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démission Nicolas Hulot

Démission de N. Hulot : l’incompatibilité écologique

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Un gouvernement libéral est-il compatible avec les enjeux écologiques, de l’environnement et de la planète ? Rien n’est moins sûr. Emmanuel Macron avait confié à la personnalité la plus incontestable la mission d’irriguer la gouvernance de l’État, au plus près du cœur du pouvoir, de la dimension écologique. La démission de Nicolas Hulot signe un constat d’échec. Les enjeux écologiques ne sont pas compatibles avec les enjeux économiques, politiques et financiers d’un État moderne. L’urgence du vivant et de la planète n’est pas conciliable avec celle des politiques.
 
Dans ce petit matin de rentrée, à un moment où chacun cherche à retrouver ses marques pour affronter les réalités du quotidien, la nouvelle est tombée comme un coup de tonnerre. Nicolas Hulot, le ministre d’État chargé de la transition écologique et solidaire jette l’éponge. Porté aux avant-postes de la défense de l’environnement par Emmanuel Macron, celui qui avait auparavant refusé toutes les sollicitations, avait accepté la charge. Il la savait lourde et s’attendait à de rudes combats. Sous l’œil des journalistes qui guettaient la moindre couleuvre qu’il aurait à avaler, et celui de ses amis défenseurs de l’environnement attendant de lui une présence plus tonique que celle de simple caution verte, Nicolas Hulot n’a cessé, pendant quinze mois, de mesurer l’inconfort d’un poste qui ne l’a jamais fait rêver.
 
Version intégrale de l’entretien de Nicolas Hulot sur France Inter le 28 aôut
 
« Je ne veux plus me mentir. Je ne veux pas donner l’illusion que ma présence au gouvernement signifie qu’on est à la hauteur sur ces enjeux-là. Et donc je prends la décision de quitter le gouvernement. » Cette décision, il l’avait longuement mûrie. Il l’avait évoquée maintes fois, le Président de la République disant de lui qu’il était un « inquiet qui n’est jamais satisfait ». A chaque fois, il en fut dissuadé. Sa présence au gouvernement était pour Emmanuel Macron un symbole fort. Mais les « déconvenues, l’impatience et même les éruptions de colère » dit-il, se sont accumulées. Jusqu’à hier, lundi, où lors d’une réunion à l’Élysée avec les représentants des chasseurs, il découvre la présence d’Emmanuel Coste, le lobbyiste de la chasse, assis aux côtés du président. La goutte d’eau qui fait déborder le vase ? La démonstration criante de l’intrication trop étroite du politique avec les intérêts catégoriels et économiques ? « La réunion a été symptomatique de la présence des lobbies dans les cercles du pouvoir. Il faut à un moment ou un autre poser ce problème sur la table parce que c’est un problème de démocratie : qui a le pouvoir, qui gouverne ? », s’est indigné Nicolas Hulot.
 
Hulot ne cesse de le répéter, encore ce matin au micro de France Inter, les enjeux sont considérables, nous sommes face au « pire défi que l’humanité n’ait jamais rencontré ». La situation universelle au moment où la planète devient une étuve « mérite qu’on se retrouve et que l’on change de paradigme ». Alors, les petits pas, les compromis, les querelles incessantes avec le ministre de l’Agriculture, les arbitrages, tout cela est bien dérisoire. Sa mission était de porter, incarner, inventer, une société écologique. Face aux poids des lobbies, des enjeux économiques et des querelles politiques, il aurait fallu que l’ensemble du gouvernement marche de concert. « L’industrie, l’économie, le budget, le transport c’est déjà le cas, l’agriculture, et bien d’autres, qui allaient être avec moi à mes côtés pour porter, incarner, inventer, cette société écologique. Je sais que seul je n’y arriverai pas. J’ai un peu d’influence, je n’ai pas de pouvoir. Je n’ai pas les moyens. ».
 
La dimension écologique s’avère insoluble dans l’action gouvernementale. « Je n’y crois plus. Pas en l’État, pas en ce mode de fonctionnement, pas tant que l’opposition ne sera pas capable de se hisser au-dessus des querelles habituelles pour se retrouver sur un enjeu supérieur. » Nicolas Hulot pensait que la prise de conscience de l’urgence d’agir aurait fait son œuvre.  Face à la Californie et à la Grèce qui brûlent, aux canicules qui se multiplient, à la biodiversité qui s’effondre, aux migrations climatiques qui s’accélèrent, les faits devaient dicter la conscience.  Las ! poursuit-il, « petit à petit, on s’accommode de la gravité et on se fait complice de la tragédie qui est en cours de gestation. Je n’ai pas forcément de solutions. J’ai obtenu un certain nombre d’avancées. Mais quand on n’a plus la foi… »
 
La politique du réel, celle des chiffres, est une montagne insurmontable face aux enjeux. Transformer les modèles installés est une gageure. Hulot avoue que, dans le domaine de l’Agriculture, son bras de fer avec le ministre Stéphane Travert fut un échec. « Je n’ai pas réussi à créer par exemple une complicité de vision avec le ministre de l’Agriculture alors que nous avons une opportunité absolument exceptionnelle de transformer le modèle agricole. On se fixe des objectifs mais on n’en n’a pas les moyens parce qu’avec les contraintes budgétaires on sait très bien à l’avance que les objectifs qu’on se fixe on ne pourra pas les réaliser. »
 
Pour le ministre de la Transition écologique, endiguer la tragédie climatique ne passe pas par « des petits pas » mais par un vrai changement de système. Changement auquel se refuse le gouvernement auquel il appartenait jusqu’à ce matin. « J’ai une profonde admiration pour Emmanuel Macron et Edouard Philippe. Mais ils n’ont pas compris que c’est le libéralisme qui en est la cause », a-t-il lâché au micro de France-Inter, dénonçant un « modèle économique marchand responsable de tous les désordres climatiques » mais que l’on s’évertue à perpétuer.
 
L’écologie, combat perdu d’avance dans un gouvernement libéral ? Un combat qui ne peut se mener seul. « Qui serait à la hauteur tout seul ? Où sont mes troupes ? Qui ai-je derrière moi ? » s’écrie-t-il, la voix étranglée par l’émotion. Nicolas Hulot ne pouvait ignorer la position libérale d’Emmanuel Macron, comme l’a rappelé la journaliste Léa Salamé sur France Inter. « Mais on peut évoluer, s’apporter les uns les autres. Je ne critique personne. J’espère que mon départ provoquera une profonde introspection de notre société sur la réalité du monde. »
 
Certes, mais une introspection sociétale est-elle suffisante ? La France avait jusqu’à aujourd’hui un ministre qui portait depuis trente ans des convictions profondes. Il était le porte-parole emblématique des enjeux de la planète. Il s’est heurté au mur des indifférences, des incohérences et des petits calculs à court terme. Cela en dit long sur notre aptitude collective à affronter ce qui nous attend ou, au moins, nous y préparer avec intelligence.
 
 

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