En prévision du vote à l’Assemblée nationale le 5 mai puis de l’examen du texte au Sénat, le Spiil et le GESTE alertent sur les menaces constituées par le projet de loi relatif au renseignement. Le Spiil et le GESTE demandent instamment aux parlementaires de voter contre ce texte en son état actuel dans le cadre de la procédure accélérée imposée par l’exécutif. Ils souhaitent que la représentation nationale prenne le temps d’une meilleure analyse des conséquences du texte actuel sur la liberté d’informer, d’une plus grande cohérence des initiatives législatives et de la préservation du principe d’équilibre entre la liberté d’expression et ses restrictions, élément essentiel de la loi de 1881 sur la presse.
Ce projet de loi prévoit un élargissement des mesures de surveillance administratives pour des motifs généraux incluant non seulement “la prévention du terrorisme” mais encore les “intérêts économiques, industriels et scientifiques majeurs de la France”, les “intérêts majeurs de la politique étrangère” ou “la prévention des violences collectives”.
Les services de l’État seraient en mesure de collecter des méta-données, d’intercepter des télécommunications, de surveiller des lieux privés, de localiser des véhicules, ou encore d’accéder aux données des sociétés de transports, et ce s’agissant de personnes suspectées mais aussi de personnes pouvant jouer un rôle “d’intermédiaire” qu’il soit “volontaire ou non” ainsi que de leur “entourage”.
Ces concepts, ainsi que d’autres, laissent ouvertes des marges d’interprétation incompatibles avec, notamment, la Convention Européenne des Droits de l’Homme et la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen.
L’amendement adopté pour introduire un traitement particulier de certaines professions, dont les journalistes, n’offre pas de garde-fou suffisant à la liberté d’informer et d’être informé, et ne répond pas aux inquiétudes des entreprises de presse.
Manque de contrôle des activités de renseignement
L’amendement se limite à renforcer l’encadrement des activités de renseignement par la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement et le Premier ministre.
Il laisse inchangées les dispositions de fond, sans présenter de contrôle suffisant des activités de l’exécutif, sans tenir compte des finalités du droit de la presse et sans intervention du juge pénal.
Fragilisation de la protection des sources
Le principe de la protection des sources apparaît gravement fragilisé, alors même que le projet de loi sur le secret des sources, promis depuis 2012 pour mettre fin à des ambiguïtés de la loi du 4 janvier 2010 que l’on retrouve dans le projet de loi actuel, est sans cesse reporté par le gouvernement.
En effet, la distinction à priori, dans le cadre d’une collecte massive des données, d’une profession protégée paraît impraticable, et donc illusoire.
Dans ce cadre, le Spiil et le GESTE soulignent le fait que seul le recours à des procédés de chiffrement permettrait aux médias d’assurer et de préserver la protection des sources journalistiques.
Menace sur la loi de 1881
L’ensemble de syndicats de presse et d’agences de presse a récemment rappelé son attachement à la loi de 1881 : cette loi spéciale, et non d’exception, vise à garantir la libre diffusion de l’information dans le respect d’un équilibre propre à garantir également les droits du citoyen et de la société. Le projet de loi sur le renseignement met en danger ce fragile équilibre. En provoquant une nouvelle incursion du droit général dans le droit de la presse, il risque de déstabiliser le principe de libre diffusion de l’information.
( Source : CP SPIIL – 4 mai 2015)
Illustration de The Globe and Mail – 2013 : USA