Comme son nom l’indique, le Grand Paris Express (GPE), le réseau de transport du futur Grand Paris, voit les choses en grand : 200 km de lignes supplémentaires, 68 nouvelles stations, 2 millions de voyageurs quotidiens en 2026… Mais c’est surtout au plan qualitatif, du côté de la transition écologique, qu’il lance les défis, avec les écoquartiers, avec les systèmes de transport « propres », avec des méthodes de construction toujours plus exigeantes. Tour d’horizon du chantier du siècle.
Le GPE est sur la bonne voie : la pose des caténaires, butoirs et rails des lignes 15-Sud et 16 sera achevée d’ici la fin le début de cet été, comme annoncé par Christophe Villard, directeur exécutif des systèmes de transport et d’exploitation au sein de la Société du Grand Paris (SGP) en janvier dernier. Le compte-à-rebours final a commencé : les JO de Paris s’ouvriront en juillet 2024 et une partie du nouveau réseau devra être prête. Les autres tronçons seront achevés d’ici 2030. Pour mener à bien ce « chantier du siècle », le Grand Paris réunit des grands noms du BTP français comme Bouygues Travaux Publics, Eiffage Génie Civil et Vinci Construction mais aussi des sociétés spécialisées comme Edeis, Setec et Systra (ingénierie du BTP), Schneider Electric (gestion énergétique), Herrenknecht (tunneliers) et Alstom (transport ferroviaire). Sans compter de nombreuses PME sous-traitantes locales.
Aux commandes du plus grand chantier urbain d’Europe depuis son lancement en 2010, la Société du Grand Paris – détenue à 100% par l’État français – gère un budget total de 39,1 milliards d’euros pour la construction du GPE (prolongation des lignes 11 et 14, nouvelles lignes 15 à 18), et 3,4 milliards pour la modernisation du réseau existant. La SGP a pour cela lancé un programme de financement EMTN 100 % vert « afin d’émettre exclusivement des obligations vertes (Green bonds) ». La SGP s’est aussi engagée à être vertueuse et à communiquer les bénéfices environnementaux de ses chantiers. La conduite des activités des parties prenantes dans cette logique est en effet la pierre angulaire des travaux. Voilà pour les présentations d’usage.
Les travaux d’Hercule, version verte
La stratégie de responsabilité sociétale des entreprises (RSE) de la Société du Grand Paris est en effet au cœur du projet, comme l’explique Margaux Chabardes, responsable de la démarche RSE à la SGP : « La feuille de route RSE repose sur quatre grandes orientations : conduire le projet de manière humaine et éthique, concevoir et construire en préservant l’environnement, participer à la création de la ville de demain, accessible à tous, connectée, multimodale, et enfin travailler pour et avec les acteurs du territoire. » Une quadruple démarche qui se retrouve à tous les échelons d’un chantier qui a tout d’une prouesse technique : tant dans l’échelle et la complexité des travaux que dans les délais et l’obligation environnementale imposés par les pouvoirs publics. « Le GPE, c’est le chantier d’Europe le plus important et qui mobilise des moyens exceptionnels, techniques et humains, explique la présidence de la Société du Grand Paris. « Faire creuser une vingtaine de tunneliers en même temps, cela nécessite d’avoir des équipages particulièrement expérimentés en travaux souterrains. » Le GPE sera achevé en à peine 20 ans, contre 50 pour le métro parisien un siècle plus tôt.
Pour relever le défi, percer 200 km de tunnels, intégrer les nouvelles gares dans leur environnement, repenser l’aménagement urbain, il fallait impérativement réunir toutes les compétences du secteur du BTP français. Sur le terrain, les grands groupes jouent un rôle central grâce à leur modèle intégré. « Eiffage Génie Civil intervient depuis la conception jusqu’à la construction de ponts, de tunnels, d’infrastructures et d’équipements structurants, détaille Guillaume Sauvé, président d’Eiffage Génie Civil et d’Eiffage Métal. « Nous sommes persuadés que pouvoir proposer des modes de transports rapides et de qualité est un véritable vecteur de développement. C’est pour cette raison que le Grand Paris est un projet qui nous tient particulièrement à cœur. Nous avons donc mobilisé très largement nos équipes franciliennes mais également nos experts ‘Grands Projets’ pour répondre à cet impératif. » Tout le monde est sur le pont.
Un savoir-faire à la française
À l’instar de ce qui existe autour d’Airbus dans l’aéronautique, ou des grandes enseignes de distribution alimentaire, c’est un écosystème complet qui s’est créé autour des géants du BTP français. Toute la chaîne de valeur est concernée, de l’architecture à la construction proprement dite, en passant par l’ingénierie et le contrôle technique. « Notre rôle consiste à accompagner la SGP dans le pilotage du programme, notamment en matière de processus, de méthodes et d’outils, explique Nicolas Ledoux, président d’Arcadis, pour la partie conception ingénierie. Nous sommes avant tout face à des enjeux techniques, à cause du caractère extraordinaire de ce projet, avec notamment plusieurs gares de grande profondeur, à insérer dans un environnement particulièrement dense et contraint par les impératifs de performance du réseau. »
Autant de savoir-faire que les entreprises françaises ont déjà testés en France comme à l’international. Des savoir-faire également à la hauteur des défis rencontrés pour la partie réalisation travaux : « Les travaux souterrains restent à forts aléas liés à la géologie du terrain, souligne Benoît Moncade, directeur général de Spie Batignolles Génie Civil. Par ailleurs, le Grand Paris est un chantier au cœur de la ville, dans un tissu urbain très dense. Nous avons un défi d’acceptabilité́ primordial pour les riverains du fait des nuisances créées, des flux pour les déblais… C’est un point d’attention permanent. Enfin, la densité exceptionnelle de travaux en Ile-de-France met à risque la disponibilité́ des ressources. Et nous attachons une attention extrême à maintenir nos talents. »
À cinquante mètres sous terre, tout autour de Paris, ces talents s’organisent dans le sillage de la construction des tunnels qui mobilise des tunneliers aux dimensions incroyables (10m de diamètre, 100m de long, 1500 tonnes, comme le remarque Marc Petit, directeur Grands projets chez Razel-Bec (8) : « Nous opérons actuellement sur 4 tunneliers. Il s’agit d’une dynamique soutenue qui devrait se poursuivre pour les prochaines années. Nous restons attentifs pour participer aux opérations d’aménagements urbains autour des futures gares. » Le chantier avance, avec de nouveaux appels d’offre à chaque étape. En 2020 par exemple, Eiffage Energie Systèmes et Engie Solutions ont remporté un nouveau contrat de 58 millions d’euros pour les systèmes de ventilation, de désenfumage et de décompression des tunnels.
Pour répondre à la stratégie RSE de la SGP, ces grands travaux font appel à de nombreux savoir-faire industriels, sur fond de transition écologique. Ces nouveaux impératifs sont sur toutes les lèvres. Chez Schneider Electric par exemple, le directeur de la mission Grand Paris, Gilles de Colombel, insiste sur l’intégration des projets dans leur environnement direct : « Nous apportons notre expertise dans les domaines de la distribution d’énergie et des automatismes, et des solutions dédiées au Smart building et au Smart grid, pour une gestion optimisée des énergies. »
Ce souci du respect des normes environnementales se retrouve aussi dans la prépondérance de l’économie circulaire sur les chantiers. Dans le secteur de la construction, celle-ci se traduit ainsi par la valorisation des déchets et, dans le cas du chantier du Grand Paris Express, par la gestion des milliers de tonnes de terre excavés. Autre point de vigilance et non des moindres : la mise en sécurité des déchets dangereux, les opérateurs innovent afin de limiter les coûts immédiats et futurs, comme l’explique le site Mediaterre : « Eiffage Génie civil a installé sur certains de ses chantiers la “tri-box”, un conteneur spécialement dédié au tri des déchets et au stockage des produits chimiques ».
La dimension écologique revient ainsi constamment dans la bouche des entrepreneurs et des pouvoirs publics. Élu président de la SGP en novembre dernier et maire de Clichy-sous-Bois, Olivier Klein a rappelé ces exigences dès le premier jour de son mandat : « Deux marqueurs seront essentiels pour incarner notre réussite collective : la lutte contre les inégalités sociales et l’émergence d’une ville écologique et humaine dans les futurs quartiers de gare du GPE. » Mener à bien ce projet tient donc à l’intégration opérationnelle de toutes ces compétences, et à leur rencontre avec les exigences environnementales et sociales.
La réussite du Grand Paris Express, un instrument de soft power
Cette réussite rejaillira sur toutes les parties prenantes. Ces dernières savent aussi que les enjeux qui vont bien au-delà de la seule région parisienne. « Les entreprises françaises ont un savoir-faire unique en matière de construction et d’exploitation d’infrastructures de transports, écrivent Cédric Bourdais, directeur de cabinet du directoire de la Société du grand Paris et Jean-François Stoll, conseiller du président. Le GPE doit être le creuset de leur savoir-faire, tout comme doit l’être la qualité de la maîtrise d’ouvrage qui les organise. Le GPE entretient ce savoir-faire et servira de vitrine pour les décennies à venir. Le GPE est un bel instrument de soft power. » Tout le monde a donc à y gagner.
André Garcin, Ancien cadre territorial, spécialiste dans l’accompagnement et le développement des PME.
heureusement qu’il s’agit d’une tribune libre et pas d’un article !