Aujourd’hui, il est nécessaire d’accélérer la transition de la société française vers une économie plus circulaire, et toutes les planètes sont alignées pour une accélération du recyclage des plastiques : les réglementations existent, de nombreuses technologies ont été développées au cours des dernières années. Mais face à cet engouement, il est indispensable de ne pas oublier les fondamentaux. Dans la perspective de la Journée mondiale du recyclage, le 18 mars, Laure Hugonet, Directrice Innovation du Pôle de Compétitivité Axelera et Sabine Zariatti, Responsable du Développement des partenariats industriels, Suez, nous proposent leur expertise.
Quatre maillons essentiels pour que les déchets plastiques soient recyclés
Un déchet plastique peut être constitué d’une matière unique ou de plusieurs matières imbriquées. Pour que la matière plastique soit recyclée, plusieurs conditions doivent être réunies. Il faut que le déchet soit collecté dans le cadre d’un système de ramassage adapté, que les matières soient séparées entre elles dans un centre de tri dédié, que chaque matière plastique soit régénérée dans un procédé de recyclage spécifique, et enfin que les matières issues du recyclage soient utilisées dans un nouveau process industriel en substitution de matières vierges.
L’exemple type est celui de la bouteille d’eau minérale en plastique composée d’un seul type de matière, le PET. Elle est collectée dans le flux des emballages ménagers (poubelle jaune), elle est extraite du flux dans des centres de tri, recyclée dans des usines dédiées (il en existe une dizaine en France), et la matière recyclée est utilisée pour faire de nouvelles bouteilles. A noter, le bouchon en PEHD doit être laissé sur la bouteille, il sera séparé et également recyclé en poubelles de tri.
Ces quatre maillons sont essentiels pour que le recyclage fonctionne : si l’un d’entre eux est défaillant, il n’y a pas de recyclage.
Le recyclage, une industrie en pleine évolution
La chaîne de valeur du recyclage des plastiques comprend de nombreuses étapes industrielles coûteuses. Les REP (Responsabilité Elargie du Producteur) ont été créées afin de contribuer au financement des filières de recyclage.
Le principe est simple : le fabricant ou metteur sur le marché d’un objet est responsable de sa fin de vie. Lors de la vente, il applique une éco participation payée par le consommateur qu’il reverse à la REP qui l’utilise pour financer les opérateurs du recyclage. Les REP s’appliquent par secteur d’activité, la première et la plus connue est la REP sur les emballages ménagers qui existe depuis 1992. Les systèmes de REP sont aujourd’hui étendus à de nombreux secteurs d’activités (matériaux du bâtiment et des travaux publics, matériels de jardinage, de bricolage…) avec une accélération depuis 2017 : à terme, 90% des déchets plastiques seront couverts par une REP. Ainsi de nouveaux tonnages de plastiques vont être collectés et triés.
En parallèle, de nouvelles réglementations vont imposer l’obligation d’incorporer des matières recyclées dans chaque nouvel objet, créant une demande forte. Ainsi, la directive européenne SUP (Single-Use-Plastics) impose l’utilisation de 25% de résine recyclée dans les bouteilles en PET en 2025.
Il est donc essentiel de répondre aux besoins en plastiques recyclés en optimisant et développant les procédés de recyclage.
Le recyclage chimique pour palier les limites de l’approche mécanique
Le recyclage mécanique se développe depuis 30 ans : cette approche a prouvé son efficacité pour le traitement de flux mono matière permettant de remplacer de la matière vierge dans certaines applications (automobile, BTP, agriculture…). Cependant, elle ne permet pas de répondre à toutes les demandes, notamment pour les domaines de l’alimentaire (hors PET bouteilles) et de la cosmétique qui imposent des contraintes sanitaires élevées.
Ainsi, les industriels s’intéressent à de nouvelles technologies faisant appel à la chimie. Le recyclage chimique apparaît comme un complément indispensable pour recycler des objets complexes et satisfaire des applications contraignantes. Une véritable dynamique d’innovation est aujourd’hui enclenchée autour de ces technologies. Cette solution d’avenir doit encore faire ses preuves pour lever les verrous technologiques, économiques et écologiques. Il est aujourd’hui nécessaire de passer à une échelle industrielle : aucune unité de cette taille n’existe aujourd’hui.
L’innovation est également essentielle à chaque étape de la chaine de valeur du recyclage : caméras couplées aux outils de l’intelligence artificielle embarquées sur les camions pour contrôler les non-conformités au moment de la collecte, robots pouvant reconnaitre certains objets pour augmenter la qualité de tri, systèmes de séparation matière…
Des consortiums de compétences pluridisciplinaires se mobilisent au sein du pôle de compétitivité Axelera pour développer les solutions de demain.
Développer l’écoconception : un levier essentiel pour le développement du recyclage
Les acteurs du recyclage innovent et savent se réinventer pour progresser. La technologie n’a pas de limite et on peut en quelque sorte tout recycler. Cependant l’enjeu pour créer et pérenniser l’économie circulaire est de concevoir des procédés compétitifs et performants d’un point de vue environnemental.
Prendre en compte la fin de vie au moment de la conception des produits est clé pour leur recyclage. Attention : l’écoconception couvre différentes dimensions du cycle de vie du produit qui peuvent être contradictoires. A titre d’exemple, la tendance à la réduction des épaisseurs des emballages pour limiter l’utilisation de matière a créé des emballages souples souvent multicouches non recyclables.
Pour bien écoconcevoir, il est essentiel que les acteurs de la conception collaborent avec les acteurs du recyclage.
Il faut également que chacun s’engage à trier ses déchets : plus les flux arrivent purs dans les usines, plus les procédés à mettre en œuvre pour le recyclage sont simples et efficaces. Pour cela, la pédagogie est essentielle et doit être renforcée auprès de tous, à tous les âges et dans tous domaines (maison, vie professionnelle, loisirs, milieu associatif…). Par exemple, un stylo en plastique ne doit pas être jeté dans la poubelle jaune qui est strictement réservée aux emballages vides. En cas de doute, les collectivités locales ont un devoir d’information.
Enfin arrêtons les croyances : les déchets plastiques sont majoritairement recyclés en France et en Europe et les déchets ne sont pas mélangés après la collecte. Le chemin est encore long mais la filière est dynamique et progresse chaque jour.
Sabine Zariatti, Responsable du Développement des partenariats industriels, SUEZ
Laure Hugonet, Directrice Innovation, Axelera