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Avec qui venez-vous au Musée ?

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En complicité avec la philosophe Vinciane Despret, invitée intellectuelle du Centre Pompidou en 2021-2022, le Musée du Centre Pompidou présente trois salles qui évoquent les nouveaux régimes d’attention au vivant. Ces accrochages s’inscrivent dans le programme « Avec qui venez-vous ? » qu’elle a imaginé pour le Centre Pompidou cette année. Exposition jusqu’au 27 juin 2022.

Nous connaissons tous Vinciane Despret. Philosophe et psychologue, professeure à l’université de Liège, elle a publié de nombreux livres sur les animaux et leurs scientifiques (Quand le loup habitera avec l’agneau, Penser comme un rat, Que diraient les animaux si on leur posait les bonnes questions ?) ainsi qu’un livre pour enfants, Le Chez-Soi des animaux et Habiter en oiseau.
Après avoir découvert le travail des éthologues, elle oriente ses recherches vers la philosophie des sciences. Elle ne cesse d’interroger notre rapport aux animaux à travers quantité d’ouvrages reconnus internationalement, dont le dernier, Autobiographie d’un poulpe, est sorti en avril 2021 chez Actes Sud.

Vinciane Despret est l’invitée intellectuelle du Centre Pompidou à Paris pour la période 2021-2022 ; elle y organise ainsi toute une série d’événements, tout au long de l’année.

Sauvées du vivant – Salle 2, niveau 4

Annette Messager, « L’ombre dessinée sur le mur » © Adagp, Paris, 2022 © Centre Pompidou, MNAM-CCI/Philippe Migeat/Dist. RMN-GP

Vinciane Despret souhaite réinterroger notre place dans les milieux que nous habitons, que nous partageons avec d’autres êtres et qui nous font vivre. De ce point de vue, cette salle s’attache à souligner l’un des paradoxes inhérents à la mission fondamentale des musées : si des vivants font bien l’objet de multiples représentations témoignant de ces régimes d’attention, et s’ils font même parfois partie intégrante du processus créatif, à l’instar de Mystery Box (1990-1999) de David Koloane contenant différents fragments animaux, en même temps, pour assurer la persistance des œuvres placées sous sa garde, les musées se doivent de combattre, voire d’éliminer, tous les vivants – insectes, champignons, bactéries, etc. – qui peuvent les « infester » durant leur transport ou leur exposition.

Différentes opérations propres aux métiers de la conservation préventive, comme l’anoxie, qui consiste à placer pendant plusieurs semaines une œuvre dans un environnement privé d’oxygène, permettent ainsi de sauver – mais toujours temporairement – les œuvres du vivant. Ne serait-ce pas là alors un des caractères de nombreuses œuvres, que révèle et assume tout ce travail de protection : la fragilité de leur existence en relation avec d’autres êtres ? 

Par Nicolas Liucci-Goutnikov, conservateur, chef du service de la Bibliothèque Kandinsky, Musée national d’art moderne

Ornithologie passionnelle – Salles 5 et 7, niveau 4

Les nouvelles alliances entre l’animal et l’humain, de même que la question des territoires dont fait état la philosophe Vinciane Despret sont intimement liées aux expérimentations que la création artistique mène sur le vivant. 

Au début des années 1970, Annette Messager foule aux pieds un moineau mort sur le macadam parisien. Sa pratique fondée sur des rituels forme alors un petit théâtre de la condition humaine. Par l’apprivoisement post-mortem de l’oiseau et de ses congénères, elle joue sur l’ambivalence propre au maternage, entre tendresse et agression. Le cérémonial et les pratiques séculaires du soin définissent dans ces mêmes années l’approche sculpturale et filmique de Nancy Graves.

D’abord élaborées par le dessin, les séquences du film Aves montrent le vol chorégraphié des flamants roses et des frégates, traduit par le cadrage cinématographique en une double interdépendance : le vol de l’oiseau induit la structure de l’œuvre, comme l’animal et son milieu se construisent l’un l’autre. L’animalité magique innerve la pensée mythique propre au mouvement CoBRA. Pour l’artiste danois Carl-Henning Pedersen, l’oiseau ou le cheval sont, avec la Lune ou le Soleil, les vecteurs d’une sortie de soi. Dès lors, l’œuvre d’art qui capte un peu de cette puissance animale traduit aussi toute la fragilité écologique de nos liens.

Par Aurélie Verdier, conservatrice de la collection moderne, Musée national d’art moderne

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