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Pilule connectée

La pilule connectée qui alerte votre médecin

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Encore une fois, les innovations en matière de santé se succèdent à un rythme effréné, avec leur cortège de fascinations mais aussi d’interrogations sur ce que nous sommes en train de devenir. C’est au tour de la startup américaine Proteus d’annoncer être en mesure d’obtenir de la FDA (Food and Drug Administration) l’autorisation de mise sur le marché d’une pilule connectée.
 
Dans certaines pathologies, la prise régulière d’un médicament est vitale. Or une étude de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a établi que dans 50 % des cas, les médicaments prescrits ne sont pas pris correctement. Cela représente chaque année un coût astronomique de quelque 100 à 300 milliards de dollars, uniquement pour les USA.
Le cas est particulièrement fréquent pour certaines pathologies mentales pour lesquelles l’interruption ou l’abandon du traitement est synonyme d’aggravation considérable des cas. Alors les scientifiques ont mis au point un médicament capable de prévenir le médecin du patient si le traitement est interrompu.
 
 
 
La société californienne Proteus travaille depuis longtemps sur des médicaments connectés. Après de nombreux essais cliniques, elle vient de soumettre à la FDA une pilule d’un nouveau genre pour un médicament contre la schizophrénie (l’Abilify). Cette pilule contient, au centre de la substance médicamenteuse, un capteur électronique. Ce capteur est libéré dans le corps du patient dès que la pilule est dissoute dans l’estomac. Un signal est alors envoyé vers un récepteur situé sur un patch que le patient doit porter. Le patch enregistre l’information et récolte d’autres données sur le patient, comme son activité au cours de la journée. Toutes ces informations sont transmises au patient par son téléphone portable, mais aussi, avec son consentement, à son médecin traitant.
Selon le communiqué de presse de Proteus, c’est la première fois que l’utilisation de ce type de médicaments est étudiée par la FDA (Food and Drug Administration), l’agence sanitaire en charge du contrôle et de la réglementation du médicament aux États-Unis.
 
Un capteur dans l’organisme
 
Contrairement à ce qui vient spontanément à l’esprit, ce capteur n’est pas une puce électronique du type RFID. Chaque capteur Proteus est composé d’une infime quantité de cuivre et de magnésium. Ces deux métaux, mis en contact par le suc gastrique comme on le ferait dans une simple électrolyse, alimentent aussitôt un dispositif qui crée un signal. Ce sont les tissus du corps qui conduisent ce signal jusqu’au patch disposé sur le corps du patient. Ce patch contient une antenne Bluetooth reliée au smartphone du patient. Il n’existe aujourd’hui pas encore d’études suffisantes pour mesurer le degré de nocivité ou d’innocuité des nanoparticules constituant le capteur. Le laboratoire qui a conçu le dispositif affirme que sa technologie est sûre et qu’elle a été testée avec succès dans de nombreux cas cliniques.
 
 
L’idée de faire ingérer à un organisme vivant un capteur n’est pas nouvelle. Dès les années 1980, la NASA avait mis au point une capsule ingérée par les astronautes pour mesurer leur température et certaines données métaboliques. D’autres chercheurs ont mis au point des minicaméras embarquées dans des pilules pour scruter le système digestif de certains malades. On se souvient du film de Richard Fleisher, le Voyage Fantastique, qui imaginait déjà en 1966 ce type de solution. Plus récemment, nous rendions compte dans UP’ des recherches de Google X Lab sur des nanoparticules injectées dans le corps humain pour détecter certains types de cancers.
L’annonce de Proteus frappe aujourd’hui parce que nous sortons du domaine des laboratoires et des essais limités, pour entrer de plain-pied dans le champ des applications très grand public.
 
Questions de confiance
 
Toute la communication de Proteus met le patient au centre du dispositif en soulignant que ces pilules permettront aux malades de mieux s’autonomiser dans le suivi de leur traitement. Le marketing passe relativement sous silence la connexion avec le médecin traitant. C’est en effet là que les questions se posent. En effet, quelle seront les garanties en terme de stockage des données d’un patient ? Jusqu’où ira le rôle du médecin devenu contrôleur ? Peut-on craindre que les données recueillies sur le comportement d’un patient servent à lui dicter ce qu’il peut ou pas manger, les activités qu’il peut ou doit faire, les activités qu’il a le droit de mener ou pas ? Jusqu’à présent, le patient suivait un traitement. Désormais devra-t-il « être en règle » avec son traitement ? La nuance est de taille.
 
On ne peut aussi manquer de voir dans ce type d’innovations les conséquences financières qu’elles portent en germe. En effet, les chiffres dévoilés par l’OMC démontrent que la moitié des malades ne suivraient pas leur traitement. Le manque à gagner se chiffre en milliards pour l’industrie pharmaceutique. Une manne qui serait facilement récupérée si des contrôles de prise effective des médicaments étaient faits. Du côté des assurances, ce type d’innovation promet aussi des lendemains qui chantent. Elles pourraient tenir compte des comportements avérés par le suivi des données des patients pour réduire, voire supprimer leur couverture auprès des malades négligents.
La confiance est donc au cœur de cette problématique. Que fera-t-on des données recueillies, comment seront-elles traitées ? Les réponses à ces questions traceront l’avenir de ce type d’innovations qui peuvent à la fois nous aider, nous apporter confort et progrès, mais aussi et en même temps, compromettre de façon irréversible nos libertés.
 
 

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