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Coronavirus : de quoi les personnes âgées sont-elles le nom ?

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Face aux déclarations d’Emmanuel Macron sur la poursuite du confinement à compter du lundi 11 mai, pour les « personnes âgées, en situation de handicap sévère » et aux « personnes atteintes de maladies chroniques », la polémique met en avant une sorte de ségrégation sociale anti-vieux, particulièrement inacceptable. Un salutaire retour en arrière du Président de la République appelle à la « responsabilité individuelle » de chacun, insistant sur une prévention drastique destinée à ce « public fragile », comme l’a indiqué dimanche 19 avril le ministre de la Santé, Olivier Véran. Mais que nous disent ces mesures d’isolement social sur notre société contemporaine ?

TRIBUNE LIBRE

Voyage au bout du confinement

La pandémie en cours a eu son lot de polémiques, mais la plus récente, celle sur la prolongation du confinement des personnes âgées, a eu quelque chose de vertigineux, nous a interrogés au plus profond de nous-mêmes.

Comme toujours, la forme est signifiante ; en l’occurrence, elle a été particulièrement brutale. On se serait attendu sur un tel sujet à une argumentation, un processus de décision concerté. A la place, des déclarations abruptes, celles d’Ursula von der Leyen, la Présidente de la Commission Européenne, du Professeur Delfraisssy, président du Conseil scientifique covid-19 du Président de la République, déclarant qu’il fallait confiner les personnes âgées jusqu‘à ce qu’un vaccin soit trouvé.

Une responsable européenne, un expert, n’ont pas charge de gouvernement. Or le sort qui doit être réservé aux personnes âgées est éminemment politique puisqu’il interroge les fondements ultimes de nos civilisations : décider d’exclure une partie de l’humanité de la vie des hommes est d’une profondeur insondable. Les réactions, qui ont fait reculer l’Elysée, qui parle désormais de volontariat, ont heureusement, recentré le débat.

Les meilleurs spécialistes français du vieillissement, Marie de Hennezel, Serge Guérin, une personnalité comme Axel Kahn, ont employé des mots forts « stigmatisation des seniors dont on pense qu’ils ne contribuent plus à la société », « Apartheid générationnel », « mesure inconstitutionnelle et discriminatoire ». Le point commun de ces réactions et de toutes les autres ? Que maintenir ou non les seniors dans la société relève d’une décision sociétale, philosophique, politique, et qu’elle ne doit pas être traitée avec la froideur technocratique qui envahit progressivement nos sociétés.

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L’invention de la fracture générationnelle

Cet épisode s’est inscrit dans une séquence beaucoup plus longue, en France et dans le monde, de désarrimage continu des personnes âgées du fonctionnement de nos sociétés modernes. En France, les différentes mesures prises depuis l’élection d’Emmanuel Macron, augmentation de la CSG de 1,7 % sur les retraites, plafonnement de la revalorisation de pensions à 0,3 %, étaient la traduction économique de deux grandes idées :
– La priorité donnée à la production, donc au travail. Les retraités, par nature, doivent donc être mis à contribution ;
– La compensation intergénérationnelle entre les retraités, censés avoir été privilégié, par le plein emploi, et l’augmentation de la dette publique.

Au-delà de l’aspect économique de ces mesures-qui peut être discuté mais qui a sa logique, ce qui s’est fait jour à cette occasion est la lente montée d’une certaine partition entre les générations. Des déclarations comme « Les retraités d’aujourd’hui font partie d’une génération dorée ! Et s’ils ont travaillé toute leur vie, ça ne suffit pas comme argument *» sont une petite musique, nouvelle, qui a commencé à se faire entendre.

Dans le monde, l’expression « OK Boomer » lui fait écho. Elle est devenue emblématique d’une nouvelle fracture que l’humanité est en train d’inventer : la génération de l’après-guerre, née entre 1946 et 1964, aurait des comptes à rendre car elle aurait détruit la planète, endetté les pays, bref, forgé par son avidité et son insouciance un avenir sombre aux générations suivantes. Le phénomène Greta Thunberg ne dit pas autre chose.

L’inclusion des personnes âgées, marqueur de notre civilisation

Comment penser cette situation inédite ? Elle est finalement assez cohérente avec les fondements de nos sociétés modernes. Nous avons construit une civilisation tout entière fondée sur le mode du projet permanent, non pas tentative de s’accomplir, mais volonté de se dépasser perpétuellement, dans une tension de tous les instants vers le futur, censé être le porteur unique de valeurs positives.
Or, être un senior, c’est à la fois avoir moins de temps devant soi et n’être plus dans le monde du travail. Ainsi, plus on s’avance en âge, moins on correspond à ce que demandent nos sociétés, à leur identité profonde. Ce que nous observons, la désinvolture du débat sur la prolongation du confinement des personnes âgées, OK Boomer, ne sont que des symptômes d’un mouvement profond, d’une tectonique des plaques qui fragmente les générations entre elles, lentement mais surement.

L’enjeu n’est pas mince, dans un monde, qui, justement, va compter de plus en plus de personnes âgées. Nous avons, dans le passé, trouvé les ressources en nous pour passer de situations d’exclusion à des dynamiques plus inclusives. Ça a été le cas, pour partie en tout cas, pour la couleur de peau, pour l’égalité entre les sexes…

De quoi les personnes âgées sont-elles le nom ? De l’humanité que nous voulons construire, qui n’aura de sens que si la solidarité entre les générations reste ce qu’elle a toujours été, si nous sommes capables de dépasser la fracture générationnelle qui s’installe peu à peu. Le visage d’une personne âgée, c’est notre visage, c’est le reflet de notre humanité, c’est le reflet de la façon dont nous voulons exister, c’est le nom de la civilisation que nous construirons.

Dominique Boulbès, président d’Indépendance Royale

*Eric Alauzet, député du Doubs, mars 2018

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