VivAgora, l’Unesco et une trentaine de partenaires placent la bioindustrie dans l’arène éthique et politique
On le pressent tous, le monde vivant est en train de prendre le relais… du pétrole. Alors que les matières premières non renouvelables se raréfient, que le réchauffement climatique risque de dépasser les 2°C à la fin du siècle, le capital naturel ou « biomasse » que constituent les forêts, les cultures, les mers et plus généralement tous les organismes vivants, devient la ressource… inépuisable. Si tant est que nous la ménagions ! Et si utilisation rimait avec régénération. C’est bien le défi de ce début de XXIe siècle.
Agrocarburants, bioplastiques, produits chimiques « biosourcés » montrent la voie d’une bioéconomie qui mise sur le vivant. Selon l’OCDE, le marché mondial des biotechnologies industrielles pourrait atteindre quelque 300 milliards d’euros par an d’ici 2030, cinq à six fois plus qu’aujourd’hui.
La pression monte pour explorer et extraire les richesses de la biodiversité, accroître les rendements des plantes, produire diverses substances et matériaux dans des végétaux, des animaux et des microorganismes, fabriquer des êtres synthétiques capables de nouvelles fonctions, créer de la viande artificielle…
Biopouvoir et biocapital
Il s’agit après tout de nourrir 9 milliards d’humains à l’horizon 2050, et d’assouvir leurs besoins énergétiques et en matériaux !
Des multinationales dominent déjà la course à la biomasse : celles du monde énergétique (Exxon, BP, Chevron, Shell, Total…), pharmaceutique (Roche, Merck…), alimentaire (Unilever, Cargill, DuPont, Monsanto, Procter&Gamble…) et de l’industrie chimique (Dow, BASF…). Elles entendent optimiser les performances des organismes par diverses technologies : génie génétique, ingénierie métabolique, biologie de synthèse, chimie verte…
L’industrialisation de la biologie
Ces projets constituent de réelles perspectives pour répondre aux défis alimentaire, environnemental, climatique et énergétique… sous réserve d’user raisonnablement et durablement des écosystèmes et des vivants terrestres et marins, d’organiser un partage des bénéfices qui en résultent, ainsi qu’un contrôle public et démocratique de ces usages.
Car le risque est là que la concentration des pouvoirs au sein de consortiums « agro-info-énergétiques », l’accaparement des ressources naturelles par les droits de propriété et les brevets dépossèdent les populations et les pays de l’accès à ces « biens communs », et amenuisent leur sécurité alimentaire et énergétique. Des approches scientifiques et techniques, qui misent sur un rapport respectueux avec les écosystèmes et les droits des populations, telles l’agroécologie, l’agroforesterie, l’élaboration de produits « bioinspirés », montrent qu’utiliser durablement les ressources naturelles est possible… et avec de bons rendements.
La bioéconomie peut-elle être responsable ?
Avec les Assises du vivant, VivAgora, l’Unesco et leur vingtaine de partenaires veulent interroger les usages du vivant, leur pertinence et leur soutenabilité. Le sujet est crucial pour nos démocraties, confrontées à d’énormes enjeux écologiques, sanitaires et éthiques après l’échec de Rio+20. Cet événement peut être l’un des creusets d’où émergeront des critères d’une bioéconomie responsable et d’une écologie sociale.
Parmi les intervenants :
Dominique Bourg, philosophe, Université de Lausanne ; Sandrine Bélier, députée européenne EELV ; Pierre Monsan , porteur du projet Toulouse White Biotechs ; René Passet, économiste ; Vincent Schächter, Vice-President Recherche & Développement Total Nouvelles énergies ; Hélène Tordjman, économiste ; Pierre-Henri Gouyon, évolutionniste (MNHN) ; Pierre Calame, Président de la Fondation Léopold Mayer ; Bernadette Bensaude Vincent, Philosophe, présidente de VivAgora ; Alain Lipietz, économiste.
{jacomment on}