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Innovation « responsable » : effet de com’ ou réalité ?

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À l’heure où l’innovation se targue de vouloir répondre aux grands enjeux sociétaux, comment définir la notion de responsabilité ? Pour les organisations, le concept d’innovation responsable n’est pas tout à fait le même que pour les scientifiques qui se penchent sur la question. Cédric Gossart est de ces derniers. Il questionne ce qu’est une innovation véritablement responsable.
 
« Les entreprises sont assez promptes à se définir comme ‘responsables’ » observe Cédric Gossart avec amusement. Chercheur en sciences du management à Institut Mines-Télécom Business School, il remarque que les organisations aiment valoriser leurs innovations comme répondant à ce critère de responsabilité. Cependant, un problème résulte de cette auto-qualification : le terme de responsabilité prend presque autant de formes qu’il y a d’entreprises pour la mettre en avant. Il apparaît donc nécessaire de questionner avec rigueur ce qu’est l’innovation responsable.
 
C’est à cette tâche que s’attelle en partie Cédric Gossart. Le 21 juin, il participe au séminaire scientifique « Recherche et innovation responsables : enjeux interdisciplinaires » piloté par le LITEM, laboratoire de recherche en gestion et économie, et organisé en collaboration interdisciplinaire avec cinq autres laboratoires du plateau de Saclay et soutenu par la Maison des Sciences de l’Homme de Paris-Saclay. Son intervention intitulée « Les innovations sociales numériques sont-elles responsables ? » confronte directement la notion de responsabilité telle que perçue par les entreprises avec une vision plus théorique de l’innovation responsable portée par la sphère académique.
 
« La finalité est un aspect important dans l’idée de responsabilité » explique le chercheur. Ainsi, les ruptures technologiques, sociales, ou organisationnelles doivent répondre à des enjeux de développement durable ou d’inclusion. Mais si les organisations voient ce critère comme suffisant, il manque pourtant une dimension cruciale. « Il faut aussi inclure la manière avec laquelle l’innovation est réalisée » insiste Cédric Gossart. Les notions d’éco-conception, de privacy-by-design ou de non-discrimination dès la phase de développement sont tout aussi importantes.
 
Or cette seconde dimension est aujourd’hui trop souvent absente des justifications de responsabilité des entreprises. Le chercheur de la business school de l’IMT rappelle le cas d’une start-up qui met au point des capteurs de pollution. La jeune pousse adopte une démarche participative : les capteurs accompagnent les utilisateurs dans leurs déplacements journaliers pour évaluer la qualité de l’air et établir des cartes des zones les moins exposées aux particules fines et composés volatils. Dans ce cas, la finalité de cette innovation sociale numérique s’inscrit clairement dans une démarche de responsabilité. « Il y a bien une réponse à un enjeu de société : la pollution. En revanche, aucune information n’est donnée sur l’impact environnemental des serveurs, sur le cycle de vie des capteurs. Dans une démarche vraiment responsable, on est en droit d’attendre que l’impact bénéfique de cette start-up compense son empreinte environnementale » argumente Cédric Gossart.
 

Qui pour juger de la responsabilité ?

Pour une mesure de la responsabilité plus rigoureuse, encore faudrait-il que les entreprises ne s’évaluent pas elles-mêmes. Actuellement, l’innovation responsable est un élément que les organisations utilisent pour justifier de leur réponse aux enjeux de développement durable. Elle est une rubrique dans les rapports d’activité annuels. « Les entreprises expliquent elles-mêmes, dans une démarche de communication, les actions qu’elles entreprennent et comment elles s’auto-évaluent » détaille Cédric Gossart. « Dans quelques rares cas, elles vont plus loin en se faisant labelliser par des organismes indépendants. »
 
Pourtant, l’innovation responsable a bien une définition académique et rigoureuse. En 2013, les chercheurs britanniques Jack Stilgoe, Richard Owen et Phil Macnaghten publiaient un article dans la revue Research Policy en lui associant quatre critères. L’anticipation consiste à envisager les conséquences de l’innovation mise au point. La réflexivité permet de questionner son développement même. L’inclusion des parties prenantes est également un critère important pour établir la responsabilité. Enfin, la réactivité est à prendre en compte, afin d’adapter l’innovation en fonction d’éléments nouveaux, comme un changement de législation ou les retours des utilisateurs.
 
Cédric Gossart reconnaît cependant que « le problème des innovations sociales numériques est de trouver un modèle d’affaire. Il est donc délicat de répondre à ces critères tout en trouvant un marché. » Mais si le coût de la responsabilité peut sembler être un frein, le chercheur rappelle tout de même que des innovations même frugales peuvent être des réussites. C’est d’ailleurs l’objet de la participation de Cees Van Beers, chercheur à TU, Delft lors du séminaire sur l’innovation responsable. « Pour lui, une innovation est responsable lorsqu’elle arrive à la portée des plus démunis. » Peut-être un critère supplémentaire à intégrer à la notion de responsabilité…
 
L’original de cet article est paru dans I’MTech 
 

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