes » contenant toutes les informations sur les commandes de forme, de construction, et de motricité. Le robot mère a enfanté cinq générations de dix petits robots. A chaque génération, le robot-mère a analysé le comportement de sa progéniture pour en tirer des enseignements aptes à améliorer la génération suivante. Cette amélioration se faisait par combinaison des cinq « gènes » d’origine. A l’arrivée, au bout de 500 bébés robots, l’étude a démontré que les bébés-robots de la dernière génération étaient deux fois plus efficaces que les meilleurs bébé-robots de la première portée. Rappelons que l’ensemble du processus d’observation et de combinaison s’est déroulé sans intervention humaine ni programmation autre que la commande initiale consistant à construire un robot capable de se déplacer.
Dans cette étude, l’évolution des robots se déroule comme dans la nature, à travers des «mutations», où les composants d’un gène sont modifiés, ajoutés, supprimés ou «croisés». L’amélioration de la performance de génération en génération a été rendue possible parce que la mère a réussi à inventer de nouvelles formes et motifs de déplacement pour ses enfants au fil du temps.
» Une des grandes questions en biologie est de savoir d’où vient l’intelligence. Nous voulons utiliser la robotique pour explorer ce mystère, » déclare le Dr Iida à la BBC. Il poursuit en expliquant que dans la nature, les organismes vivants sont en mesure d’adapter leurs caractères physiques à leur environnement au fil du temps. Ces adaptations permettent aux organismes biologiques de survivre dans une grande variété d’environnements différents. Mais les machines ne sont pas adaptables de la même façon. Elles sont essentiellement coincées dans une forme pour leur «vie» entière, et il est certain que l’évolution de leur forme permettrait de les rendre plus adaptables à des environnements changeants.
La robotique évolutive est un domaine de recherche en pleine croissance ; elle a pour objectif la création de robots autonomes qui apprennent seuls, sans l’intervention de l’homme. Cela permettrait d’adapter les machines aux conditions environnementales variées, tout comme les organismes vivants le font. Les applications sont innombrables et ce domaine de recherche est fascinant ; il n’en demeure pas moins, en estompant progressivement les frontières entre artefacts et organismes, singulièrement inquiétant.
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