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Océan plastique
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Le plastique va devenir le marqueur fossile de l’Anthropocène

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Ce que l’on a surtout retenu du dernier sommet G7 qui s’est tenu au Canada a été le coup d’éclat de Donald Trump qui a claqué la porte au nez de ses alliés. Ce que l’on a moins remarqué, c’est le désaccord sur un sujet sur lequel la communauté scientifique ne cesse de nous alerter : la pollution des océans par le plastique. Les grands de ce monde ne sont pas parvenus à s’entendre pour réduire collectivement cette pollution catastrophique. Une situation telle, que l’utilisation à outrance du plastique pourrait changer ­– si ce n’est déjà fait – la morphologie de la Terre.  Depuis les années 50, ce matériau a pris une ampleur si considérable, que de nombreux chercheurs, toutes disciplines mélangées, soutiennent qu’il restera comme un marqueur géologique de l’Anthropocène.

 
Nous utilisons tous dans nos cuisines du film plastique. Machinalement. Or, depuis que ce film existe, il a été produit en telle quantité qu’il y en aurait assez pour envelopper toute notre planète. Nous avons tous dans nos foyers quelques bouteilles de soda ou d’eau minérale, en plastique. L’ONU vient de publier un chiffre décourageant : 5000 milliards de sacs en plastiques sont consommés par an. Le plastique est partout. Tellement répandu qu’on ne le voit même plus.  Mais qu’en fait-on une fois utilisé ? Selon une étude de PlasticsEurope, le taux de recyclage des matières plastiques dans l’Europe des vingt-huit (plus la Norvège et la Suisse) s’élève à 29,7 % et la valorisation énergétique (ceci correspond à l’incinération de déchets avec récupération d’énergie) à 39,5 %. Seule une petite part du plastique est donc recyclée. Le reste, soit la bagatelle de 12 milliards de tonnes, est rejeté dans la nature.
 
 
 

Les océans, poubelle du plastique

Les océans sont devenus la poubelle du plastique que nous rejetons. Cette matière y est tellement présente que l’on parle de « septième continent ». Un rapport récent affirme même, qu’au rythme où nous rejetons nos plastiques, il y aura bientôt plus de plastique que de poissons sur les mers du globe.
 
 
En effet, une étude du Forum économique mondial et de la fondation Ellen McArthur note que depuis la moitié du siècle dernier l’utilisation du plastique a été multipliée par vingt et « est amené à doubler encore dans les vingt prochaines années ».  Dans les océans, ces détritus s’agglutinent au gré des courants formant de gigantesques îles de déchets, des continents de plastique.
 
 
Ainsi dans le Pacifique nord, une zone appelée « the Great Pacific Garbage  Patch » est un véritable continent flottant de détritus plastiques. Cette zone, découverte pour la première fois par le navigateur Charles Moore, s’étend sur 3.4 millions de km2 soit une superficie de six fois la France. On y a recensé 300 000 morceaux de plastiques par km2. Une autre zone de quasiment même importance se situe dans l’Atlantique Nord. Une pollution majeure qui se transforme en véritable crime contre la faune océanique. Toutes les régions sont concernées, même celles qui sont très éloignées des côtes. C’est le cas des îles Midway, un petit atoll du Pacifique éloigné du continent le plus proche de plus de 2000 milles marins. La population des albatros qui y vivent perdent la vie par dizaines de milliers, confondant les déchets plastiques avec les aliments qu’ils pêchent pour leur progéniture.
 
Toutefois, fait paradoxal, mais plus inquiétant encore, ce continent plastique disparaît progressivement de notre vue.  C’est loin d’être une bonne nouvelle, car, si on ne le voit plus, c’est qu’il s’est dissous quelque part.
Une importante étude scientifique menée par une équipe internationale de chercheurs est partie dans l’expédition Malaspina. Quatre navires ont été mobilisés pour sonder cinq zones réparties sur plusieurs océans, zones d’intenses courants marins (des « gyres ») où le plastique s’accumule. Qu’ont-ils découverts ? Rien.
99 % du plastique a mystérieusement disparu. La masse des plastiques rejetés dans l’océan est évaluée à 300 millions de tonnes. Les chercheurs n’en ont dénombré que 40 000 tonnes.
 
 

Le plastique est entré dans la chaîne alimentaire océanique

 
Plusieurs raisons sont avancées pour expliquer ce phénomène. Les chercheurs expliquent que l’hypothèse la plus vraisemblable pour expliquer ce différentiel serait que les animaux marins auraient mangé le plastique ! Dans le magazine Science, les scientifiques expliquent que, quand le plastique flotte à la surface des océans, les vagues et les rayons du soleil peuvent le fragmenter en particules de plus en plus petites jusqu’à ce qu’elles soient si petites qu’elles commencent à ressembler à la nourriture des poissons. « Oui, les animaux mangent le plastique » dit l’océanographe Peter Davison de l’Institut Farallon de recherche avancée sur l’écosystème à Petaluma, en Californie. « Tout ceci est incontestable » affirme-t-il.
 
Il est toutefois très difficile de connaître les conséquences biologiques de ce phénomène. Lorsque les poissons ingèrent le plastique, ce matériau se retrouve forcément dans la chaîne alimentaire. Une partie est vraisemblablement dissoute par les toxines du poisson mais il est certain qu’une autre partie se retrouve sur les étals de nos marchés ou dans nos boîtes de conserve de thon ou d’espadon par exemple. Carlos Duarte, océanographe à l’université d’Australie Occidentale et co-auteur de cette étude, soutient dans le magazine Verge que « le plastique pourrait entrer dans la chaîne alimentaire océanique mondiale ». Ce sont les poissons qui dévoreraient nos poubelles et il souligne que nous faisons partie de la même chaîne alimentaire. Il ajoute : « les conséquences de ce phénomène sur l’écosystème sont encore inconnues ».

LIRE DANS UP : Microplastiques dans l’océan : de véritables continents poubelles

L’invasion des microbilles de plastique

 
Si les poissons dévorent une partie du plastique que nous rejetons, qu’en est-il du reste ? La décomposition du plastique en particules de plus en plus fines voguant au gré des courants est une hypothèse à retenir. D’autant que ces masses de particules décomposées sont enrichies par les rejets de microbilles de plastiques, de plus en plus présentes dans un très grand nombre de produits de consommation courante. Les microbilles en plastique se retrouvent en effet partout, et surtout dans nos produits cosmétiques – gommages pour la peau, shampoing, dentifrices, savons…. Huffington Post cite les chiffres du seul État de New York, où 19 tonnes de microbilles seraient rejetées dans les conduits tous les ans. Au Royaume-Uni, 16 à 86 tonnes de microplastique provenant des exfoliants pour le visage seraient rejetés dans les eaux tous les ans.
 
 
Selon une récente étude publiée dans la revue Environmental Science & Technology, plus de 8 000 milliards de microbilles s’invitent dans les habitats aquatiques… chaque jour. Leur taille, microscopique les empêche d’être filtrées lors de leur passage en usine de traitement des eaux usées. Une fois libérées en mer, ces microparticules ont un comportement très particulier : « Elles jouent un rôle de transport des contaminants, comme un buvard », explique au HuffPost François Galgani, chercheur à l’Ifremer. Il précise : « Ces billes de plastique servent de support à des espèces, qui peuvent se propager d’un bout à l’autre de la planète ». Ces espèces peuvent être des microbes qui, lorsqu’ils arrivent dans un milieu inconnu, peuvent déséquilibrer la faune et la flore locale, et contaminer plages et fonds marins.
Une étude de l’Ifremer, publiée dans les Comptes rendus de l’Académie américaine des sciences (PNAS), démontre que ces microbilles sont ingérées par toutes sortes de mollusques et perturbent gravement leur métabolisme. Les mollusques produiraient moins d’ovules et ceux-ci seraient de plus petite taille. De même, leurs spermatozoïdes seraient nettement moins mobiles, autant d’éléments compromettant gravement la reproduction de nombreuses espèces, et notamment les huitres.
 
 

Une nouvelle roche plastique tapisse le fond des océans 

Quand le plastique n’est pas ingéré par la faune, ou qu’il ne sert pas de planche de surf à quantité de microorganismes, il tombe au fond de l’océan. Ce matériau inerte et très difficilement dégradable s’intègre en masses de plus en plus nombreuses au sol, dans les fonds sous-marins. Une étude scientifique a même avancé qu’un nouveau type de roche étaient en train d’apparaître au fond des mers. Cette « roche », présentée pour la première fois par des chercheurs de l’Université de l’Ontario dans GSA Today, est appelée « plastiglomerate ».
 
Selon ces recherches, la dégradation de la matière plastique est un processus lent qui peut se produire mécaniquement, chimiquement (thermo- ou photo-oxydation), et à un degré moindre, biologiquement. La persistance de plastique dans l’environnement a été estimée être de l’ordre de centaines de milliers d’années, bien que cette longévité puisse encore augmenter selon les climats. Une étude récente examinant l’accumulation de débris de l’océan dans la baie de Monterey en Californie , à des profondeurs de 25 à 3971 mètres sur une période de 22 ans, montre que 33% de tous ces débris sont composés de déchets de plastique. Compte tenu des températures de l’eau et d’une diminution de l’exposition à la lumière UV à de plus grandes profondeurs à l’intérieur et au-dessous de la zone photique, les débris de plastique ont, à cette profondeur, un bon potentiel de persistance et, éventuellement, font progressivement partie de l’histoire des roches. En effet, piégés dans les sédiments, les plastiques se mélangent avec le substrat et créent de nouveaux fragments de plus grande densité, les « plastiglomerates ».
 
 
 
Ce terme désigne un matériau multi-composite, endurci par agglutination de roches et de plastiques fondus. Ce matériau est formé de combinaisons de basalte, de coraux, de coquillages, et de débris ligneux cimentés entre eux avec des grains de sable dans une matrice plastique.
Les chercheurs ont pu identifier toutes sortes de plastiques entrant dans la composition de ces nouvelles roches : fragments de cordes et de filets de pêche, restes de bouteilles et emballages, tuyaux, couvercles, etc.
Pour les chercheurs, ce nouveau matériau, dont il est vraisemblable qu’il sera retrouvé partout sur la planète, est un nouveau marqueur géologique, celui de l’Anthropocène. Cette expression forgée en 2000 par le prix Nobel de chimie Paul Crutzen sert à identifier l’époque géologique dans laquelle nous vivons ; époque qui aurait débuté avec la révolution industrielle, et succéderait ainsi à l’Holocène. 
À l’échelle géologique, nos plastiques deviennent ainsi les futurs fossiles de notre époque.
 
 
 

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