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théorie de l'évolution

Des scientifiques veulent mettre à jour la théorie de l’évolution

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Les récentes découvertes incitent certains chercheurs à arguer que la théorie synthétique de l’évolution doit être mise à jour. Cet article est le récit d’une réunion tenue à la Royal Society à Londres. Kevin Laland, éminent biologiste évolutionnaire de l’Université de St Andrews en Ecosse, proposait à ses collègues prestigieux rien moins que de rénover la théorie de l’évolution. Une révolution feutrée mais au climat tendu de passions.
 
Kevin Laland a regardé à travers la salle de réunion pour voir une centaine de personnes qui s’étaient réunies pour une conférence sur le futur de la biologie évolutionnaire. Un collègue assis à côté de lui a demandé comment les choses se présentaient. Laland a répondu que cela se passe plutôt bien, on n’en est pas encore aux coups de poing.
 
Laland est un biologiste évolutionnaire qui travaille à l’université de St Andrews en Écosse. Il est venu à Londres pour co-organiser une réunion à la Royal Society intitulée New Trends in Evolutionary Biology. La réunion a attiré principalement des biologistes, des anthropologues, des médecins, des informaticiens et des visionnaires. Laland a remarqué que la salle de réunion est en rénovation et il espère que la discussion va également amener une sorte de rénovation sur l’une des théories les plus robustes et les plus fondamentales de la science.
 
Dans le milieu des années 1900, les biologistes ont mis à jour la théorie de l’Évolution de Darwin avec de nouvelles découvertes provenant de la génétique et d’autres disciplines. Le résultat est connu comme la théorie synthétique de l’Évolution qui a guidé la biologie évolutionnaire pendant près de 50 ans. Mais entre-temps, les scientifiques ont appris beaucoup de choses sur le fonctionnement de la vie. Ils peuvent séquencer des génomes entiers. Ils peuvent observer les gènes qui s’activent et se désactivent dans les embryons en développement. Ils peuvent observer comment les animaux et les plantes répondent aux changements dans l’environnement.
 
Le résultat est que Laland et un groupe de biologistes estiment que la théorie synthétique de l’évolution a besoin d’une mise à jour. Elle doit donner une nouvelle vision de l’Évolution et cette mise à jour est connue comme l’Extended Evolutionary Synthesis (Théorie synthétique et étendue de l’Évolution). D’autres biologistes ne sont pas d’accord en estimant qu’il y a peu de preuves qu’un tel changement soit nécessaire.
 
Cette réunion est la première conférence publique où Laland et ses collègues pouvaient présenter leurs visions. Mais Laland n’a aucun intérêt à prêcher à ceux qui sont déjà d’accord et ils ont donc invité des biologistes qui sont très sceptiques sur l’idée de cette théorie synthétique et étendue de l’Évolution. Les deux parties ont offert leurs arguments et on pouvait sentir une tension dans la salle avec des Tsss, Tsss, des yeux levés au ciel et des applaudissements partisans selon les différents intervenants. Mais les poings sont restés dans les poches… pour le moment.
 

L’Évolution telle que nous la connaissons

La science évolue sans cesse avec parfois des révolutions qui se mettent en place. Galilée et Newton ont tiré la physique de ses erreurs passées dans les années 1600 pour la faire progresser à petits pas jusque dans les années 1900. Einstein et d’autres ont posé les bases de la physique quantique, de la relativité et d’autres moyens de comprendre l’univers. Il est stupide de dire que Newton ou les autres avaient tort, mais simplement le fait que l’univers est bien plus que de la matière en mouvement.
 
La biologie évolutionnaire a eu également ses propres révolutions. La première a été lancée par Charles Darwin en 1859 dans son livre sur les Origines des Espèces. Darwin a rassemblé des preuves de la paléontologie, de l’embryologie et d’autres sciences pour montrer que les choses vivantes étaient liées les unes aux autres par un ancêtre commun. Darwin a également introduit un mécanisme qui provoque des changements sur le long terme qui est la sélection naturelle. Chaque génération d’une espèce est remplie de variations. Certaines variations ont permis aux organismes de survivre et de se reproduire et les caractéristiques sont transmises à la prochaine génération grâce à l’hérédité.
 
Darwin a inspiré les biologistes du monde entier à étudier les animaux et les plantes d’une nouvelle manière en interprétant leur biologie comme des adaptations qui était produite sur de nombreuses générations. Mais Darwin a réussi en dépit d’ignorer totalement le concept d’un gène. Il a fallu attendre les années 1930 pour que les généticiens et les biologistes évolutionnaires se réunissent pour refondre la théorie de l’Évolution. Les variations étaient provoquées par des mutations qui pouvaient produire de nouvelles combinaisons. Les nouvelles espèces émergent quand les populations possèdent des mutations qui n’autorisent plus l’intercroisement.
 
En 1942, le biologiste britannique Julian Huxley a décrit ce cadre de travail émergent dans un livre intitulé Evolution : The Modern Synthesis. Aujourd’hui, les scientifiques appellent cette théorie par le titre de ce livre. Parfois, ils utilisent le terme de néo-darwinisme, mais qui peut prêter à confusion. Le néo-darwinisme est apparu dans les années 1800 à l’époque où les biologistes proposaient de nouvelles idées alors que Darwin était encore vivant.
 
La théorie synthétique de l’Évolution est devenue un outil puissant pour poser des questions sur la nature. Les scientifiques l’ont utilisée pour faire une grande quantité de découvertes concernant la vie. Par exemple, on a compris pourquoi certaines personnes sont plus vulnérables aux troubles génétiques tels que la drépanocytose et pourquoi les pesticides échouaient tôt ou tard à combattre les nuisibles. Mais dès l’apparition de la théorie synthétique de l’Évolution, les biologistes ont commencé à critiquer sur le fait qu’elle était trop rigide. Mais il a fallu attendre ces dernières années pour que Laland et d’autres chercheurs puissent s’organiser afin de formuler la théorie synthétique et étendue de l’Évolution.
 
Ces chercheurs ne considèrent pas que la théorie synthétique de l’Évolution soit incorrecte, mais uniquement le fait qu’elle ne capture pas toute la richesse de l’évolution. Les organismes héritent plus que des gènes. Ils peuvent hériter d’autres molécules cellulaires ainsi que des comportements qu’ils apprennent et les environnements modifiés par leurs ancêtres. Laland et ses collègues défient également le concept que la sélection naturelle est la seule explication sur le comportement de la vie. D’autres processus peuvent influencer le cours de l’évolution allant du développement aux environnements où vivent ces organismes. Ce n’est pas simplement une question d’ajouter plus de mécanismes selon Laland, car cela nécessite de penser à la causalité d’une différente manière.
 

Les ajouts à Darwin

Eva Jablonka, biologiste à l’université de Tel-Aviv, a utilisé sa présentation pour explorer les preuves d’une forme d’hérédité au-delà des gènes. Nos cellules utilisent un certain nombre de molécules spéciales pour contrôler les gènes qui fabriquent les protéines. Dans un processus connu comme la méthylation, les cellules imposent des contrôles sur leur ADN pour désactiver certains gènes. Quand les cellules se divisent, elles peuvent reproduire les mêmes contrôles sur le nouvel ADN. Certains signaux de l’environnement peuvent faire en sorte que ces cellules changent ces contrôles épigénétiques qui permettent à l’organisme d’adapter leur comportement à de nouveaux défis.
 
Certaines études indiquent que, sous certaines circonstances, un changement épigénétique dans un parent peut être passé à sa portée. Et ces enfants peuvent passer ce profil épigénétique modifié à leurs enfants et ce serait une hérédité au-delà des gènes. La preuve de cet effet est la plus robuste chez les plantes. Dans une étude, les chercheurs ont été capables de traquer les patterns modifiés de la méthylation sur 31 générations dans une plante appelée Arabidopsis. Et ce type d’hérédité peut provoquer une différence considérable sur le fonctionnement d’un organisme.
Dans une autre étude, les chercheurs ont trouvé que les patterns hérités de la méthylation peuvent changer le temps de floraison de l’Arabidopsis ainsi que la taille de ses racines. La variation de ces patterns était plus importante que celle qui est provoquée par une mutation normale. Après avoir présenté cette preuve, Jablonka a estimé que les différences épigénétiques pourraient déterminer les organismes qui survivraient assez longtemps pour se reproduire. La sélection naturelle pourrait fonctionner dans ce système selon cette chercheuse.
 
Même si la sélection naturelle est une force importante dans l’évolution, les orateurs ont présenté des preuves qu’elle peut être contrainte ou biaisée dans une direction particulière. Gerd Müller, un biologiste de l’université de Vienne, a proposé un exemple de sa propre recherche sur les lézards. Un certain nombre d’espèces de lézard ont évolué pour que leurs pieds n’aient plus d’orteils. Certains ont quatre orteils tandis que d’autres ont en seulement un et il y en a qui ‘en ont plus aucun.
 

L’épigénétique

La théorie synthétique de l’Évolution selon Müller a incité les scientifiques à regarder ces changements comme le produit de la sélection naturelle qui va favoriser une variante sur d’autres parce que cette variante possède un avantage de la survie. Mais cette approche ne fonctionne pas si vous tentez de comprendre l’avantage de perdre certains de ses orteils. La réponse est qu’il n’y a pas d’avantage sélectif réel selon ce chercheur.
 
La clé pour comprendre pourquoi les lézards perdent des orteils précis s’explique dans la manière dont les embryons de lézard développent leurs orteils à la base. Un bout apparait sur le côté du corps et ensuite, on a cinq doigts qui vont émerger. Mais l’orteil aura toujours la même séquence. Et quand les lézards perdent leurs orteils via l’évolution, alors ils les perdent dans un ordre inverse. Müller estime que cette contrainte s’explique parce que toutes les mutations ne peuvent pas créer toutes les variations possibles. Certaines combinaisons d’orteils sont donc en dehors des limites et la sélection naturelle ne va jamais les sélectionner.
 
La Renouée
Le développement peut contraindre l’évolution. Mais il fournit également une flexibilité remarquable aux plantes et aux animaux. Sonia Sultan, biologiste évolutionnaire de l’université de Wesleyan, a proposé un cas spectaculaire pendant sa présentation en décrivant une plante qu’elle étudie dans la famille des Polygonum qu’on connait mieux sous le nom de Renouée.
 
La théorie synthétique de l’Évolution selon Sultan vous mènerait à regarder les adaptations de la Renouée comme le produit très peaufiné de la sélection naturelle. Si la plante pousse dans un environnement faiblement ensoleillé, alors la sélection naturelle va favoriser la plante avec des variances génétiques qui leur permet de s’adapter à cet environnement. Par exemple, une variation est des feuilles plus grandes pour capturer plus de photons. En revanche, les plantes qui poussent dans des environnements très ensoleillés vont s’adapter différemment à ces conditions. Si vous développez des Renouées génétiquement modifiées sous différentes conditions, alors vous aurez des plantes avec un comportement tellement différent qu’on a l’impression que ce sont des espèces différentes.
 
Les Renouées adaptent la taille de leurs feuilles selon la lumière du soleil qu’elles reçoivent. En plein soleil, les plantes auront des feuilles petites et denses, mais en faible lumière, ces feuilles vont s’agrandir et s’amincir. Sur un sol sec, ces plantes vont envoyer leurs racines profondément dans le sol pour chercher de l’eau et sur des sols immergés, ces plantes vont développer des racines comme des cheveux ébouriffés dans tous les sens qui vont rester à la surface.
 

La plasticité

Pendant la réunion, les scientifiques ont estimé que cette flexibilité, connue comme la plasticité, peut diriger l’évolution. Elle permet aux plantes de s’adapter à un certain nombre d’habitats où la sélection naturelle va ensuite adapter leurs gènes. Dans une autre présentation, Susan Antón, paléonantropologue à l’université de New-York, a déclaré que la plasticité a pu jouer un rôle important dans l’évolution humaine qu’on n’a pas remarqué jusqu’à présent. Et c’est parce que la théorie synthétique de l’Évolution a influencé l’étude de l’évolution humaine pendant les cinquante dernières années.
 
Les paléoantropologues tendaient à traiter les différences dans les fossiles comme le résultat de différences génétiques. Cela leur permet de dessiner un arbre évolutionnaire d’humains et leurs proches éteints. Cette approche possède de nombreux avantages selon Antón. À partir des années 1980, les scientifiques ont découvert que nos proches parents les plus anciens étaient courts avec un petit cerveau il y a environ 2 millions d’années. Ensuite, une lignée a pris de la hauteur et elle a évolué pour avoir des cerveaux plus grands. Cette transition a marqué l’origine de notre genre, les Homo.
 
Mais parfois, les paléoantropologues trouvent des variations auxquelles il est difficile de donner un sens. Deux fossiles pourraient se ressembler comme s’ils étaient dans la même espèce, mais ils sont différents dans d’autres aspects. Les scientifiques écartent habituellement ces variations comme étant provoquées par l’environnement. Nous voulions nous débarrasser de ces choses et remonter à leur essence selon Antón. Mais ces choses sont trop abondantes pour les ignorer. Les scientifiques ont trouvé une variété considérable de fossiles ressemblant à des humains il y a 1,5 million à 2,5 millions d’années.  Certains étaient grands tandis que d’autres étaient courts. Certains avaient de grands cerveaux tandis que d’autres en avaient de petits. Ils possèdent tous certaines caractéristiques de l’Homo dans leur squelette, mais chacun possède un assortiment de mélanges et de correspondances.
 
Antón pense que la théorie synthétique et étendue de l’évolution pourrait aider les scientifiques à donner un sens à ce profond mystère. En particulier, elle pense que ces collègues devraient considérer sérieusement la plasticité comme une explication de l’étrange diversité dans les fossiles des premiers Homo. Pour soutenir cette idée, Antón a pointé le fait que les humains actuels possèdent leurs propres plasticités. La qualité de la nourriture qu’une femme va consommer en étant enceinte peut influencer la taille et la santé de son enfant et ces influences peuvent durer jusqu’à l’âge adulte. De plus, la taille d’une femme, influencée partiellement par le régime de sa mère, peut influencer son propre enfant. Les biologistes ont découvert que les femmes, avec de longues jambes, tendent à avoir des enfants plus grands.
 
Antón a proposé que les variations étranges dans les fossiles puissent être des exemples dramatiques de la plasticité. Tous ces fossiles datent de l’époque où le climat de l’Afrique est passé par plusieurs changements. Les sécheresses et les pluies abondantes ont pu changer la chaîne alimentaire dans différentes parties du monde en provoquant des différences dans le développement des premiers Homo. La théorie synthétique et étendue de l’Évolution pourrait aussi donner un sens à un autre chapitre de notre histoire qui est l’apparition de l’agriculture. En Asie, en Afrique et aux Amériques, les personnes ont domestiqué les graines et le bétail. Melinda Zeder, une archéologue de la Smithsonian Institution, a présenté les problèmes de cette transformation.
 
Avant que les gens commencent à faire de l’agriculture, ils cueillaient et chassaient leur nourriture. Zeder a expliqué comment de nombreux scientifiques traitaient le comportement des cueilleurs selon la théorie synthétique de l’Évolution. Ce comportement était favorisé par la sélection naturelle pour avoir le meilleur rendement dans leur recherche de nourriture. Le problème est de déterminer comment un cueilleur va se transformer en agriculteur. Vous n’avez pas la même gratification que de prendre la nourriture et de la manger directement selon Zeder.
 
Certains chercheurs suggèrent que le changement vers l’agriculture a pu être provoqué par un changement climatique où il est devenu difficile de trouver les plantes. Mais Zeder et d’autres chercheurs n’ont pas trouvé de preuves d’une telle crise. Zeder estime qu’il y a un meilleur moyen de penser à cette transition. Les humains ne sont pas des zombies passifs qui tentent de survivre dans un environnement fixé. Ce sont des penseurs créatifs qui peuvent changer cet environnement. Et dans le processus, ils peuvent mener l’évolution dans une nouvelle direction.
 
Les scientifiques connaissent ce processus comme une construction de niche et de nombreuses espèces peuvent le faire. Le castor est le meilleur exemple, il coupe des arbres et il crée des barrages. Dans ce nouvel environnement, certaines espèces de plantes et d’animaux réussiront mieux que d’autres. Et ils vont trouver de nouvelles manières pour s’adapter à leur environnement. C’est valable pour les plantes et les animaux qui vivent à côté de l’étang du castor, mais également pour le castor.
 
Pour Zeder, ce fut une révélation quand elle a appris le phénomène de construction de niche. Les preuves archéologiques qu’elle et d’autres chercheurs ont collectées donnent un sens à la manière dont les humains ont changé leur environnement. Les premiers cueilleurs montrent des signes où ils ont déplacé des plantes dans la nature pour qu’elles soient plus proches de leur habitat. Et quand ils ont arrosé et protégé les plantes contre les herbivores, ces dernières se sont adaptées à leur nouvel environnement. De mauvaises herbes se sont mises à produire des graines. Et certains animaux se sont également adaptés pour devenir des chats, des chiens et d’autres espèces domestiquées.
 
Au fil du temps, l’environnement a changé en partant d’un endroit clairsemé de plantes sauvages à des champs denses. Cet environnement n’a pas seulement provoqué l’évolution des plantes, car il a aussi provoqué l’évolution culturelle des agriculteurs. Au lieu de rester des nomades, ils se sont réunis dans des villages pour qu’ils puissent travailler sur la terre environnante. La société est devenue plus stable parce que les enfants ont reçu un héritage écologique de leur parent et la civilisation a commencé.
La construction de niche est l’un des nombreux concepts proposés par la théorie synthétique et étendue de l’Évolution qui donne un sens à la domestication. Zeder a proposé plusieurs présentations allant des premiers agriculteurs jusqu’à l’évolution des plantes. On aurait dit une bonne campagne publicitaire de la théorie synthétique et étendue de l’Évolution.
 

Le retour à la sélection naturelle

Parmi les membres de l’audience, on trouvait un biologiste nommé David Shuker. Après avoir écouté les discours pendant un jour et demi, ce chercheur de l’université de St Andrews en a eu marre. À la fin d’un discours, il a levé la main. Le discours en question était donné par Denis Noble, un physiologiste qui a passé la plus grande partie de sa carrière à Oxford. Il a déclaré qu’il avait commencé comme biologiste « traditionnel », en considérant les gènes comme la cause ultime de tous les processus dans le corps. Mais ces dernières années, il a changé d’avis. Il a parlé du génome comme d’un organe sensible plutôt qu’un schéma pour la vie. Cet organe sensible pourrait détecter le stress et s’adapter pour faire face aux défis.
 
Pour illustrer sa vision, Noble a discuté de quelques expériences. L’une d’entre elles, publiée en 2015 par une équipe de l’université de Reading, montrait une bactérie qui pouvait nager en faisant tourner ses longues queues. En premier lieu, les scientifiques ont coupé un gène de l’ADN de la bactérie qui est essentiel pour construire les queues. Les chercheurs ont ensuite mis cette bactérie sans queue dans une boite de Petri avec une faible quantité de nourriture. La bactérie a consommé rapidement la nourriture dans son voisinage. Si elle ne pouvait pas bouger, alors elle mourrait. En l’espace de quatre jours dans ces conditions pénibles, la bactérie pouvait nager de nouveau. Une analyse poussée a montré que la bactérie pouvait développer de nouvelles queues. Cette stratégie produit un changement évolutionnaire rapide en réaction à un environnement hostile. C’est un système autonome qui active une caractéristique particulière qui se déclenche indépendamment de l’ADN.
 
Shuker n’a pas apprécié cette explication. Après le discours de Noble, il a demandé des explications sur le mécanisme qui explique cette découverte. Noble a balbutié pour répondre en disant que le mécanisme général concerne des réseaux, une régulation et une recherche désespérée d’une solution face à une crise. « Je vous conseille de lire notre papier » lui a répondu Noble.
 
Alors que Noble peinait à répondre, Shuker est allé consulter le papier sur sa tablette. Et il a lu l’abstrait du papier à voix haute. « Nos résultats montrent que la sélection naturelle peut reconnecter rapidement les réseaux de régulation ». « Et donc, c’est un bon exemple d’une évolution néo-darwinienne » a-t-il conclu sur un ton ironique.
 
L’intervention de Shuker reflétait le sentiment général de nombreux sceptiques dans la conférence. Le changement de paradigme proposé par la théorie synthétique et étendue de l’Évolution était injustifié selon de nombreux sceptiques. Et certains ont même pris la parole.
 
« Je pense que je représente la vision Jurassique de l’Évolution » déclara Douglas Futuyma. Futuyma est un biologiste à la Stony Brook University et auteur d’un livre important sur l’évolution. En d’autres termes, il était la cible de nombreuses complaintes selon lesquelles les livres n’accordaient pas une grande importance à l’épigénétique et la plasticité. Futuyma a démontré pourquoi ces concepts étaient ignorés.
 
Nous devons reconnaitre que les principaux aspects de la théorie synthétique de l’évolution sont robustes et parfaitement prouvés. De plus, les principes biologiques discutés pendant la conférence ne sont pas nouveaux. Les architectes de la théorie synthétique de l’Évolution en discutaient déjà il y a 50 ans. Et il y a de nombreuses recherches dans cette théorie pour donner un sens à ce concept.
 
Prenons l’exemple de la plasticité. Les variations génétiques dans un animal ou une plante gouvernent la fourchette de formes dans laquelle cet organisme va se développer. Les mutations peuvent altérer cette fourchette. Et les modèles mathématiques de la sélection naturelle montrent comment elle peut favoriser certaines plasticités par rapport à d’autres. Mais si la théorie synthétique et étendue de l’Évolution est si superflue, alors pourquoi obtient-elle de l’attention pour justifier une conférence à la Royal Society ? Futuyma a suggéré que l’attirance est purement émotionnelle plutôt que scientifique. Cette théorie permet à la vie d’être une force active plutôt qu’un véhicule de mutations passives. « Je pense que lorsque nous trouvons que c’est agréable sur le plan esthétique ou émotionnel, alors ce n’est pas la base de la science » selon Futuyma.
 
Mais il a ajouté que le genre de recherche décrit pendant la réunion pourrait donner des aperçus intéressants sur l’évolution. Mais ces aperçus nécessiteraient beaucoup de travaux et de données. Il faut arrêter avec des essais et des papiers de position. Certains membres ont harangué Futuyma tandis que d’autres orateurs sceptiques étaient exaspérés par ces arguments qui n’avaient pas de sens.
Mais la réunion a pu finir au bout de trois jours sans en venir aux poings.
 
Selon Laland, c’est la première de nombreuses réunions à venir. En septembre 2016, un consortium de scientifiques en Europe et aux États-Unis a reçu un financement de 11 millions de dollars pour lancer 22 études sur la théorie synthétique et étendue de l’Évolution. De nombreuses de ces études vont tester des prédictions qui ont émergé de la théorie ces dernières années. Elles détermineront si des espèces, qui construisent leurs propres environnements, peuvent se transformer en des espèces qui ne le font pas. Ces études vont également analyser si la plasticité permet aux espèces de s’adapter à de nouveaux environnements. Nos critiques nous disent d’apporter des preuves et c’est ce que nous allons faire selon Laland.
 
Carl Zimmer, chroniqueur scientifique pour le New York Times. Il écrit également pour des magazines tels que National Geographic, Scientific American et The Atlantic. Traduction de son article publié dans Quanta Magazine.
 

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Navylemi@icloud.com
3 années

Très intéressant! On est dans un tournant avec la théorie de l’évolution.

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