Des capteurs intelligents sortent aujourd’hui des laboratoires des grandes entreprises et des grandes universités pour se diffuser dans la société, trouvant ses usages dans des projets citoyens, comme le réseau Citoyens Capteurs.
En septembre 2012, l’Institut de veille sanitaire publiait l’enquête « APHEKOM » sur les effets de la pollution atmosphérique en ville. Dans les villes étudiées, les valeurs de particules et d’ozone sont supérieures aux valeurs recommandées par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), ce qui conduit à réduire l’espérance de vie de 3,6 à 7,5 mois.
Un simple respect de ces valeurs permettrait un bénéfice économique estimé à près de 5 milliards € par an.
La pollution atmosphérique est pour une large part « invisible ». Dans les 15 mètres cubes d’air respirés chaque jour par un adulte, se concentrent quantités de produits dangereux pour la santé qui ne sont pour la plupart ni vus ni sentis. Pour sortir de ce cercle vicié de l’invisibilité menaçante et de la peur impalpable, un collectif d’ingénieurs et de sociologues, réunis au sein de l’association Labo Citoyen, a lancé depuis près d’un an, un programme de recherche et d’action, Citoyens Capteurs, autour de la question de la pollution urbaine.
Dans le sillage des actions menées par un réseau de citoyens japonais aux lendemains de la catastrophe nucléaire du Fukushima en mars 2011, et à la faveur du développement de technologies ouvertes de mesure (open hardware) par des techy savvy, (c’est-à-dire des professionnels des sciences et des techniques agissant au service de société civile et parfois appelés à tort « geeks » ou « amateurs»), les Citoyens Capteurs œuvrent au déploiement d’un mouvement social de mesures situées de pollution à l’endroit où chacun vit et respire.
Ce projet suppose d’outiller les habitants des territoires pour leur permettre de produire par eux-mêmes et à leur échelle une connaissance plus transparente de la pollution. Les dispositifs communicants de captation et de mesure de la pollution atmosphérique inventés dans ce cadre visent à proposer des solutions innovantes et accessibles au plus grand nombre afin de produire un savoir localisé, partie prenante d’une intelligence collective environnementale.
L’enjeu de la production et du partage ouverts de données de pollution (opendata) issues d’un réseau de capteurs citoyens, à la fois complémentaires et commensurables de par leur qualité de mesure avec les taux globaux des organismes certifiés analysant la qualité de l’air, renvoie in fine à des questions de citoyenneté.
La capacité technique de générer des mesures situées de pollution permet d’engager citoyens, associations, entreprises, pouvoirs publics dans un pacte de factualité responsabilisant. Ce sont ainsi des questions de justice environnementale qui peuvent être posées sur la base de la connaissance de son environnement par des citoyens qui en sont les veilleurs, lanceurs d’alerte et les interprètes au travers de tels dispositifs de mesure et de partage de données de pollution.
Article de Laurence Allard , maître de conférences, sociologue de l’innovation, Université Lille/IRCAV-Paris 3 ; d’Olivier Blondeau , docteur en sociologie politique ( Sciences Po Paris/CEVIPOF) ; et de Gabriel Dulac-Arnold , ingénieur, doctorant en intelligence artificielle, Université Paris 6- LIP6-UPMC. Paru dans Bâtissons une planète plus intelligence – Novembre 2012
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