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La Pudeur des Mycètes, d’après Marine Nouvel

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Dans le cadre de sa résidence art et sciences, la Cité des sciences et de l’industrie présente l’installation La Pudeur des Mycètes – Chapitre II de l’artiste Marine Nouvel, jusqu’au 5 novembre 2023. Pour tisser des relations inattendues entre les corps et les champignons, à la recherche d’une symbiose poétique entre humain et non-humain. Une nouvelle occasion pour le public d’une rencontre originale avec la science, à travers le regard d’une artiste d’aujourd’hui.

Pour le chapitre I, présenté dans la Galerie de la Cité des sciences et de l’industrie du 7 mars au 15 juin, Marine Nouvel faisait se côtoyer des champignons colorés avec des morceaux de corps, réalisés en cire. Désormais, dans ce second volet, les corps humains semblent avoir fondu, recouvrant par endroits des fougères, des mauvaises herbes. L’épiderme de cette peau collante s’est répandu sur les branches, les feuilles, sur le lichen qui semble, lui, avoir retrouvé sa place au milieu des ruines de restes humains.

Ce deuxième chapitre raconte la métamorphose des corps et évoque la disparition des humains, dans un monde futur où la nature aurait repris ses droits. La Pudeur des Mycètes est une installation de huit mètres de long sur laquelle des morceaux de corps en cire côtoient des champignons colorés sur un sol terreux. Marine Nouvel fait ici cohabiter des éléments habituellement étrangers les uns aux autres : la chair et les « mycètes », qu’elle a créés tantôt en céramique, tantôt en résine. Jambe, bras, pied se mêlent aux champignons, qui ne sont ni des plantes, ni des animaux. Ce faisant, l’artiste crée un monde imaginaire, dont les dimensions poétiques et sensorielles prédominent, en interrogeant notre rapport avec le vivant.

Marine Nouvel  explique : « Je ne sais pas si les corps que je forme sont les ruines d’un monde qui s’étiole ou de nouvelles mues, des souvenirs ou l’hypothèse de nouvelles symbioses. Entre les corps humains et les mycètes s’opère une nouvelle forme de séduction, le désir d’une fluidité, d’une transition. À chaque instant les corps se transforment, au rythme des variations dans les sols, le climat, les saisons, redéfinissant leur identité. »

Comment faire terre commune ?

Depuis plusieurs mois, Marine Nouvel a consacré son temps à mener des recherches sur le champignon, cet être étrange qui n’est ni un végétal, ni un fruit, ni une fleur et pas même un animal… Il appartient au règne des fungi ou mycètes. En les observant, en les étudiant, l’artiste s’est peu à peu intéressée à la manière dont notre propre corps, affecté par « la pesanteur de la chair », pouvait faire « corps commun » avec ces champignons.

« Devenir champignon n’est pas une mince affaire, il faut se délester de sa peau, devenir réseau, racine, entrer dans la terre, devenir multiforme, ubiquiste » confie Marine Nouvel.

Il s’agit pour elle, imprégnée notamment de la pensée de Donna Haraway, de « sortir de l’idée de compétition et d’explorer la notion d’espèces compagnes. » Or notre corps, justement, est déjà l’hôte d’une multitude de formes de vies. Notre enveloppe corporelle n’est qu’une interface de passages : de même que nous traversons le monde, le monde nous traverse sans cesse en retour et certaines formes restent en nous et nous habitent.

Dans l’installation qu’elle propose, Marine Nouvel invente un écosystème qui brouille les frontières entre des êtres vivants (mousses, champignons, micro-organismes) et les représentations de ces mêmes formes. Dans ce chemin de terre de près de huit mètres, certains champignons poussent réellement devant nous, au rythme de l’exposition. D’autres ont été créés en céramique, d’autres encore sont figés dans une résine transparente. Émergeant de cette terre fertile et partagée, des fragments de corps semblent vivre en harmonie… Un genou, un pied, des fesses complètent un paysage où le corps humain n’est plus surplombant, dominant, mais intégré et dispersé, comme habité d’un même désordre de vie.

©Universcience. Photo : R.P. Ribière

L’artiste explique s’intéresser à « une société plus équilibrée dans laquelle les relations sont plurielles, changeantes et interdépendantes. […] L’intelligence sensible des champignons, leur pudeur et leurs mystères tapissent le sol terreux de mon installation. Je propose ici de regarder la terre, le compost, comme des strates de langages, des couches du passé, du présent et du futur. Parmi les corps qui se mêlent à la terre, parmi la chair molle, surgissent des résurgences du passé, des êtres qui ne cessent d’absorber le monde. »

Au fond de l’espace d’exposition, l’artiste propose une création vidéo, comme un prolongement ou un horizon de ce paysage plastique. On y voit trois femmes nues qui lentement forment, déforment et informent leur corps. Leur mystérieuse chorégraphie se déplie au rythme lent du monde des vivants, des cellules, des organismes. Elles semblent nous inviter, avant qu’il ne soit trop tard, à muer enfin pour commencer notre métamorphose.

Marine Nouvel, une artiste de l’intime, engagée

Née en 1994, Marine Nouvel vit et travaille au Havre. Elle a débuté sa formation artistique à Paris en BTS Design Graphique puis à l’École Supérieure d’Art et Design Le Havre-Rouen (ESADHaR), où son parcours a pris une tournure singulière lors de son entrée dans le pôle Arts, Médias, Environnements. Cette formation complète lui a permis d’aborder différents supports, du numérique au biologique.

Sa pratique artistique a évolué, pour devenir plus intime et engagée, en prenant pour ligne conductrice son rapport au corps et au parasite, au désir de la chair, à la symbiose humain-végétal, ces thèmes qui l’ont conduite vers la performance, l’installation et la sculpture.

Depuis 2018, Marine Nouvel poursuit ses recherches dans le cadre de résidences et d’expositions, notamment à l’Usine Utopik à Tessy-Bocage, aux Ateliers de La Ville en Bois à Nantes ou à Ramdam à Lyon. Son travail a été exposé au Musée d’art de Saint-Lo, à la Bomb Factory Foundation sous le commissariat du collectif Bad Art à Londres ou encore pendant le Festival Tarmac au Palais de Tokyo à Paris.

Faire dialoguer art et sciences

Comment les artistes intègrent-ils les connaissances fondamentales dans leurs recherches plastiques et théoriques ? Depuis 2021, la Cité des sciences et de l’industrie a mis en place tout au long de l’année, un programme art et sciences alternant cartes blanches et résidences artistiques. Offrir un lieu où se côtoient art, sciences et techniques donne une nouvelle dimension au projet culturel fondateur de la Cité des sciences et de l’industrie. Acquisitions des premières années ou commandes récentes, intégrées aux expositions permanentes et temporaires ou installées dans les espaces de circulation, les œuvres s’inscrivent dans une démarche réfléchie de convergence entre domaines distincts de la création humaine.

À l’automne 2023, la Cité donnera carte blanche à l’artiste visuelle et chercheuse Faye Formisano, à partir du 21 novembre. Présentée dans la Galerie, elle proposera une adaptation immersive du film They dream in my bones, plongeant le spectateur dans la découverte de « l’onirogénétique », une science que l’artiste a inventée, à la croisée de l’épigénétique, de la paléogénétique et de la science des rêves… Le but ? Entrer dans les rêves d’une personne via l’analyse de son squelette.

Bruno Maquart, Président d’Universcience, explique que «  Les résidences art et sciences de la Cité des sciences et de l’industrie ont pour ambition d’accompagner des artistes sur une durée d’un an, en leur offrant la possibilité de présenter au grand public, le temps d’une exposition, leurs projets. Pour la deuxième édition de ce programme permettant d’explorer les relations entre création artistique et recherche scientifique, la Cité a sélectionné la plasticienne Marine Nouvel. »

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