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Une dictature de Trump de plus en plus inévitable

Une dictature de Trump de plus en plus inévitable

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Le Washington Post publie une longue tribune de son rédacteur en chef, le politologue et essayiste renommé, Bob Kagan. On ne peut reprocher à ce dernier de mâcher ses mots :  « Il y a un chemin clair vers la dictature aux États-Unis, et il se raccourcit de jour en jour  » lance-t-il, poursuivant : « Une dictature de Trump est de plus en plus inévitable. Nous devrions arrêter de faire semblant. » Kagan soutient qu’une dictature est beaucoup plus proche que les Américains ne le réalisent, et esquisse ce qui se passera lorsqu’elle commencera. Une vision effrayante d’une réalité qui risque fort de se réaliser, dont UP’ Magazine publie ici quelques feuilles.

« Arrêtons de prendre des vessies pour des lanternes et regardons la dure réalité en face : Le chemin qui mène à la dictature aux États-Unis est tout tracé, et il se raccourcit de jour en jour ». C’est ainsi que commence l’article de Paul Kagan, publié ce 2 décembre par le Washington Post. Selon l’analyste politique américain, il ne fait aucun doute que Trump obtienne, dans treize petites semaines, l’investiture républicaine. Son avance sur ses concurrents est imparable : 47 points sur son plus proche compétiteur républicain. Plus encore, dans tous les derniers sondages, il est à égalité ou en avance sur le président Biden.

Pour Kagan, « la phase de pensée magique s’achève ». Sauf miracle ou accident inattendu, Trump sera le candidat républicain à la présidence. Dès lors, la dynamique du pouvoir politique changera rapidement et radicalement en sa faveur. Jusqu’à présent, les républicains et les conservateurs ont joui d’une relative liberté pour exprimer des sentiments anti-Trump, pour parler ouvertement et positivement des candidats alternatifs, pour critiquer le comportement passé et présent de Trump. Les donateurs qui trouvent Trump détestable étaient libres de distribuer leur argent pour aider ses concurrents. Les républicains de l’establishment n’ont pas caché leur espoir de voir Trump condamné. Mais dès que Trump remportera le Super Tuesday, cette phase sera terminée. A ce moment-là, il sera plus puissant qu’il ne l’est déjà.

Un tsunami de soutiens

En réalité, cette phase a déjà commencé : nombreux sont les donateurs qui commencent à délaisser les autres candidats au profit de Trump. Ses concurrents républicains se sont quasiment tous engagés à soutenir Trump s’il était désigné. Celui-ci est certain de voir tout le beau monde républicain venir quémander ses faveurs. Car tous savent qu’être colistier d’un président qui aura 82 ans en 2028 ouvre des perspectives politiques alléchantes. Kagan remarque cyniquement : « un tsunami de soutien à Trump [viendra] de toutes les directions. Un vainqueur est un vainqueur. Et un vainqueur qui a une chance raisonnable d’exercer tout le pouvoir qu’il y a à exercer dans le monde va s’attirer des soutiens, quels qu’ils soient. Telle est la nature du pouvoir, à tout moment et dans toute société ».

En obtenant l’investiture, Trump redeviendra instantanément le centre de l’attention de tous : « il dominera le pays comme un colosse, ses moindres mots et gestes faisant l’objet d’une chronique ininterrompue ». Trump entrera donc dans la campagne des élections générales au début de l’année prochaine avec un élan, soutenu par des ressources politiques et financières croissantes, et un parti de plus en plus unifié. Peut-on en dire autant de Biden ? Le pouvoir de Biden est-il susceptible de s’accroître au cours des prochains mois ? Son parti s’unifiera-t-il autour de lui ? Ou bien les inquiétudes et les doutes des démocrates, déjà élevés, continueront-ils à croître ? Kagan rejoint une opinion qui enfle aux États-Unis, selon laquelle Joe Biden ne bénéficie pas des avantages habituels du président sortant. Car, après tout, Trump est lui aussi un président sortant. Cela signifie que M. Biden n’est pas en mesure de faire valoir l’argument habituel du président sortant selon lequel l’élection de son adversaire est un saut dans l’inconnu. il s’agira donc d’une bataille entre deux présidents éprouvés et légitimes.

Toutefois, les deux candidats ne sont pas à égalité car Trump bénéficie de l’absence de toute responsabilité dans la conduite des affaires récentes du monde. Or Biden doit en porter, seul, toute la charge. Et, durant son mandat, il n’a pas été gâté : invasion massive de l’Ukraine, attaque majeure contre Israël, inflation galopante, retrait désastreux de l’Afghanistan…

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De plus, dans le plateau de la balance, Trump a des avantages de poids : le soutien d’une presse conservatrice puissante, et depuis peu, le support indéfectible du président de la Chambre des représentants. Ce n’est pas le cas de Biden.

Trump bénéficie également d’un autre avantage. Moins d’un an avant l’élection, l’humeur nationale est au dégoût bipartisan du système politique en général. Rarement dans l’histoire américaine, le désordre inhérent à la démocratie n’a été aussi frappant. « Trump profite des dysfonctionnements parce qu’il est celui qui offre une réponse simple : lui » fait observer Kagan. Dans cette élection, un seul candidat se présente avec l’intention d’utiliser un pouvoir sans précédent pour faire avancer les choses, au diable les règles. Et un nombre croissant d’Américains prétendent vouloir cela, dans les deux partis. Trump se présente contre le système. Biden est l’incarnation vivante du système. Avantage : Trump.

Même les déboires judiciaires de Trump jouent, à ce titre, en sa faveur. Il semble évident que l’adversaire de Biden aurait préféré éviter de se trouver dans l’obligation de passer le plus clair de son temps dans les prétoires, avec la menace permanente de se retrouver en prison. Mais en réalité, Trump va utiliser cette situation à son avantage. Il veut utiliser les procès pour faire étalage de son pouvoir. C’est pourquoi il insiste pour qu’ils soient télévisés. In fine, le résultat le plus probable des procès sera de démontrer l’incapacité du système judiciaire américain à contenir quelqu’un comme Trump et, incidemment, de révéler son impuissance à le contrôler s’il devenait président.

Trump, Super président

« Si Trump remporte l’élection, il deviendra immédiatement la personne la plus puissante à occuper ce poste. Non seulement il exercera les formidables pouvoirs de l’exécutif américain – des pouvoirs qui, comme les conservateurs s’en plaignaient, se sont accrus au fil des décennies – mais il le fera avec le moins de contraintes de tous les présidents, moins encore que lors de son propre premier mandat. » En effet, Trump aura tout fait pour que son pouvoir ne soit limité d’aucune façon. Les institutions judiciaires défiées auront montré leur impuissance à contrôler Trump comme particulier, et encore moins comme président.

Le Congrès pourra-t-il plus le limiter ? Rien n’est moins sûr. Kagan rappelle que « le seul moyen dont dispose le Congrès pour contrôler un président voyou, à savoir la destitution et la condamnation, s’est déjà révélé pratiquement impossible ».

Quant à l’Administration, aura-t-elle les moyens de limiter un tel président ? Nul doute pour Paul Kagan que Trump mènera au sein de la haute administration américaine une véritable chasse aux sorcières ; il l’a déjà promis. Sa liste d’ennemis est longue et il sait parfaitement comment se venger. Mais il n’est pas le seul. Son administration sera remplie de personnes possédant leurs propres listes d’ennemis, un cadre déterminé de fonctionnaires « contrôlés » qui considéreront que leur seule mission, autorisée par le président, est d' »éradiquer » ceux qui, au sein du gouvernement, ne sont pas dignes de confiance. Beaucoup seront simplement renvoyés, mais d’autres feront l’objet d’enquêtes qui détruiront leur carrière. « L’administration Trump sera remplie de personnes qui n’auront pas besoin d’instructions explicites de la part de Trump, pas plus que les gauleiters locaux d’Hitler n’avaient besoin d’instructions » affirme Kagan. Il poursuit : « Dans de telles circonstances, les gens « travaillent pour le Führer », c’est-à-dire qu’ils anticipent ses désirs et cherchent à obtenir ses faveurs par des actes qui, selon eux, le rendront heureux, renforçant ainsi leur propre influence et leur propre pouvoir. »

D’autant que l’administration Trump disposera de nombreux moyens pour persécuter ses ennemis, réels ou supposés. C’est le cas de toutes les lois actuellement en vigueur qui donnent au gouvernement fédéral un énorme pouvoir de surveillance des personnes pour d’éventuels liens avec le terrorisme, un terme dangereusement flexible, sans parler de toutes les occasions habituelles d’enquêter sur des personnes pour évasion fiscale présumée ou violation des lois sur l’enregistrement des agents étrangers.

Si Trump gagne et emprunte une piste autoritaire voire dictatoriale, d’où peut venir la résistance ? Les Américains pourraient descendre dans la rue. Beaucoup y penseront certainement et le feront. Mais on peut d’ores et déjà prédire, puisqu’il l’a annoncé lors de son premier mandat, que Trump activera la loi sur l’Insurrection et réprimera durement tout soulèvement de la rue. L’armée peut-elle se rebeller contre le régime et désobéir aux ordres de son commandant en chef dûment élu et autorisé par la Constitution ? « Tout porte à croire que les troupes en service actif et les réservistes sont susceptibles d’être disproportionnellement plus favorables à un président Trump nouvellement réélu qu’aux « voyous de la gauche radicale » censés semer le désordre dans les rues de leurs villes et villages » estime Paul Kagan. D’ailleurs, qui peut souhaiter vraiment cette hypothèse hautement inflammable ?

La résistance pourrait venir des gouverneurs d’États majoritairement démocrates tels que la Californie et New York. Les États démocrates pourraient refuser de reconnaître l’autorité d’un gouvernement fédéral tyrannique. Ces entités seront-elles disposées à recourir à la force contre des manifestants pro-régime qui bénéficieront probablement du soutien public du président ? Ici encore, personne n’aura envie de tenter le diable avec cette hypothèse.

La pente fatale de la lâcheté

C’est ainsi que « la nation aura entamé une descente irréversible vers la dictature » conclut l’essayiste. Une analyse trop pessimiste penseront certains lecteurs. Car peut-être que Trump ne gagnera pas, ou, s’il gagne, qu’il ne fera aucune des choses qu’il dit vouloir faire. Ce qui est certain, pense Kagan, c’est que « les chances que les États-Unis tombent dans une dictature ont considérablement augmenté parce que de nombreux obstacles ont été levés et qu’il n’en reste plus que quelques-uns. S’il y a huit ans, il semblait littéralement inconcevable qu’un homme comme Trump puisse être élu, cet obstacle a été levé en 2016. S’il semblait alors inimaginable qu’un président américain tente de rester en fonction après avoir perdu une élection, cet obstacle a été levé en 2020. Et si personne ne pouvait croire que Trump, après avoir tenté en vain d’invalider l’élection et d’arrêter le décompte des votes du collège électoral, réapparaîtrait néanmoins comme le chef incontesté du parti républicain et son candidat en 2024, eh bien, nous sommes sur le point de voir cet obstacle levé également. En l’espace de quelques années, nous sommes passés d’une démocratie relativement sûre à une dictature possible en quelques mois. »

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Tout au long de ces années, une psychologie fatale a été à l’œuvre. À chaque étape, arrêter Trump aurait nécessité une action extraordinaire de la part des politiciens, des donateurs et même des électeurs. Une action le plus souvent contraire à leurs intérêts immédiats ou simplement à leur préférence voire à leur courage. Une sorte de lâcheté collective et de manque d’engagement profond envers la démocratie libérale. Une tendance illibérale qui n’est pas l’apanage des Etats-Unis et que l’on retrouve dans un nombre de plus en plus grand de pays et de sociétés ; singulièrement en Europe.

Lire la tribune intégrale de Paul Kagan dans le Washington Post

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