Depuis son retour à la Maison-Blanche en janvier 2025, Donald Trump a pris une série de décisions qui inquiètent profondément la communauté scientifique. Des coupes budgétaires massives frappent les agences fédérales de recherche comme le National Institutes of Health (NIH) et la National Science Foundation (NSF), menaçant des milliers de projets essentiels en climatologie, santé publique et sciences sociales. Par ailleurs, de nouvelles lois restreignent la liberté académique et rendent plus difficile l’enseignement de thématiques scientifiques comme l’évolution et le changement climatique. Dans ce contexte tendu, la désinformation prospère sur les réseaux sociaux, alimentant un scepticisme croissant envers la science. Face à ces menaces, les chercheurs et universitaires refusent de rester silencieux. Le mouvement « Stand Up for Science 2025 » est une réponse forte à ces attaques, rassemblant scientifiques, enseignants et citoyens pour exiger une politique fondée sur des faits et non sur des idéologies partisanes.
Depuis son lancement à la mi-février, « Stand Up For Science » s’est transformé en un mouvement national bénéficiant d’un soutien international. Leur objectif principal est de défendre la science en tant que bien public et pilier central du progrès social. Le 7 mars, ils organisent des événements officiels mobilisant les scientifiques et les défenseurs de la science à Washington DC, New York City, Chicago, San Francisco et 28 autres villes des États-Unis. Parmi les orateurs confirmés pour le principal rassemblement à Washington DC figurent le représentant Bill Foster, ainsi que des participants à des essais cliniques, des défenseurs des droits des patients, des représentants de la société civile, des représentants du secteur privé, des représentants de l’industrie et d’autres orateurs de premier plan qui seront annoncés.
Mais le 7 mars n’est qu’un début. Leurs objectifs politiques comprennent le rétablissement des financement scientifiques fédéraux, la réintégration des employés des agences fédérales licenciés à tort, la fin de l’ingérence et la censure gouvernementales dans la science et un engagement renouvelé en faveur de la diversité, l’équité, l’inclusion et l’accessibilité au domaine scientifique. Ils s’engagent également à donner les moyens d’agir aux scientifiques – et à tous ceux qui ont bénéficié des avancées scientifiques – à s’engager dans un plaidoyer soutenu dans les années à venir.
Une initiative citoyenne portée par des scientifiques
Fondé par cinq jeunes chercheurs — Colette Delawalla (Université Emory), Emma Courtney (Cold Spring Harbor Laboratory), JP Flores (UNC Chapel Hill), Sam Goldstein (Université de Floride) et Leslie Berntsen (stemEDify) —, le collectif « Stand Up for Science » a rapidement grandi pour rassembler plus de 100 bénévoles déterminés à protéger la science.
Le 7 mars 2025 marque une date importante pour la communauté scientifique : le mouvement citoyen veut défendre l’intégrité de la recherche, son financement et son indépendance face aux nouvelles pressions politiques et économiques. Si cette initiative est américaine, elle trouve écho bien au-delà des frontières des États-Unis, notamment au sein de la communauté francophone scientifique, qui s’engage également pour la défense des valeurs de la science.
Le 7 mars 2025, des manifestations auront lieu à Washington D.C. ainsi que dans plusieurs grandes villes, telles que Seattle, où Justin Gill, président de la Washington State Nurses Association, prendra la parole. Soutenu par de nombreuses organisations — notamment la Freedom Together Foundation, la Coalition for the Advancement and Application of Psychological Science, l’American Association of University Professors, l’Union of Concerned Scientists, la Genetics Society of America et l’Union des travailleurs de l’automobile —, le mouvement souhaite alerter sur les menaces qui pèsent sur la recherche scientifique aux États-Unis.
Un contexte scientifique sous pression
Le mouvement « Stand Up for Science » s’inscrit dans un contexte politique et social où la science fait face à de multiples attaques :
Politisation de la science : De nombreuses décisions récentes, qu’il s’agisse du climat, de la santé publique ou de l’éducation scientifique, sont guidées par des considérations idéologiques plutôt que par des faits scientifiques.
Coupes budgétaires : Le financement des institutions scientifiques et des agences fédérales, comme le National Institutes of Health (NIH) ou la National Science Foundation (NSF), est en danger, notamment dans des domaines comme les sciences sociales, la climatologie et la santé publique.
Propagation de la désinformation : L’essor des réseaux sociaux a facilité la diffusion de fausses informations sur des sujets scientifiques cruciaux tels que les vaccins, le climat ou l’évolution.
Atteintes à la liberté académique : Certaines lois restreignent les sujets pouvant être enseignés dans les écoles et universités, mettant en danger la liberté des chercheurs.
Face à ces menaces, « Stand Up for Science » ne se contente pas de réagir, mais mobilise activement chercheurs, enseignants, professionnels de la santé et citoyens pour garantir que la science reste au cœur des décisions publiques.
Une mobilisation au-delà des États-Unis : la solidarité de la communauté francophone
L’initiative « Stand Up for Science » ne laisse pas indifférente la communauté scientifique francophone. Le Conseil des rectrices et recteurs des universités francophones de Belgique (CRef) a publié un communiqué le 20 février 2025, exprimant son inquiétude face aux attaques contre la science aux États-Unis et affichant sa solidarité avec les institutions et chercheurs concernés.
De plus, dans un geste fort, les universités de la Fédération Wallonie-Bruxelles ont co-signé une lettre ouverte adressée aux scientifiques et universitaires américains, sous la coordination de l’American Psychological Association. Cette lettre affirme un engagement indéfectible envers la quête scientifique, mettant en avant la nécessité de défendre et protéger l’intégrité, l’autonomie et l’objectivité de la recherche, mais aussi d’assurer son financement et ses ressources. (Voir la lettre traduite dans encadré ci-dessous) :
« VOTRE TRAVAIL EST PLUS QUE JAMAIS NÉCESSAIRE.
La science et l’innovation américaines ont fait progresser l’humanité depuis des générations. La poursuite de la science a conduit aux plus grandes avancées de l’humanité, améliorant la vie des gens et la santé de notre planète. Mais aujourd’hui, la science est menacée. Le Pew Research Center a constaté que la proportion d’Américains qui affirment que la science a eu un effet essentiellement positif sur la société a diminué et que la confiance du public dans les scientifiques n’a cessé de s’effriter. En cette période imprévisible, nous devons nous rappeler ce qui n’a pas changé. Nous avons besoin de la recherche scientifique pour assurer la santé et la sécurité des personnes et de notre planète. Nous avons besoin de décisions politiques fondées sur la recherche et les données. Nous avons besoin de chercheurs et d’éducateurs qui recherchent les vérités scientifiques et préparent la prochaine génération à poursuivre ce travail essentiel. La science est au cœur de nos missions et nous restons fermement engagés à soutenir, élever et défendre la science et ceux qui la font avancer. Tel est notre engagement envers vous. Nous défendrons l’intégrité scientifique, y compris la liberté académique, l’inclusion de perspectives diverses et des politiques fondées sur des preuves scientifiques. Nous nous battrons pour que le financement de la recherche soit stable et prévisible, afin de permettre aux scientifiques de poursuivre des recherches ambitieuses et de faire des découvertes significatives. Nous veillerons à ce que les experts comme vous disposent des ressources dont ils ont besoin pour poursuivre leurs recherches en toute autonomie et intégrité, y compris en ce qui concerne les ensembles de données essentielles. Nous continuerons à faire comprendre aux autres l’importance de la science en tant qu’approche objective et impartiale de la compréhension de notre monde. Les vérités scientifiques sont impartiales. Il n’a jamais été aussi important de s’engager à nouveau en faveur de la connaissance scientifique et de veiller à ce que vous ayez accès aux données, que vous soyez libres de toute censure et que vous puissiez effectuer votre précieux travail. Nous nous engageons à travailler chaque jour pour que les chercheurs qui ont consacré leur vie à la découverte et à la vérité puissent continuer à travailler en toute sécurité afin d’améliorer les conditions de vie et d’être bénéfiques à la société.
Je vous prie d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de mes salutations distinguées. »
Signataires : American Anthropological Association American Association for Dental, Oral, and Craniofacial Research American Association for Public Opinion Research American Association for the Advancement of Science American Association of Immunologists American Association of Physics Teachers American Geophysical Union American Industrial Hygiene Association American Institute of Biological Sciences American Meteorological Society American Physiological Society American Political Science Association American Psychological Association American Psychological Association Services Inc. American Society for Cell Biology American Society for Microbiology American Society for Pharmacology and Experimental Therapeutics (ASPET) American Society of Civil Engineers American Society of Plant Biologists American Sociological Association American Statistical Association American Thoracic Society Americans for Medical Progress Association for Behavioral and Cognitive Therapies (ABCT) Association for Computing Machinery (ACM) Association for Psychological Science Association for the Sciences of Limnology and Oceanography Association for Women in Science Association of Population Centers Computing Research Association Council on Undergraduate Research Entomological Society of America Federation of Associations in Behavioral & Brain Sciences Gerontological Society of America Linguistic Society of America National Council on Family Relations National Postdoctoral Association Population Association of America Population Researcher Psychonomic Society Society for Neuroscience Society for Personality and Social Psychology Society for Personality Assessment Society for Research on Adolescence Society for the Psychological Study of Social Issues Society of Behavioral Medicine The Association for Research in Vision and Ophthalmology (ARVO) The Wildlife Society
Dans une tribune publiée dans Le monde, un collectif de scientifiques français réagit à ce nouveau contexte de la Recherche aux USA : Valérie Masson-Delmotte, paléoclimatologue, Olivier Berné, astrophysicien chercheur au CNRS, et Alain Fisher, pédiatre et professeur d’immunologie, se font l’écho de ce mouvement de protestation contre la politique de l’administration Trump : « Défendons les sciences face aux nouveaux obscurantismes » et appellent citoyens et collègues, à rejoindre le mouvement « Stand up for Science », ainsi qu’à une journée de mobilisation nationale, ce même 7 mars, « dans un moment un peu orwellien, dans lequel deux et deux font cinq si Trump le décide, où les informations sont masquées, les données effacées, et les vérités scientifiques disparaissent« . Selon lui, l’Europe a « un rôle à jouer pour proposer une vision alternative, fondée sur le savoir et les connaissances, pour proposer un avenir émancipateur » et va « probablement » accueillir une fuite des cerveaux américains. « Ça aurait de la gueule que l’Europe se montre comme terre d’accueil pour tous ces chercheurs », estime pour sa part Alain Fisher.
« On peut penser à la révolution de Mao, l’Allemagne de 1933 ou la France de Vichy, où il y a eu ce type de chasse aux sorcières sur la communauté scientifique« , dénonce Valérie Masson-Delmotte, qui parle également d’un « maccarthysme » à l’encontre des scientifiques, alors que l’administration Trump a banni toute une liste de termes dans les demandes de subventions pour des projets de recherche, comme « équité », « égalité », « inclusion », « femme », « minorités », ou bien « stéréotypes ». « Si aujourd’hui, vous voulez comparer les conséquences d’une maladie entre hommes et femmes, vous êtes retoqués, c’est dire l’absurdité« , regrette Alain Fisher. Selon lui, l’administration Trump « n’aime pas la fonction publique, n’aime pas les faits scientifiques et n’aime pas les minorités ».
« Ça pose la question de ce qu’il se passe aussi en France, notamment en direction des sciences sociales, des procès en prétendu ‘wokisme' », estime Olivier Berné, lui qui travaille sur le projet James Webb, victime de 20% de coupes budgétaires. « Le glissement qui s’opère prend des années, et il est important de rappeler que les faits scientifiques ne sont pas la même chose que des opinions. » (1)
En écho à « Stand Up For Science » aux États-Unis et face aux menaces contre les institutions scientifiques, des actions auront lieu dans chaque ville universitaire de France. Pour participer, rejoignez l’un des comités d’organisations.
La science est universelle et doit être défendue partout dans le monde. « Stand Up for Science 2025 » montre que les chercheurs ne sont pas seuls : des citoyens, des associations et des universités du monde entier les soutiennent.
Alors que les manifestations se préparent aux États-Unis, il est essentiel que cette mobilisation inspire d’autres initiatives à l’international. La science, libre et intègre, est un pilier fondamental de nos sociétés et doit être protégée contre toute tentative de la détourner de son objectif premier : faire avancer la connaissance pour le bien commun.
(1) Source : France Inter, 05/03/2025