Ce n’est pas parce que les états des énergies et de la matière manifestent tous, naissance et mort, que la nature (l’essence, la source) des durées (du temps), eut un commencement et qu’elle aura une fin.
Bien que mesurable et pouvant être représenté par des symboles, le temps n’a aucune réalité physique ; les penseurs l’admettent tous.
Néanmoins le(du) temps peut être associé à des repères physiques (les aiguilles d’une montre, par exemple), ou à des chronologies par le biais d’équations mathématiques.
Or ce fait masque une très ancienne et funeste confusion des natures (des essences, des ordres) du temps et de l’espace inhérente au fait que l’espace entre des repères temporels peut être quantifié par des nombres, confusion, hélas, désormais confortée par la notion d’espace-temps imaginée par Hermann Minkowski (1864 – 1909) et adoptée par A. Einstein.
Une grandeur en effet, bien que quantifiée par des nombres, est aussi de par le sens qu’elle exprime, une entité abstraite c’est à dire une entité d’ordre transcendant ; précisons que par nature transcendante nous signifions nature primordiale différente de celle, physique, reconnue au réel sensible c’est-à-dire à ce qui est objectivé, « matérialisé ».
D’ailleurs, dans sa nature, cette association est semblable à l’union de l’esprit (du je, moi, ego, sujet) et du corps ; il s’agit d’une relation d’implication par le biais d’un domaine transcendant donc universel, ignoré des scientifiques et des philosophes, voire des théologiens, dont le domaine de l’abstraction est une facette singulière.
Mais alors pourquoi la dynamique de l‘univers révèle-t-elle l’existence d’un sens privilégié pour la variable temps et la persistance des unités physiques dans le temps, c’est-à-dire la prise en compte permanente du temps dans l’univers ?
Telle est bien la problématique qui n’a pas encore reçu de réponse crédible,
problématique essentielle car par exemple, selon la compréhension que l’on a du temps, l’univers pourra être reconnu soit comme ayant eu un commencement, soit comme préexistant de toute éternité.
Argumentons.
* Certes la compréhension du temps est largement consensuelle ; cependant nous ne sommes plus aux époques où l’on croyait, avec la plus grande assurance, que les idées qui, depuis toujours, ont été reconnues vraies par tous, ne peuvent être que vraies (quod ab omnibus, quod ubique, quod semper).
Rappeler les compréhensions du temps de la part des :
– Platon (-427, -348) qui ne pouvait dissocier le temps du Cosmos,
– Aristote (-384, -322) qui imaginait le mouvement comme le substrat du temps,
– St Augustin (354, 430) qui voyait dans le temps une distension de l’âme appréhendée par l’Esprit, qui aide à mesurer le passé par le souvenir, et le futur par l’attente,
– Newton (1642, 1727), qui l’ayant postulé « couler » uniformément, vit dans celui-ci l’ordre de la succession et dans l’espace l’ordre de la situation,
– Leibniz (1646, 1716) qui pressentait le temps et l’espace comme dépendant des événements qu’ils contiennent, l’espace donnant la possibilité d’ »existences » simultanées et le temps l’ordre d' »existences » successives,
– Kant (1724, 1804), qui reconnaîtra le temps et l’espace comme des intuitions pures de la sensibilité hors de toute donnée empirique,
ne nous permettrait guère de conforter notre argumentaire.
Il en est de même pour certains discours scientifique actuels, en particulier lors qu’il est débattu des chronologies propres aux lois universelles, des chronologies et des hétérochronies qui conditionnent le développement des êtres et des espèces, de la plus ou moins grande spontanéité des réactions aux stimulus, …, de la neutralisation de certains laps de temps qui permettent de ponctuer la réactivité des mécanismes cérébraux (observations de Benjamin Libet, 1916 – 2007).
Néanmoins, deux faits sont indubitables,
– en premier lieu, toutes les voies d’évolution de la matière inerte et de la matière vivante attestent le respect de chronologies rigoureuses, ce qui présuppose la prise en compte permanente et le respect de durées, ces intervalles mystérieux qui ne sont pas de l’espace,
– en second lieu, la dynamique quantique (au niveau quantique) porte témoignage de l’instantanéité, donc de l’intemporalité.
Comment cela se peut-il ?
Les scientifiques ne semblent guère sensibles à cette interrogation ; d’ailleurs, vous l’avez lu maintes fois, ils n’hésitent pas à postuler l’existence de « pouvoirs » spécifiques, au gré des phénomènes analysés, sous le couvert, par exemple,
– d’ »opérateurs géométriques »,
– ou encore d’entités biologiques comme le cerveau reconnu maître à penser, les organes du corps (cœur, foie,…), les cellules libérant des messagers qui agissent, les ribosomes qui traduisent en séquences protéiques, …, les gènes homéotiques qui codent des protéines dont le rôle est de contrôler d’autres gènes …
Or, il ne peut y avoir de multiples opérateurs au sein de l’univers, en particulier au sein d’un être, qui reconnaissent, jugent en prenant en compte des repères de valeur, notamment temporels, …, qui décident et agissent, et ce ne sont pas des lois qui ont ce pouvoir.
Il est vrai, ce manque de rigueur conceptuelle et sémantique est fort ancien ; rappelons notamment l’ambiguïté fâcheuse concernant la notion de pensée, voire, celle de conscience :
« …. il faut éviter l’équivoque du mot pensée, lequel on peut prendre pour la chose qui pense, et aussi pour l’action de cette chose. »(cf. Descartes – Méditations métaphysiques, Lettre à M. Clerselier).
La pensée et la conscience ne sont pas des opérateurs !
Par le biais du cerveau et par le moyen d’activités d’abstraction d’ordre transcendant, nous générons des pensées,
et dotés d’un état de conscience de soi, nous pouvons nous reconnaître et entendre le monde en le transcendant.
* Nul doute donc, la compréhension de la nature du temps présuppose également la prise en compte des phénomènes et des processus inhérents au domaine de l’abstraction ne serait-ce que parce que cela conduit à débattre du moment présent, ce temps qui n’a pas, qui n’a jamais d’expression physique !
En effet, n’ayant point de durée puisque dès que nous essayons de le « cerner », il devient du « passé », l’instant apparaît comme un éternel présent qui paradoxalement sépare et unit le « temps passé » et le « temps futur » avec la propriété remarquable d’être toujours le même dans sa nature et sa signification, et ce, bien qu’il participe de contextes spatio-temporels différents.
Les instants présents permettent alors de diviser les actualisations (les matérialisations) du temps, mais, eux-mêmes, ne sont pas divisibles.
En outre, n’étant pas affectés par les contraintes de la relativité, et ne pouvant être rassemblés bout à bout pour former des laps de temps puisqu’ils n’ont pas de durée (sinon en eux, se mêleraient passé et futur), ils sont une référence absolue qui nous accompagne de la naissance à la mort, la seule référence absolue dont nous disposions !
C’est notamment pourquoi nous nous transformons sans cesse, physiquement, durant notre existence, tout en continuant à demeurer identiques, toujours soi au sein d’un ego invariant.
et pourquoi le je (moi, sujet, ego, esprit), bien que capable de transcender le corps (notre identité physique), de se déplacer dans l’espace et d’utiliser le temps, est constamment contraint de reconnaître, de juger, …, de choisir, dans le moment présent, son seul référentiel absolu.
Nous pourrions d’ailleurs établir un parallèle avec les entre-deux représentés par les « blancs » (les vides, les non-dits) car ils détiennent, eux-aussi, les conditions de positivité et de transcendance qui sont impérativement nécessaires à l’entendement, à la mémorisation et à la transmission du « sens » ; par exemple, les entre-deux représentés par les blancs participent à la « structuration » des langages, des plus simples aux plus élaborés, et même singuliers comme ceux caractéristiques du patrimoine génétique et des ordinateurs.
Souvenons-nous alors de l’analyse augustinienne :
« Je sais qu’il n’y aurait ni, si rien ne se passait, temps passé, ni, si rien n’advenait, temps futur, ni, si rien n’existait, temps présent, …
Quant à un présent, toujours présent, qui ne s’en aille point en un passé, ce ne serait plus du temps, ce serait l’éternité. » (cf. Confessions – Livre XI, 14),
Certes le moment présent est représentatif de l’éternité, et en toute logique, puisque sans durée, intemporel et impliqué en tout être, ipso facto dans l’univers, le moment présent (l’instant) révèle l’une des facettes du temps jamais mise en exergue : son caractère potentiel.
Nous voici fort éloignés de la compréhension commune et combien paraît obsolète l’assertion nietzschéenne :
« Le temps en soi est une absurdité ; il n’y a de temps que pour un être sentant » ! (cf.- Le Livre du philosophe, Etudes théoriques).
Dans une quête des causes primordiales, cessons donc de spéculer sur la fuite du temps, sur sa flèche, …, sur son commencement avec le Big-bang et sur sa fin lors d’un Big- crunch.
Il ne peut y avoir de compréhension crédible de la dynamique universelle sans que le temps soit reconnu comme une potentialité, qui après « actualisation » (matérialisation), permet d’intégrer les évolutions dans des chronologies reproductibles et rigoureuses.
De par sa nature transcendante puisque les durées sont des intervalles non spatiaux, la source du temps n’eut pas de commencement et n’aura pas de fin.
Il est vrai le monde de potentialités n’est guère objet de débats ; or nous sommes convaincus que la dynamique de l’univers présuppose deux mondes de virtualités (peu de chercheurs le sont) :
– le monde des virtualités physiques comme les forces universelles qui permettent d’assurer la cohérence et la dynamique des particules, des atomes et des molécules,
– et le monde des virtualités d’ordre transcendant comme les forces psychiques corrélatives de la volonté, des intentions, des désirs, …
En outre, ne soyez pas étonné par la dichotomie :
– « temps actualisé » susceptible d’être objectivé à l’aide d’appareils de mesure ou se prêtant à des symbolisations et équations,
– « temps potentiel » susceptible d’être associé à tout phénomène physique ou à tout référentiel abstrait comme les imageries virtuelles, les concepts, les idées qui meublent le domaine de l’abstraction.
Cette dichotomie montre que durant l’existence nous vivons physiquement dans le spatiotemporel et spirituellement dans l’intemporel, révélant ainsi le caractère dual et éternel de l’univers !
De ce fait, nous considérons l’univers comme ayant connu, de toute éternité, des myriades de bangs, et accordons un intérêt tout particulier aux trous noirs qui, selon nous, sont les expressions singulières de processus de démassifications de matières cosmiques.
D’ailleurs, nous avons ré-exprimé la formule univoque d’Einstein : E = mc² par l’équation réversible : E ↔ mc² pour signifier que la dynamique universelle présuppose à la fois :
– de permanentes et diverses massifications de l’Energie universelle conduisant aux particules, atomes et molécules,
– et de constantes démassifications de matières cosmiques avec retour à leur état primordial d’Energie universelle, cette énergie dont quelques scientifiques parlent sans jamais l’intégrer dans leurs supputations.
Et plus spécifiquement, à propos du caractère dual de l’univers, nous prônons avec assurance, à la manière de Descartes :
Cogito ergo mundus vivit (je pense donc le monde vit).
Evidemment, une question demeure et demeurera à jamais sans réponse : pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ? (cf. Leibniz -1646, 1716).
Paul Moyne
Théorie déposée à l’Académie des Sciences, à Paris, sous pli cacheté n°17325
llustration : Peinture de Nilos /2011