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Aux frontières du numérique et de la biologie, demain nous tatouerons des circuits sur notre corps

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Imaginez votre corps orné de tatouages aux lumières clignotantes et d’un réseau de circuits au dessin sophistiqué. Science-fiction cyberpunk, direz-vous. Et pourtant, ces nouveaux tatouages arrivent : ils nous donneront des conseils de santé personnalisés en temps réel. Ils brancheront notre biologie sur le web, et mettront l’internet des objets aux bouts de nos doigts. Ils amélioreront nos cinq sens, et peut-être même nous en donneront de nouveaux.
 
Il est loin le temps du tatouage tribal multimillénaire. Celui que l’on découvrit en 1991 sur Otzi, cette momie conservée congelée dans le glacier autrichien du Hauslabjoch, fit remonter la pratique à 5300 ans. Depuis, le tatouage a vécu de multiples avatars, ornements des marins puis des gros durs, il est entré dans la peau du plus grand nombre et est devenu un phénomène de mode. Selon un sondage de l’Ifop, 14 % des français sont tatoués, dont 17 % de femmes. Mais ces tatouages marqués à l’encre dans le secret de notre peau vont bientôt laisser la place à des matériaux biocompatibles qui permettent à l’électronique de fusionner de façon transparente avec le corps. Les techniques existent, elles sont en cours de mise au point pour des développements rapides, et leur expansion est permise par l’arrivée sur le marché de nouvelles imprimantes 3D.
 

Des imprimantes 3D d’un nouveau genre

Nous connaissons depuis quelques années les imprimantes 3D. Elles permettent de façonner des objets de toute nature, en plastique ou en métal. À leur arrivée, nous parlions déjà de révolution. Or de nouvelles imprimantes 3D apparaissent et elles sont en mesure de changer beaucoup de choses dans le monde dans lequel nous vivons.
Ces nouveaux types d’imprimantes fonctionnent sur des matériaux « fonctionnels » comme des matériaux électroniques, des polymères mous et même des matériaux biologiques comme les cellules. Ces appareils numérisent en 3D la surface à imprimer qui peut être par exemple un organe ou un nerf. Cela permet d’imprimer des dispositifs biomédicaux anatomiquement spécifiques. Rien de plus facile alors que d’imprimer un appareil électronique directement sur la peau, un appareil qui s’adapte à n’importe quelle surface anatomique complexe.
 
Michael McAlpine, professeur de génie mécanique à l’Université du Minnesota, a publié une étude dans la revue Advanced Materials dans laquelle il explique les différentes façons d’imprimer directement sur la peau. Selon lui, les premiers intéressés sont les militaires. L’armée travaille en effet sur des dispositifs autonomes, embarqués dans le paquetage du soldat sur le terrain, qui lui permettent d’ « imprimer » n’importe quel type d’appareil : des dispositifs de sauvetage sur le corps, comme un panneau solaire au poignet ou un capteur de guerre chimique ou biologique sur un bras. Un tel dispositif ne coûterait que 400 $, ce qui rendrait sa diffusion le plus large possible.
 
Les applications dans le domaine médical et notamment dans les interventions d’urgence sont prometteuses. Le professeur McAlpine explique qu’à l’heure actuelle, « s’il y a un accident, le patient doit attendre sur les lieux de l’accident que l’ambulance arrive. Ensuite, l’ambulance doit l’emmener jusqu’à l’hôpital. Il peut donc s’écouler une demi-heure ou plus avant qu’un traitement réel n’ait lieu. Mais si vous pouviez simplement apporter l’imprimante au patient et imprimer un dispositif biomédical directement sur le patient sur les lieux de l’accident, ce serait un changement complet de donne ».
 
Pour les promoteurs de ces technologies, le vrai enjeu est celui du marché grand public. Dans un très proche avenir, il sera possible d’imprimer votre prochain iPhone ou votre prochaine montre électronique directement sur votre poignet. Nul doute pour Michael McAlpine : « un grand nombre d’entre nous voudront se faire imprimer toutes sortes de lumières clignotantes et d’appareils électroniques sur leur peau ».
 
Photo : © Dust/Futurism, 2018
 

Bienvenue dans l’ère post-informatique

Ces technologies nous mènent tout droit vers l’ère post-informatique, celle où la fusion de l’électronique et de la biologie va se produire. Dans le registre médical, cette fusion laisse entrevoir des possibilités révolutionnaires. Le professeur McAlpine s’enflamme : « Nous avons déjà publié des recherches sur la réparation des nerfs périphériques. Nous travaillons aussi sur la réparation des nerfs centraux, ou réparation de la moelle épinière. À l’heure actuelle, il existe toutes sortes d’approches différentes pour traiter les lésions de la moelle épinière, allant de l’intégration d’échafaudages et de cellules souches à l’introduction de molécules biochimiques et de gradients pour favoriser la régénération. Notre outil d’impression fournit une solution tout-en-un, car vous pouvez imprimer un échafaudage, et vous pouvez imprimer des cellules dans cet échafaudage. Vous pouvez également imprimer des signaux biochimiques et des signaux électroniques à l’intérieur de l’échafaudage pour les stimuler. Et puis, bien sûr, vous pouvez adapter l’échafaudage pour qu’il soit anatomiquement spécifique et anatomiquement précis pour le patient. Avoir un outil tout-en-un qui combine toutes les technologies existantes utilisées pour traiter ces blessures pourrait avoir d’énormes implications pour les patients. »
 
Une médecine réparatrice particulièrement puissante s’entrevoit. Mais aussi une médecine qui augmente les capacités. En fusionnant des cellules avec de l’électronique il est envisageable d’améliorer la plupart des organes notamment sensoriels : une meilleure ouïe, une meilleure vue, seront demain rendus possibles par ces technologies hybrides.
 
En attendant, que diriez-vous de vous faire tatouer la connexion à UP ‘, votre magazine préféré, directement sur votre avant-bras ? Ce serait pratique, non ?!
 
 
Sources : Futurism, Advanced Materials, Advanced Functional Materials, Nano Letters, Advanced Materials Technologies
 

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